Avec quelques mois de retard, le rendez-vous annuel de la diplomatie française va enfin avoir lieu. Dès lundi 6 janvier, les ambassadeurs de France en poste dans le monde se retrouveront à Paris pour leur traditionnelle conférence en présence du président de la République et du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Initialement prévue fin août, l’édition 2024 de ce grand événement n’a pas pu se tenir en raison de l’accueil des Jeux Paralympiques à Paris.
Prévu lundi matin, le discours d’Emmanuel Macron devant les ambassadeurs devrait tracer un certain nombre de grandes orientations, dans un contexte international saturé par le retour imminent de Donald Trump à la Maison Blanche, mais aussi par l’accumulation de dossiers brûlants pour la diplomatie française en Europe, Moyen-Orient et Syrie. Invité d’honneur de cette 30e édition, le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski, dont le pays vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne, rappelle par sa présence l’urgence pour les Européens de définir une position commune sur la guerre en Ukraine.
« Un petit côté du brainstorming en entreprise »
Créée en 1994 par Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, cette rencontre vise à « un moment où les ambassadeurs peuvent partager leurs analyses, donner leur avis et échanger sur les enjeux qu’ils rencontrent chacun »explique Marie Dumoulin, ex-diplomate et directrice du programme « Europe élargie » du Conseil européen des relations internationales. « Il y a un petit côté au brainstorming en entreprise », sourit Michel Duclos, ancien ambassadeur en Syrie et conseiller spécial à l’Institut Montaigne. « Et le traditionnel discours du président sert de lettre de mission aux ambassadeurs et de cadre pour le grand public. »
« Une difficulté, quand on est ambassadeur, est de représenter la ligne de la France sur des thématiques et des territoires différents de ceux que l’on suit au quotidien, acquiesce Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur au Brésil et en Russie. La conférence facilite grandement la vie des ambassadeurs en leur offrant une sorte de moyen tout terrain pour défendre les positions du gouvernement. »
L’annulation de l’édition 2024 en raison des JO a fait l’objet de diverses appréciations, certains observateurs y voyant la confirmation d’une relation tendue avec l’Élysée. «C’est regrettable et significatif» Gérard Araud, ancien ambassadeur aux Etats-Unis, avait alors tweeté.
Les relations entre Emmanuel Macron et les diplomates ont été entachées de moments de tensions. Lors de son discours aux ambassadeurs en 2019, à la suite d’une initiative éphémère du chef de l’État visant à renouer les liens avec le président russe Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a ciblé certains diplomates en les accusant d’agir comme un « État profond » – terme aux acceptions variées, désignant au mieux une bureaucratie récalcitrante, au pire un réseau occulte. Deux ans plus tard, l’annonce de la suppression du corps diplomatique, statut administratif régissant la carrière des diplomates, provoque une nouvelle fois colère et incompréhension au Quai d’Orsay.
«Une réduction de la voix de la France à l’étranger»
Organisée plusieurs mois après la date prévue, cette 30e conférence des ambassadeurs a donc des allures de séance de rattrapage. “Rien n’a filtré sur les thématiques, c’était un peu fait au dernier moment, commente un habitué. Emmanuel Macron se montre un peu sur la défensive face au mécontentement des diplomates qui estiment ne pas être assez entendus et écoutés, et déplorent une diminution de la voix de la France à l’étranger depuis la dissolution. »
D’autres interlocuteurs rejoints par La Croix sont en revanche plus compréhensifs, constatant rétrospectivement que l’absence du gouvernement aurait rendu la tenue de la conférence fin août quelque peu incertaine.
