Livre. « L’absence est une femme aux cheveux noirs », une plongée sensorielle dans la dictature argentine

Livre. « L’absence est une femme aux cheveux noirs », une plongée sensorielle dans la dictature argentine
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Elle nous avait laissés dans une guerre qui se déroulait dans un lieu abstrait (Le colonel ne dort pas, Éditions du sous-sol, 2022). Dans son nouveau travail, L’absence est une femme aux cheveux noirs, Émilienne Malfatto est ancrée dans une réalité bien connue : celle de la dictature militaire en Argentine (1976 – 1983).

Malgré cette différence fondamentale d’apparence, les deux œuvres suivent la même approche stylistique. Journaliste de formation, Émilienne Malfatto continue d’explorer des formes d’écriture plus littéraires que les récits journalistiques standards.

Prose et vers libres

Dans L’absence est une femme aux cheveux noirs, les faits et les dates sont dispersés tout au long de l’histoire. Le style, qui alterne prose et vers libres, fait ressortir une sensorialité et des affects liés à l’expérience en dictature. Émilienne Malfatto consacre de longues et puissantes lignes aux centaines d’enfants volés par le régime et placés dans des familles, souvent des militaires.

Une approche sensible de la mémoire

Le narrateur (l’auteur ?) interroge aussi la question de la mémoire. Pas dans le sens des politiques mémorielles menées par l’Argentine, notamment sous le mandat (2003 – 2007) de Néstor Kirchner. Mais sous le prisme de la mémoire collective et de la reconstruction d’une société après un régime militaire et sa sale guerre.

Que faisait celui-ci pendant la dictature ?
De quel côté était-il ? Est-ce qu’il sait quelque chose ?

Ou
si l’âge peut correspondre, peut-être un enfant volé
on s’est tous posé cette question un jour ou quelqu’un me l’a dit
une femme de cette génération
Tu imagines que
toute une génération qui doute
qui peut douter
parce que tout le monde n’a aucun doute »

L’écriture est nerveuse, presque impulsive, sans ponctuation, d’un seul souffle, comme une voix trop longtemps muette qui s’empare enfin de l’ouverture pour exprimer ses chagrins, ses doutes, sa douleur.

Des fantômes en photos

Comme une infiltration du réel dans ses aspects les plus bruts, de courts documents (témoignages d’enfants concernés, extraits de loi, rapports de police, etc.) intercalent le texte. Émilienne Malfatto s’appuie avant tout sur le travail du photographe colombien Rafael Roa, qui, dans sa démarche artistique, s’est concentré sur la question de la mémoire familiale dans les conflits armés en Colombie et en Argentine.

Une trentaine de ses photos viennent, avec des mots, donner vie et corps aux fantômes et stigmates d’une dictature.

L’absence, c’est une femme aux cheveux noirs, Émilienne Malfatto et Rafael Roa, Éditions du sous-sol, 174 pages, 22 euros.

 
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