Un résident de la région de Gatineau qui a dû se rendre à Laval pour une opération d’urgence joint sa voix à un mouvement de mobilisation « pour l’équité régionale en santé »
Simon Lanteigne se souviendra longtemps de l’été 2024, celui de ses 40 ans. Le 24 juin, il s’est coupé le pouce droit en coupant une planche avec sa scie à table. Doigt en sang, tendon sectionné, il s’est présenté à l’hôpital de Gatineau. Il y a reçu des soins d’urgence, mais n’a pas pu être opéré faute de chirurgien plasticien.
Pendant une semaine et demie, c’était l’angoisse. Peut-on sauver son tendon ? Va-t-il perdre l’usage de son pouce ? Le médecin urgentiste ne trouve pas d’hôpital dans une autre région pour l’opérer.
En pleine nuit du 4 juillet, Simon Lanteigne, anxieux, décide de se rendre à la Cité-de-la-Santé à Laval, à près de 200 km de chez lui. Là, personne ne l’attend. Il se présente au triage à l’urgence – comme tout autre patient – sur simple demande de l’urgentiste de Gatineau, le Dr.r Peter Bonneville, qui rapporte le « bris de service » dont est victime son patient.
Simon Lanteigne a finalement été opéré en fin de journée par un chirurgien plasticien de la Cité-de-la-Santé qui, ironiquement, avait déjà travaillé à l’hôpital de Gatineau. Le spécialiste parvient à réparer le tendon, malgré le retard.
Six mois plus tard, son pouce, toujours bombé, fléchit vers le bas et vers le haut. Mais Simon Lanteigne garde un goût amer de cette expérience.
« C’est comme si le système de santé vous laissait tomber », a déclaré ce père de deux enfants, assis à la cuisine familiale. Quand vous en avez besoin, il n’est pas là. »
Col de chemise bien replié sur son pull, Simon Lanteigne a des allures d’écolier en ce matin de décembre. Calme comme le petit bois enneigé derrière sa maison, d’où surgit un jeune cerf.
Mais aujourd’hui, le citoyen veut faire entendre sa voix.
Tout cela aurait pu être réglé un peu plus rapidement s’il y avait eu un service de chirurgie plastique à Gatineau, la quatrième plus grande ville du Québec.
Simon Lanteigne
Au cours de la dernière année, quatre chirurgiens plasticiens ont quitté l’hôpital faute de temps opératoire. L’été dernier, un seul montait la garde.
SOS Outaouais
Simon Lanteigne fait partie de SOS Outaouais, une coalition d’organismes et de citoyens dont la mission est d’améliorer les soins de santé et les services sociaux de la région.
Créé par la Fondation santé Outaouais en juin, le groupe dénonce le sous-financement de la santé dans la région, estimé à 200 millions de dollars annuellement, selon l’Observatoire de développement de l’Outaouais.
Fin octobre, SOS Outaouais a publié un manifeste « pour l’équité régionale en santé » soulignant cinq années de reconnaissance, par l’Assemblée nationale, des « particularités de l’Outaouais » et son « retard important » en matière de financement public de la santé. Quelque 1 000 citoyens ont signé son appel.
La crise de la santé continue de faire les manchettes depuis un an en Outaouais. Exil des technologues en imagerie médicale vers l’Ontario, pénurie d’infirmières, manque de médecins dans certaines spécialités… À la mi-décembre, deux ou trois salles d’opération étaient ouvertes à l’hôpital de Gatineau sur un total de sept, selon le médecin-chef de l’hôpital général. service de chirurgie du CISSS de l’Outaouais.
Les citoyens interrogent souvent la mairesse de Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, à ce sujet. Ils lui racontent leur histoire « touchante » et « injuste ». « Ces gens ont droit au même traitement que dans les autres grandes villes du Québec. »
Maude Marquis-Bissonnette fait de la santé une priorité. Depuis son élection en juin, elle a rencontré à deux reprises le ministre de la Santé. Elle affirme avoir une « bonne écoute » de la part de Christian Dubé, « très sensible à la réalité » de sa région frontalière avec l’Ontario.
Elle exhorte toutefois le Québec à agir. Le gouvernement ne peut que miser sur le futur hôpital de Gatineau qui « ouvrira dans dix ans ». Selon elle, il faut, entre autres, ajuster les salaires des professionnels de la santé de l’Outaouais, en fonction de la rémunération plus élevée du personnel de l’Ontario.
Un préfet au front
Au nord de Gatineau, nichées entre forêts, lacs et rivières, les communautés rurales se mobilisent également pour leurs soins de santé. Ils réclament un meilleur financement pour l’Outaouais.
« Nous avons 40 ans de retard ! », raconte la préfète de la MRC Vallée-de-la-Gatineau, Chantal Lamarche, assise dans son bureau de Maniwaki, à cinq minutes de route de l’hôpital.
