Le livre de Daniel Pittet – .

Le livre de Daniel Pittet – .
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«Je ferai tout pour que les victimes soient reconnues»

« Père, je te pardonne. Survivre à une enfance brisée. Avec ces mots, titre d’un livre préfacé par le pape François, Daniel Pittet a provoqué un séisme dans l’Église catholique. C’était en 2017, et ce Fribourgeois aux allures de gentil géant racontait les viols que lui avait infligés dans son enfance un prêtre capucin. Il retracé son parcours du combattant pour parler, être entendu et enfin vivre debout.

Sept ans plus tard, il publie un nouveau livre, « Unbearable Secrets ». Abus sexuels dans les familles. Cette fois, Daniel Pittet n’est plus seul à prendre la parole, car ces années passées dans la lumière ont été riches en rencontres, avec des victimes, mais aussi avec des violeurs. Son œuvre ne donne qu’un aperçu des mille histoires qu’il a rassemblées, fortes, voire inquiétantes. Son expérience lui permet de porter un regard singulier sur un mal qui touche la société dans son ensemble : les violences sexuelles contre les enfants.

Comment est née cette nouvelle œuvre ?

Depuis la publication de mon témoignage, en moyenne deux personnes violées viennent me parler chaque jour. Je vais aussi dans les collèges pour témoigner, même si aujourd’hui on estime que dans chaque classe, quatre enfants ont subi des violences sexuelles. Je les vois. C’est ma fragilité. Cinquante ans après ce qui m’est arrivé, je voudrais dire aux victimes que prendre la parole représente la moitié du chemin. C’est dur. Il faut être équipé et le faire avec précaution, mais le silence conduit à encore plus de souffrance.

Qu’avez-vous appris de ces victimes ?

La plupart sont des femmes et presque toutes ont été maltraitées au sein de la famille. En comparaison, j’ai été approché par très peu de victimes de personnes religieuses. Aujourd’hui, l’Église reconnaît et indemnise les personnes qui ont été maltraitées, même si des décennies ont passé. C’est autre chose quand on a affaire à une famille. Pour avoir dénoncé un frère ou un père, certaines victimes sont exclues ou déshéritées. C’est une double peine. Je crois que dans chaque famille il y a des agresseurs, dans la mienne comme dans la vôtre. Dans certains d’entre eux, les abus se répètent même de génération en génération, jusqu’à briser le silence.

Vous vous demandez comment aider ces personnes qui viennent vers vous ?

Après 2017, j’ai été invité partout, dans les médias, à l’étranger. J’ai senti que je disposais d’un énorme levier pour parler au nom de celles qui ont été violées, dont la plupart garderont le silence. Je ferai tout pour qu’ils soient reconnus, mais pour qu’ils parlent, il faut les croire. Mon expérience est que la justice ne peut pas faire grand-chose pour les victimes, surtout lorsque les faits sont prescrits. En revanche, je crois beaucoup à la justice réparatrice, qui permet au moins aux victimes, si elles le souhaitent, d’obtenir la reconnaissance de leur agresseur, en le confrontant.

Votre livre raconte également vos entretiens avec des violeurs, qui cherchaient à vous rencontrer. Qu’en retenez-vous ?

Un violeur qui admet l’être est très rare. Tous ceux que j’ai rencontrés ont eux-mêmes été violés et j’ai de l’empathie, même si je ne pourrai jamais être comme eux. Ils méritent tous la prison et je leur demande d’arrêter, mais je me sens impuissant. S’ils viennent me voir, c’est aussi parce qu’ils savent qu’ils ne risquent pas grand-chose.

Ne pourriez-vous pas les dénoncer ?

J’ai demandé à certaines personnes de dresser une liste de leurs victimes. J’en ai parlé aux procureurs, mais ils m’ont prévenu que cela ne menait à rien. La justice ne peut pas s’approcher d’un enfant et lui demander si tout cela est vrai, s’il a été violé. Il faut lui laisser du temps, sachant que cela peut souvent prendre des années.

La société progresse-t-elle pour contribuer à briser ce silence ?

Aujourd’hui, on a davantage le droit de dire qu’on a été violée, mais se signaler comme victime reste une aventure gigantesque. La société et les familles ne sont pas toujours prêtes à écouter. Plutôt que d’aller au front, il faut se confier étape par étape, en thérapie et aux amis.

Et pour éviter les abus ?

Souvent, les violeurs qui m’approchent justifient la poursuite de leurs crimes en disant : « Vous avouez vous-même que vous n’avez jamais dit non. » Ce que je sais, c’est à quel point il est difficile pour les enfants de surmonter le choc. Et ils ne devraient jamais se sentir coupables de n’avoir rien dit. Cependant, je crois que nous devons leur apprendre qu’ils peuvent dire non. C’est pourquoi j’ai réalisé une carte sur laquelle sont inscrits les mots NON NEIN NO et les numéros d’urgence. Je les distribue dès que je peux.

« Des secrets insupportables. Abus sexuels dans les familles », Daniel Pittet et Micheline Repond, Éditions Non – Nein – No, en librairie à partir du 24 avril (non-nein-no.ch)

Chloé Din est journaliste à la rubrique Vaud & Régions depuis 2015. Elle couvre notamment le quartier de l’Ouest Lausanne ainsi que les thématiques religieuses et spirituelles.Plus d’informations

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