Dans les coulisses de la réalisation confidentielle du nouveau livre de Salman Rushdie

Dans les coulisses de la réalisation confidentielle du nouveau livre de Salman Rushdie
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Inter a pu entrer dans l’imprimerie où “Le Couteau”, le nouveau récit de Salman Rushdie, dont la sortie mondiale est prévue le 18 avril, est réalisé par Gallimard pour l’édition française. Symbole de liberté d’expression, Salman Rushdie a été victime d’une tentative d’assassinat en 2022 ce qui lui coûta un œil et l’usage d’un bras. Il fait l’objet de menaces depuis la publication de ses « Versets sataniques » en 1988.

Pour des raisons de sécurité, il nous est demandé de ne pas révéler le nom de l’imprimerie ni l’endroit où elle se trouve. Mais on peut dire que c’est ici, en clin d’œil à l’histoire, que furent imprimés « Les Versets sataniques », il y a trente-cinq ans. Autant dire que nous savons ce que signifie « confidentiel ».

Mickaël, le réalisateur [pour des raisons de sécurité, nous ne donnons pas son nom de famille, NDLR], a réussi l’instruction. “C’est un titre sensible. C’est pourquoi sur le dossier de fabrication, après la mention du titre « Le Couteau », le mot CONFIDENTIEL apparaît en majuscules. Cela permet de rappeler à nos équipes que nous apportons le plus grand soin à la réalisation de cette œuvre.

« Les déchets ne sortent que lorsque le livre est en librairie »

C’est un Cameron qui a été choisi pour fabriquer le livre de Salman Rushdie, une machine qui offre un bon rapport qualité-prix pour un tirage de 60 000 exemplaires. Il permet de sortir environ 4 000 livres par heure. En une quinzaine d’heures, l’ensemble de l’impression est terminéexplique le directeur de production des éditions Gallimard, Pascal Lenoir, venu en personne s’assurer que tout se passait bien.

Dans le vacarme de l’atelier, au milieu des machines tournant à plein régime, le directeur de l’imprimerie poursuit ses explications : «L’éditeur ne nous l’a pas demandé, mais nous avons mis en place une procédure particulière. Pour certains titres, à la demande des éditeurs, il existe des mesures particulières de traitement confidentiel : des poubelles séparées où les déchets ne sortent de l’usine qu’une fois le livre arrivé en librairie. Tout est verrouillé. Les camions qui transportent les livres sont scellés et ne sont ouverts qu’à leur arrivée. Ils ont même des numéros de scellés !»

Pour le livre de Salman Rushdie, pas de contrat de confidentialité au sens strict, mais l’imprimeur a pris de nombreuses précautions. “Quoi qu’il en soit, tous nos collaborateurs disposent d’une clause de confidentialité dans leur contrat de travail. Il leur est interdit de parler à l’extérieur de ce qu’ils font ici. On peut aller jusqu’à vérifier leurs effets personnels, mais ce n’est pas obligatoire. Nous leur faisons confiance.

Pour « Le Couteau », un arsenal de mesures complémentaires a été mis en place. Les chutes de papier sont stockées dans un endroit séparé pour éviter les fuites et les palettes de livres sont enveloppées dans un film plastique opaque afin que personne ne puisse lire ce qu’elles contiennent.

Être « digne d’un tel auteur »

Le réalisateur actuel est trop jeune pour l’avoir vécu, mais il sait que c’est ici qu’ont été imprimés « Les Versets sataniques » en 1988. En revanche, Sylvie, l’ingénieur commercial, s’en souvient parfaitement. “Seuls les employés volontaires ont travaillé sur les « Versets sataniques ». Ma sœur en faisait partie, elle avait tapé le texte. Avec ses collègues, elle travaille parmi les gendarmes, venus assurer la sécurité. Avaient-ils peur ? Certainement. Étais-je fier d’elle? Carrément !»

Sylvie apporte tout le soin possible au contrôle qualité du « Couteau ». “Notre travail doit être digne d’un tel auteur.souligne-t-elle. “C’est un honneur d’imprimer Salman Rushdie

L’ingénieur commercial pousse les exigences qu’elle impose dans l’exercice de son métier. “Bien sûr, ma sœur sait que je travaille ici. Mais je ne lui ai pas dit que nous allions imprimer le livre de Rushdie. Parler chez moi de ce que je fais ici serait une trahison des éditions Gallimard.»

Pour l’instant, seul Antoine Gallimard, le patron de la maison d’édition, a entre les mains un exemplaire de « Couteau ». Dans le jargon de l’imprimerie, cela s’appelle « un reçu ». Les autres exemplaires sont sous clé et attendent leur sortie en librairie le 18 avril.

 
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