« Le plus fort gagnera tandis que le plus faible mourra »

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Dans une bibliothèque. RICCARDO MILANI / HANS LUCAS VIA AFP

Entretien Pour l’historien Jean-Yves Mollier, spécialiste de l’édition, le décret autorisant la publicité pour les livres est inutile et ne profitera qu’aux grands vendeurs. Entretien.

Commentaires recueillis par Azilis Briend

Publié le 17 avril 2024 à 8h00Mis à jour 17 avril 2024 à 9h29

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Le monde de l’édition n’en a pas voulu et l’a fait savoir. Invité sur France-Inter ce samedi 13 avril, l’éditeur Antoine Gallimard a réclamé l’abrogation d’un décret – émanant de la députée Aurore Bergé – paru le 5 avril au Journal officiel (JO), autorisant la publicité pour les livres, pour une période d’essai. de deux ans, sur les chaînes de télévision terrestres. Problème : cela pourrait créer une distorsion entre les grands et les petits éditeurs. « Nous avons toujours dit que nous étions contre, tous éditeurs, au nom de la diversité. Vous mettez trois ou quatre livres devant, tandis que quarante derrière n’auront droit à aucune information ! Ce n’est pas juste “, a lancé Antoine Gallimard au micro de la radio publique. Un sentiment partagé par Denis Olivennes, patron d’Editis, même si « nous sommes un groupe qui a beaucoup de best-sellers »il se souvient.

Si une expérience similaire de publicité en faveur du cinéma avait été menée entre 2020 et 2024, puis pérennisée par ce même décret du 6 avril, le secteur de l’édition semble plus réticent à l’idée. Et ce, malgré la volonté du ministère de la Culture qui souhaite « étendre les capacités de communication des filières du livre et du cinéma pour favoriser le développement de ces pratiques culturelles, notamment dans les territoires reculés où d’autres formes de promotion sont difficilement envisageables « . Pour comprendre ce décret et ses conséquences, nous avons interrogé l’universitaire Jean-Yves Mollier, spécialiste de l’histoire de l’édition et auteur de nombreux ouvrages (Dernier ouvrage : « Interdiction de publier. La censure d’hier à aujourd’hui », éd. Double ponctuation.

Quel serait le risque de diffuser des publicités pour des livres à la télévision ?

Jean-Yves Mollier La publicité introduit clairement ce que nous appelons une distorsion de la concurrence en économie. Autrement dit, le plus fort gagnera tandis que le plus faible mourra. Les livres qui seront mis en avant seront forcément des best-sellers d’auteurs comme Guillaume Musso, Joël Dicker et Marc Lévy qui vendent plus d’un million de livres à chaque sortie. Nous allons nous concentrer sur eux, au détriment des auteurs moins connus ou moins vendus, et donc de la diversité des écrivains qui constitue telle ou telle maison d’édition.

En adoptant ce décret, alors que de nombreux éditeurs s’y opposent, quel est le souhait profond du ministère de la Culture ?

Si beaucoup, comme Gallimard ou Editis, se sont prononcés contre le décret, bien qu’il s’agisse de grandes maisons d’édition, d’autres comme les éditions XO y sont favorables. Bernard Fixot, fondateur de la maison d’édition habituée aux grands succès populaires – qui a inventé le même principe mais à la radio – a toujours milité pour ouvrir cette possibilité à la télévision, dans le but de faire découvrir au plus grand nombre le plaisir de lire. grand nombre. Des arguments repris par la ministre de la Culture Rachida Dati pour défendre ce projet, que ses prédécesseurs ont toujours rejeté. Je pense aussi que d’autres pourraient potentiellement être intéressés par cet appareil. Hachette, par exemple. Appartenant à un grand groupe comme Vivendi qui dispose d’une puissance financière, ces maisons pourront sans difficulté se payer des spots publicitaires.

Selon vous, les grands auteurs comme Dicker, Musso ou Lévy ont-ils besoin de publicité ?

Un auteur comme Dicker qui s’est lancé dans l’autoédition perdra davantage en investissant dans le contenu publicitaire de son propre livre. Aujourd’hui, certains auteurs, et donc leurs maisons d’édition, connaissent un grand succès sans publicité télévisée. Il est certain qu’un investissement marketing augmenterait le coût, sans rien apporter et il y a donc un risque de déséquilibre entre auteurs et éditeurs. Car pour une maison d’édition, comment refuser un spot publicitaire à un gros vendeur ?

En 2019, une pétition a rassemblé l’ensemble de la communauté de l’édition pour exiger davantage d’émissions littéraires à la télévision, afin de promouvoir la littérature sur les chaînes publiques. Aujourd’hui, quelles autres solutions mettre en place pour continuer à promouvoir la littérature ?

La promotion de la littérature à travers des émissions accessibles sur la TNT ou sur les chaînes hertziennes reste ce qu’il y a de mieux. Le ministère de la Culture aurait dû inciter les chaînes à proposer ce type de contenus à la télévision. Aujourd’hui, seule « la Grande Librairie » sur France 5 existe sur une chaîne publique. Même s’il n’y a pas de publicité, ce type de programme permet d’inviter des auteurs, de parler de leur livre, de leurs recherches, etc. Et puis il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui nous sommes à l’ère d’internet et des réseaux sociaux. De plus en plus d’éditeurs trouvent plus intéressant de communiquer via ces réseaux. Ils sont plus attentifs à conquérir le cœur de la génération internet, notamment avec BookTok [la communauté autour des livres sur TikTok, NDLR].

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La télévision serait donc moins intéressante ?

Effectivement. Les médias traditionnels ont de moins en moins d’influence sur les ventes. C’est un fait. C’est le cas à la radio, dans la presse…etc. Les critiques littéraires et cinématographiques ont perdu de leur éclat. Les lecteurs ne sont plus informés et divertis comme avant. Et puis la question qu’on peut aussi se poser est : à quelle heure les spots publicitaires seront-ils diffusés ? Combien de fois ? Ils ne vaudront pas le même prix selon la grille de diffusion, selon l’auteur, aussi selon la maison d’édition présentant… Il y aura plus d’inconvénients que d’avantages. Surtout pour un monde littéraire en déclin, qui a quasiment arrêté la publicité, quel que soit le support.

Commentaires recueillis par Azilis Briend

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