« Baumgartner » de Paul Auster, face à face avec la mort

« Baumgartner » de Paul Auster, face à face avec la mort
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En novembre dernier, Paul Auster expliquait au journal Thé Gardien que son roman Baumgartner sera sans doute le dernier qu’il écrira, à cause d’un violent cancer qui le frappa. C’est donc avec beaucoup d’émotion que les nombreux lecteurs de Paul Auster, 77 ans, liront ce petit livre. Combien de souvenirs reviennent, de son Trilogie new-yorkaise à son chef-d’œuvre qui reste Palais de la Lune (1990) !

Baumgartner est un pur roman de 200 pages, rempli de souvenirs en grande partie fictifs mais aussi d’allusions autobiographiques. Il met en scène un professeur de philosophie à Princeton, Sy Baumgartner, 71 ans, qui écrit un livre sur Kierkegaard et prépare un curieux essai sur le Mystères de la roue.

Le début du roman est burlesque, plein d’humour et de tristesse, rappelant la phrase du général de Gaulle qui disait que « La vieillesse est un naufrage ».

Distrait, Baumgartner laissa une poêle chauffer. Il se brûle les doigts, puis va ouvrir la porte à une livreuse d’UPS qui lui apporte chaque jour les livres qu’il commande mais qu’il n’ouvre jamais car il ne passe ses commandes que pour le seul plaisir de voir la livreuse. . Alors qu’il tente de relever son compteur dans la cave, il dégringole les escaliers. Il ne se souvient pas d’avoir dû appeler sa sœur. Plus loin, il souligne que les vieux messieurs oublient souvent de fermer leur braguette lorsqu’ils sortent des toilettes.

Paul Auster : « Terre de sang. Une histoire de la violence armée aux États-Unis ».

Baumgartner a des raisons de s’égarer. Cela fait neuf ans que son épouse bien-aimée, Anna Blume (le nom est un clin d’œil à l’un des premiers romans de Paul Auster), est décédée lorsqu’une vague l’a projetée sur un rocher à Cape Cod.

Le membre fantôme

Depuis, il fait semblant de survivre. Paul Auster, pour évoquer cette souffrance, parle de syndrome du membre fantôme. Ceux qui ont le malheur de perdre un bras ou une jambe continuent souvent à ressentir le membre manquant et cette sensation s’accompagne de douleurs vives et de spasmes involontaires.

mouette

La solitude tue, et peu à peu, vous ronge.

Ce syndrome, écrit Paul Auster, peut servir de métaphore à la souffrance humaine liée à la perte. Baumgartner se sent « un moignon humain, un mi-homme ayant perdu la moitié de lui-même, et oui, les membres manquants sont toujours là, ils lui font encore mal, au point qu’il a parfois l’impression que son corps est sur le point de prendre feu et brûler sur place. »

Il tente alors de refaire sa vie avec Judith, une amie d’Anna, mais celle-ci refuse gentiment. Le roman ouvre alors de multiples digressions de toutes parts, à travers la mémoire de Baumgartner. Il se souvient de sa relation intense avec Anna, des poèmes et des courts textes pleins de poésie et de fantaisie qu’elle écrivait (Paul Auster les insère dans son roman). Elle n’avait jamais rien publié. Après sa mort, il rassemble un recueil de ses poèmes qui connaît un grand succès critique. Baumgartner souhaite désormais faire connaître tous les écrits d’Anna. Il sent que ce projet peut le maintenir en vie, d’autant plus qu’il a trouvé un jeune doctorant prêt à remplir cette tâche et dont il tombe platoniquement amoureux.

Méandres de la mémoire

Commençant par une chute dans les escaliers, le roman se termine sur cet espoir de publication : la littérature et les femmes aident Baumgartner à survivre.

En attendant, il se souvient de ses parents, d’origine modeste qui tenaient un magasin à Newark. Avec un père qui se rêvait révolutionnaire et menait une vie bourgeoise. Il évoque la famille de sa femme, les Auster (nouveau clin d’œil de Paul Auster). Il revient sur un voyage en Ukraine, au pays de ses ancêtres.

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Ce roman plein d’humour et de tendresse humaine est aussi une réflexion sur ce qu’est la vie quand on voit la dernière ligne droite, vers ce que Paul Auster appelle le « Grand nulle part ».

Il comprend, très tard sans doute, que « Vivre, c’est éprouver de la douleur, et vivre dans la peur de la douleur, c’est refuser de vivre. »

Baumgartner | Roman | Paul Auster, traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut | Actes Sud, 200 pp., 21,80 €, numérique 16 €

EXTRAIT

« Le livre est né, selon Baumgartner, d’une vision amère de la vie humaine comme d’une course effrénée, de véhicules dont le conducteur a perdu le contrôle, lancés à toute vitesse sur des autoroutes de solitude et de mort potentielle. »

 
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