Beata Umubyeyi Mairesse raconte l’histoire de son sauvetage pendant le génocide au Rwanda

Beata Umubyeyi Mairesse raconte l’histoire de son sauvetage pendant le génocide au Rwanda
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Vingt-six ans. C’est le temps qu’il a fallu à Beata Umubyeyi Mairesse pour trouver la force de mettre des mots sur le drame qu’elle a vécu. Reconstituer sa mémoire en lambeaux et retrouver les parties manquantes de l’histoire de son sauvetage. Quitter le silence et la solitude du survivant, une question de survie, de « politesse sociale » et de savoir-vivre, presque. Son livre Le convoi met fin à deux décennies de réserve et de résilience qu’elle a voulu « exemplaires », comme tous ceux qui tentent de remettre leur vie sur le chemin de la reconstruction après le chaos.

Beata Umubyeyi Mairesse n’avait que 15 ans le 18 juin 1994, lorsqu’elle fut sauvée par un convoi humanitaire, sortie de la folie sanguinaire du génocide en cours au Rwanda. Vingt-six ans, c’est le temps qu’il lui a fallu pour tenter de digérer l’horreur et rassembler les traces nécessaires à une histoire étayée et collective. Si l’auteur n’en est pas à son premier livre (Tous tes enfants dispersés, Autrement, 2019), c’est la première fois qu’elle aborde explicitement sa part de douleur et d’agonie, son cauchemar éveillé. Toute la force, la singularité et l’acuité de son récit résident dans sa manière d’avancer à pas circonspects et mesurés sur le chemin de la vérité.

Une histoire en partie inaudible

Au-delà de son histoire personnelle, l’ouvrage propose ainsi une réflexion sur la fonction et la forme du témoignage. Comment mettre des mots sur l’horreur insondable, comment raconter l’histoire d’une telle tragédie »audible» ? L’auteur nous prend par la main et nous prépare à écouter avec beaucoup de douceur et de discernement, sachant que chacun vient avec ses fragilités, ses limites. Le résultat est un livre plein de prudence et de modestie, mais porteur d’une force incroyable.

Beata Umubyeyi Mairesse n’évite pas les questions de légitimité qui la taraudent, ni son souci d’aller au-delà de son « simple » témoignage pour aborder aussi les expériences de son entourage, autant de souvenirs portés à bout de bras, «à une perte pour les mots”. Avec l’envie de retisser un fil au-delà des instants manquants : le fameux «souvenirs brisés ».

Le devoir de transmission

L’auteur a d’abord cherché dans les récits d’autres survivants et victimes, devenus écrivains, les mots pour tenter d’exprimer la tragédie. Petit à petit, la rencontre avec des étudiants, d’autres auteurs mais surtout d’autres survivants l’a poussée à surmonter le traumatisme pour pouvoir s’ouvrir davantage.

Le livre décrit l’attente, les déceptions et les fausses pistes, la longue quête de faits précis sur lesquels fonder une mémoire parfois floue ou trouée. Rendre le témoignage patiemment reconstruit d’autant plus fort et collectif. Le convoi montre aussi comment le génocide des Tutsis au Rwanda fait écho au passé et au présent, à d’autres barbaries visant les Juifs, les Cambodgiens, les Arméniens, etc. Le lien avec la tragédie racontée par le cinéaste Rithy Panh, notamment, mais aussi par différents survivants du Shoah est réalisé avec une cruelle lucidité.

Il a fallu un déclencheur pour la pousser dans cette voie, analyse-t-elle. La mort, en 2020, de l’humanitaire suisse de l’ONG Terre des Hommes qui a organisé son sauvetage avec sa mère, ainsi que de tous les enfants du convoi du 18 juin 1994, mais aussi la naissance de ses deux enfants sont à retenir. l’origine de ce livre, précise la jeune femme, en préambule, bien décidée à affronter enfin «l’histoire d’un nous soudainement effacé”. Se définissant dans l’entre-deux (entre l’Afrique et l’Europe), par la force du métissage qui fut aussi la clé de son salut, Beata Umubyeyi Mairesse éclaire encore plus notre monde et donne les armes pour mieux en saisir les contours et les enjeux.

Le convoi | Histoire | Beata Umubyeyi Maire | Flammarion, 335 pp., 21 €, numérique 15 €

EXTRAIT

A l’issue du scrutin qui s’est déroulé du 26 au 29 avril, Mandela a été élu. Le monde entier préfère regarder cette Afrique résiliente et joyeuse, qui a mis fin au régime de l’apartheid, plutôt que ce régime violent, considéré comme « tribal », que reflète le Rwanda.

 
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