Dix ans après, l’heure de la contemplation : les attentats jihadistes contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher ont été commémorés mardi avec sérieux et émotion à Paris, tandis que le journal satirique apparaît « indestructible » à la Une d’un numéro spécial.
Ce contenu a été publié sur
7 janvier 2025 – 14h31
(Keystone-ATS) Ces cérémonies ouvrent une lourde séquence mémorielle, alors que la France a connu une série d’attentats jihadistes en 2015, dont ceux du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Mardi en fin de matinée, au moment même de la tuerie rue Nicolas-Appert dans le 11e arrondissement, les survivants de la rédaction, les familles des victimes et de nombreuses personnalités se sont rassemblés.
Noms des victimes prononcés, dépôt de gerbes, cloches aux morts, minute de silence, Marseillaise : la séquence était sobre, dans un quartier bouclé par la police. Les mains croisées, le directeur de Charlie Hebdo Riss, lui-même grièvement blessé en 2015, a longuement regardé la façade, pensivement, a constaté un journaliste de l’AFP.
Emmanuel Macron, l’ancien président François Hollande, alors en fonction, la maire de la capitale Anne Hidalgo, le Premier ministre François Bayrou et plusieurs membres ou anciens membres du gouvernement étaient présents. “La tristesse est la même, l’émotion aussi”, avait déclaré sur France 2 François Molins, alors procureur de Paris. “L’esprit Charlie” ne m’a “jamais quitté”, a assuré Anne Hidalgo.
Le chef de l’Etat est venu s’entretenir quelques minutes avec les familles, à l’écart de la presse. Du 7 au 9 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi et Amedy Coulibaly ont visé la liberté d’expression, les forces de l’ordre et la communauté juive, lors d’attaques « coordonnées », bien que revendiquées par deux entités distinctes. , Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) et l’organisation État islamique (EI).
Mémorial du terrorisme
Douze personnes, dont huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo, ont perdu la vie dans l’attaque de l’hebdomadaire par les frères Kouachi, Français d’origine algérienne. Après deux jours de traque, ils ont été abattus par le GIGN, un groupe d’élite de la gendarmerie, dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), où ils s’étaient réfugiés.
Deux policiers à Paris et Montrouge, ainsi que quatre personnes de confession juive dans un magasin casher de la porte de Vincennes, ont également été tués au cours de ces trois jours de terreur. A ces victimes s’est ajouté l’ancien webmaster de Charlie Hebdo, Simon Fieschi, grièvement blessé dans l’attentat et décédé en octobre dernier.
Les cérémonies se sont poursuivies boulevard Richard Lenoir, où le policier Ahmed Merabet a été abattu par les Kouachi alors qu’ils s’enfuyaient. Puis devant le magasin Hyper Cacher, où le même rituel avec dépôt de gerbe et minute de silence s’est répété. Mercredi, la ville de Montrouge organisera un hommage à la policière municipale Clarissa Jean-Philippe, tuée par Amedy Coulibaly, également auteur de l’attentat de l’Hyper Cacher.
A proximité du magasin, des étoiles de David et l’inscription « Juif » ont été retrouvées lundi sur des immeubles de Saint-Mandé et de Vincennes (Val-de-Marne). Une responsable de la synagogue de Rouen a annoncé avoir porté plainte contre X pour incitation publique à la haine après la découverte de tags antisémites. “La séquence ne s’est jamais refermée” et “la bataille contre cet islamisme antisémite continue”, a réagi le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) Yonathan Arfi.
Lundi, devant les ambassadeurs de France, le président Emmanuel Macron a espéré qu’il n’y aurait « aucun répit dans la lutte contre le terrorisme ». Le chef de l’Etat souhaite maintenir le projet de Mémorial du Terrorisme, lieu d’hommage à toutes les victimes du terrorisme en France et à l’étranger, menacé d’abandon, a-t-on également appris de source proche du dossier.
Dix ans jour pour jour après l’assassinat, Charlie Hebdo sort également un numéro spécial de 32 pages tiré à 300 000 exemplaires. À la Une, il se dit « indestructible ! », avec le dessin d’un lecteur jovial assis sur un fusil d’assaut, lisant ce journal « historique ».
« Combattez pour la liberté »
Journal joyeusement anarchiste et anticlérical créé en 1970 sur les cendres du magazine Hara-Kiri, Charlie Hebdo était la cible de menaces jihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006.
Ces attentats ont suscité une émotion mondiale et donné naissance à un slogan de soutien resté célèbre : « Je suis Charlie ». Le 11 janvier 2015, des manifestations ont rassemblé près de 4 millions de personnes à travers la France, avec de nombreux chefs d’État et de gouvernement dans le cortège parisien.
Dix ans plus tard, Charlie Hebdo publie dans son numéro spécial une série de caricatures sur le thème #LaughingatGod. L’hebdomadaire a lancé fin 2024 un concours international invitant à dessiner « la colère contre l’influence de toutes les religions ».
Le journal “incarne un combat pour la liberté”, a souligné Fabrice Nicolino, membre de l’éditorial survivant du 7 janvier 2015, mardi sur franceinfo. Et de décrire une rédaction aujourd’hui protégée par « une grande porte métallique », une série de « sas », une « salle grouillante de flics » ou encore une « salle panique » en cas d’attentat.