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« La tentation d’un système plus autoritaire »

« Sud Ouest » a contacté ce mercredi Roger Cohen, chef du bureau parisien du « New York Times », de retour aux Etats-Unis lors de cette élection.

Quelle est l’ambiance ce mercredi dans l’État du Colorado, où vous séjournez depuis deux semaines ?

Calme. Le vote s’est déroulé sans encombre. La victoire de Donald Trump n’a pas été un grand choc. On sentait depuis plusieurs semaines qu’il prenait le dessus sur la campagne. Il a beaucoup communiqué sur des choses concrètes, le prix des produits dans les supermarchés par exemple, ou les taxes, quand les discours de Kamala Harris semblaient abstraits.

Dans la réussite de Donald Trump, quel rôle joue son équation personnelle ?

C’est crucial. Je pense que Donald Trump a gagné avant tout grâce à sa personnalité, à ce qu’il parvient à incarner : l’énergie d’un homme qui a survécu à plusieurs tentatives d’assassinat, la virilité, l’autorité. Ce positionnement a clairement séduit un électorat masculin qui se sent « émasculé » par plusieurs transformations économiques ou sociétales. Plus généralement, les gens d’ici ont le sentiment de bien connaître Donald Trump, même s’ils le détestent. Rares sont ceux qui ont l’impression de connaître Kamala Harris, son vrai tempérament, ses profondes convictions.


Roger Cohen, journaliste et chroniqueur au New York Times

JULIEN ROUSSET ARCHIVE

Quels thèmes ont dominé les débats ?

Inflation, immigration. Je ne pense pas avoir entendu le mot « climat » une seule fois au cours des quinze derniers jours. La rhétorique de Trump – « nos difficultés économiques sont dues aux immigrants illégaux » – a trouvé un écho parmi la population que les démocrates ont sous-estimé.

Donald Trump a gagné avant tout grâce à sa personnalité, à ce qu’il parvient à incarner : l’énergie, la virilité, l’autorité.

On décrit une société américaine très divisée, est-ce aussi ce que l’on voit au Colorado ?

Elle est très polarisée. Mon comté a voté à 60 % pour Kamala Harris. Comté voisin 70 % pour Trump. Les gens continuent de se parler même s’ils ne partagent pas les mêmes opinions. Mais ce qui me frappe, c’est combien chaque « camp » est immédiatement identifiable par la manière de s’habiller, l’apparence générale, qui communiquent avant même les mots la sensibilité politique de chacun. C’est assez nouveau aux États-Unis.

Les fractures apparues en 2016 lors de la première victoire de Trump se sont-elles creusées ?

Ils ont bougé. Ils sont moins ethniques. Donald Trump a réussi à attirer un vote latino et afro-américain. Il a transformé le Parti républicain en un parti multiethnique des classes populaires et moyennes.

L’autre grande différence avec 2016, c’est que les électeurs ne pourront plus dire, trois ans et demi après l’attaque du Capitole, qu’ils « ne savaient pas ». Ils ont sciemment voté pour un candidat qui promet des déportations massives, le démantèlement de l’État de droit et la traque de ses adversaires. Ce vote montre qu’une partie importante de la population américaine est tentée par un système plus autoritaire, à la Orbán. Tout le monde sait que Trump constitue une menace pour la démocratie. Personne ne peut sérieusement croire qu’il a changé. Mais une majorité d’Américains ont choisi de prendre ce risque.

 
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