depuis 80 ans, la Maison du livre joue son rôle à Rodez

depuis 80 ans, la Maison du livre joue son rôle à Rodez
depuis 80 ans, la Maison du livre joue son rôle à Rodez

Près de 80 ans après sa création, La Maison du livre, à Rodez, continue de remplir son rôle de librairie généraliste indépendante pour tout l’Aveyron et au-delà, avec une équipe alliant esprit de service et compétences. Entretien avec l’une de ses deux réalisatrices, Emmanuelle Belle.

Pouvez-vous nous rappeler l’histoire de la librairie ?

La Maison du livre a été créée par le Père Émile Sudres en 1946, rue Louis-Blanc. En 1959, elle s’installe Passage des Maçons et complète l’offre de littérature générale et religieuse avec des sections de livres scolaires, de littérature jeunesse et de livres de poche. Danielle Dastugue reprend la librairie en 1983 et crée les Éditions du Rouergue en 1987.

En 1990, avec le soutien de Roger Cartayrade et des amis de La Maison du livre, elle lance un important projet de rénovation du magasin, offrant près de 600 m2 de surface de vente. Début 2002, Benoît Bougerol devient le nouveau propriétaire de La Maison du livre. En 2008, une deuxième librairie est créée sur le site de l’ancien cinéma Family. Ce nouvel espace a permis d’accueillir les rayons jeunesse, BD, science-fiction, jeux et papeterie.

En 2013, La Maison du livre reprend la librairie Privat à Toulouse. Dix ans plus tard, lorsque Benoît Bougerol prend sa retraite, Amandine Pinson et moi reprenons la direction de la librairie et nous séparons de Privat pour rendre à nouveau La Maison du livre totalement indépendante.

Cela fait plus d’un an que vous avez pris les rênes. Le défi a-t-il été relevé ?

J’ai intégré la librairie pour un job d’été en section scolaire en 1991. J’y suis finalement resté dix ans avant de m’orienter vers l’animation, puis de devenir assistant réalisateur et aujourd’hui réalisateur. Je connais donc la librairie et son fonctionnement, nos clients, la ville, les associations, les bibliothèques, les écoles… Mais c’était une grande responsabilité de prendre la tête de cette institution ruthène.

J’ai fait équipe avec Amandine Pinson car nous sommes complémentaires : elle gère tous les aspects administratifs et comptables, et je gère le reste, notamment la relation client et les ressources humaines. Je nous considère comme des passeurs : on nous a donné une librairie qui a une histoire et qui est attachée à son indépendance, il faut préserver cette âme pour, le moment venu, la transmettre à notre tour.

La Maison du livre est la seule librairie de Rodez depuis la fermeture du Mot à mot, qui était situé rue Saint-Cyrice, en 2017. Les temps sont durs pour votre secteur d’activité ?

Aujourd’hui, La Maison du livre est la principale librairie d’Occitanie après Ombres Blanches à Toulouse et Sauramps à Montpellier. Nous sommes seuls, idéalement situés au cœur de la ville, au carrefour des différents musées de la ville, mais il ne faut pas se reposer sur nos lauriers.

Une librairie n’est pas une entreprise comme les autres. Les gens qui ont de l’argent n’investissent pas dans notre secteur ! Nos marges sont faibles et nous devons faire face à de gros concurrents contre lesquels nous n’avons pas les moyens de lutter. La seule façon de réussir est de faire de ce lieu un lieu agréable, convivial et de créer du lien avec nos clients pour les fidéliser. Nos libraires sont là pour vous présenter leurs coups de coeur, donner des idées ou des conseils de lecture.

“Nous sommes conscients qu’il y a un public qui n’a pas accès à la lecture”

Depuis la rentrée 2019, le dispositif « quart d’heure de lecture à l’école » vise à inciter les élèves à lire, à l’école et en dehors de l’école. Qu’en penses-tu?

Nous sommes conscients qu’il existe un public qui n’a pas accès à la lecture, qui se sent mal à l’aise dans une librairie et pense qu’elle est réservée à une élite d’intellectuels. Je le vois avec les professeurs qui nous commandent des livres pour leurs cours : certains parents mettent les pieds ici pour la première fois.

Notre rôle est de les accueillir et de leur montrer que nous sommes ouverts et accessibles à tous. C’est aussi pourquoi nous organisons des événements gratuits pour tenter de toucher tout le monde (goûts lecture pour les tout-petits, prix littéraires pour les adolescents, petits déjeuners littéraires et prix des lecteurs pour les adultes, rencontres et dédicaces avec des auteurs…).

Malgré ces atouts qui font le charme des librairies indépendantes comme la vôtre, les sites de vente en ligne comme Amazon représentent-ils encore une menace ?

Nous avons des lecteurs fidèles qui achètent uniquement chez nous. Mais il y a aussi des gens qui magasinent et peuvent acheter aussi bien dans les supermarchés que sur Internet.

Ce sont les éditeurs qui fixent le prix du livre. Nos marges sont faibles : elles dépendent de la remise qu’ils sont prêts à nous accorder. La loi Lang de 1981 instaurant un prix unique du livre en France a clairement sauvé les librairies. Nous pouvons réduire jusqu’à 5% mais nous ne pouvons pas augmenter les prix.

Nous nous sommes battus contre Amazon qui expédiait à 0,10 €. Maintenant, je crois qu’il y a un minimum obligatoire de 3 €. Pour nous, cela coûte 7 € pour envoyer un livre par la poste. Pour rester compétitifs, nous avons mis en place un forfait de 5,90 €, mais cela nous fait perdre de l’argent à chaque expédition. Un livre coûte en moyenne 20 euros, si vous en lisez trois ou quatre par mois, cela représente un budget.

On remarque qu’avec l’inflation, les gens préfèrent attendre que les livres sortent au format de poche, plus accessible financièrement.

Les livres numériques et audio ont-ils trouvé leur place sur le marché ?

Quand les livres numériques sont sortis, on s’est dit que le papier était mort. Et puis finalement, cela est resté une pratique parallèle, occasionnelle, notamment lorsque les gens voyagent.

Nos clients restent attachés à l’objet livre, à son odeur, au fait de tourner les pages… Et puis il a été démontré que la lecture sur écran ne s’imprime pas de la même manière dans nos têtes.

Pensez-vous que la population lit moins qu’avant ?

La lecture prend du temps. Et avoir le temps, c’est faire des choix. On passe facilement 15 à 30 minutes sur les écrans de nos smartphones, à scroller sur les réseaux sociaux sans s’en rendre compte. C’est du temps que l’on pourrait consacrer à la lecture mais cela demande un petit effort.

 
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