Éblouissante avec sa tunique rouge, ses cheveux courts blond platine et ses bracelets, l’élue se bat pour défendre les services de santé de ses 20 000 citoyens. Il compte plusieurs faits d’armes, comme avoir obtenu le départ du PDG du CISSS de l’Outaouais en 2019. Trois ans plus tard, le CISSS nomme un directeur dédié à la Vallée-de-la-Gatineau et chargé d’améliorer les soins. et des services là-bas.
Chantal Lamarche réclame désormais que ce réalisateur ait carte blanche pour faire avancer ses dossiers. Depuis la réforme du ministre de la Santé Gaétan Barrette en 2015, les décisions restent centralisées à Gatineau, s’indigne-t-elle. Mais il n’est pas question d’abandonner.
Plus vous pousserez le gouvernement, plus vous l’énerverez en bon Québécois, plus il finira par s’asseoir et vous écouter. En faisant cela avec respect, évidemment.
Chantal Lamarche, prefect of the MRC Vallée-de-la-Gatineau
Québec a étendu sa prime de 22 000 $ à tous les technologues en imagerie médicale de l’Outaouais suite aux pressions de son syndicat et des élus locaux.
“Pas optimiste”
Le Dr Peter Bonneville, président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CISSS de l’Outaouais, alerte depuis le printemps le gouvernement du Québec sur les problèmes qui touchent sa région. Il a tenu un point de presse en mai à l’Assemblée nationale aux côtés du député libéral de Pontiac, André Fortin. Sa pétition, lancée un mois plus tôt, avait recueilli près de 30 000 signatures.
Malgré la mobilisation actuelle, il n’est « pas optimiste ». Ses CISSS doivent sabrer 90 millions pour atteindre l’équilibre budgétaire exigé par Santé Québec. C’est une « mission impossible », selon lui, qui va toucher les services. Un constat partagé par la nouvelle Coalition Solidarité Outaouais, composée d’organisations et de syndicats.
Ce qui m’inquiète, c’est que d’ici deux ans, Mathieu Lacombe [ministre responsable de l’Outaouais] se défendra probablement en disant : « Moi, en tant que ministre, je n’ai pas la possibilité d’intervenir dans Santé Québec. » Alors, qui défendra l’Outaouais ?
Le Dr Peter Bonneville, président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CISSS de l’Outaouais
Denise Robert, une résidente de Gatineau, estime que sa région est laissée pour compte. Elle a dû transporter sa mère âgée à l’hôpital de Maniwaki, à une heure et demie de route de Gatineau, pour qu’elle reçoive une injection de cortisone qui a duré 10 ou 15 minutes.
« Il faut venir ici si elle ne veut pas attendre un an à l’hôpital de Gatineau », explique-t-elle à sa sortie du centre hospitalier de Maniwaki.
Avec les impôts qu’il paie, Simon Lanteigne aurait souhaité « un retour sur investissement » lors de son accident. Cependant, il s’estime « chanceux » dans sa malchance. Chef d’un service de relations de travail, il a une associée qui l’a soutenu, une voiture qui l’a transporté jusqu’à Laval et l’argent nécessaire pour payer une nuit d’hôtel après son opération.
Tout le monde n’a pas cette chance. C’est pour eux qu’il ose aller au front.
Une urgence sauvée
L’urgence de l’hôpital de Rivière-Rouge demeurera ouverte 24 heures sur 24. Et c’est grâce à la mobilisation citoyenne, selon le maire de la ville, Denis Lacasse.
Le CISSS des Laurentides a annoncé en décembre 2023 la fermeture du service d’urgence de 20 h à 8 h. Poursuite judiciaire de la Ville, marche citoyenne, pétition, la Ville et le CISSS sont parvenus à une entente à l’amiable à la mi-octobre.
La Coalition Santé Laurentides continue de dénoncer le sous-financement de la région. Elle souhaite des « annonces concrètes » pour moderniser les hôpitaux vétustes. “Nous avons une inquiétude alarmante que tout soit reporté et que les budgets ne soient pas indexés”, a déclaré son porte-parole, le Dconcernant Marie-Pierre Chalifoux.
La grande séduction de l’Abitibi-Ouest
L’Abitibi-Ouest a sa Grande Séduction! Depuis trois ans, le mouvement citoyen tente d’inciter les soignants à rouvrir des lits fermés à l’hôpital de La Sarre. Elle leur offre des incitations financières et leur trouve, entre autres, un logement. Le but ultime ? Une centaine d’infirmières en 2026.
«Nous avons recruté 59 infirmières», précise son président, Sylvain Trudel. Il en reste 55. » L’un d’eux est parti faute de mosquée à La Sarre. Qu’à cela ne tienne, une mosquée a ouvert ses portes en août. Un troisième service de garde sera disponible à partir de janvier.
Le mouvement a récolté jusqu’à présent 1 676 000 $. Pour le moment, trois lits de santé mentale ont rouvert.
Appel à tous : initiatives citoyennes pour les soins de santé
Votre communauté s’est-elle mobilisée pour améliorer les services de santé dans votre région ? Parlez-nous de vos projets et réalisations.
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