A peine plus de trois minutes. Selon les témoignages des victimes, Mohammed Kanjo Hassan n’a jamais consacré plus de temps aux accusés, privé de temps de parole et d’avocats, avant de les condamner à de longues peines, et souvent à la peine de mort. Le lieutenant-colonel Abdul Salam Al Mezaal n’a eu droit qu’à une minute avant d’être condamné à quinze ans de prison pour désertion, rapporte l’ONG Pro-Justice, qui recense les criminels du régime d’Assad.
Après avoir condamné des milliers de Syriens à l’oubli, à la torture et à la mort, Mohammed Kanjo Hassan a été arrêté jeudi 26 décembre par les forces de sécurité des nouvelles autorités de Damas. Ces derniers avaient monté toute une opération pour arrêter ce haut gradé du régime d’Assad, dans la région de Tartous (ouest du pays), fief de la minorité alaouite dont est issu le président déchu.
Le plus haut gradé arrêté à ce jour
Mais le chef de la justice militaire leur a donné du fil à retordre au préalable : lui et sa garde rapprochée ont tendu une embuscade à la patrouille qui les poursuivait, provoquant la mort de 14 membres des forces de sécurité et de sept hommes armés en vingt-quatre heures, selon l’agence syrienne. Observatoire des Droits de l’Homme (OSDH). Mais Mohammed Kanjo Hassan a fini par être capturé vivant, comme 20 membres de sa garde du corps, dans sa région natale, Khirbet Al-Ma’zah. Trois photos de cet individu, âgé d’une soixantaine d’années, au crâne chauve, ont été diffusées par les forces de sécurité : deux en uniforme kaki et la troisième en civil, lors de son interpellation. Il est à ce jour le plus haut gradé arrêté depuis la fuite du clan Assad à l’étranger le 8 décembre.
Le patronyme de Mohammed Kanjo Hassan résonne avec un autre nom, synonyme des crimes du régime renversé : celui de Saidnaya, la prison située près de Damas, dans laquelle environ 30 000 personnes, dont de nombreux détenus politiques, sont détenues depuis 2011, et souvent soumises aux pires tortures. Selon l’Association des Détenus et des Disparus de cet établissement de la mort, ce général a enregistré la condamnation à mort de « des milliers de personnes lors de procès accélérés ».
Plus de 5 000 condamnations à mort en quelques mois
Diplômé en droit de l’Université de Damas, il gravit les échelons de la justice militaire, grâce à “sa loyauté absolue au régime”, » affirme l’ONG Pro-Justice. Général de brigade en mars 2011, au moment des manifestations anti-pouvoir, réprimées dans le sang, il devient procureur près le tribunal militaire de Damas, où il juge « un grand nombre de civils détenus ». À ce titre, il a également poursuivi un grand nombre de déserteurs, leur faisant signer des aveux forcés, qui équivalaient à une condamnation à mort. Dans ce système militaire, le procureur a plus de pouvoir que le juge.
Selon un autre témoignage rapporté par Pro-Justice, Kanjo Hassan est également accusé d’avoir modifié les charges retenues contre les accusés pour les priver de l’amnistie présidentielle. Selon les propos d’un autre officier déserteur, cités dans un rapport du Conseil néerlandais pour les réfugiés de 2020, le colonel Kanjo Hassan avait déjà prononcé plus de 5 000 condamnations à mort fin 2014. Il a ensuite été promu chef de la justice militaire.
Un jackpot au détriment des familles de détenus
Considéré par l’ONG Centre de documentation des violations en Syrie comme l’un des juges les plus inhumains du pays, le général Kanjo Hassan a poussé sa cruauté jusqu’à rançonner les familles des détenus, prêtes à tout pour obtenir des informations sur les leurs. . Une « aubaine », compte tenu des dizaines de milliers de citoyens victimes de disparitions forcées depuis 2011. L’Association des détenus et des personnes disparues de la prison de Saïdnaïa estime sa fortune amassée à quelque 150 millions de dollars (144 millions d’euros). au détriment de ces familles qui n’ont jamais reçu les informations attendues.
Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer l’organisation rapide d’un processus de justice transitionnelle, la Coalition de l’opposition syrienne, qui regroupe les principales formations politiques en exil, s’est félicitée « une étape importante vers l’obtention de la justice et la poursuite des criminels ».