Arrêtée début décembre pour plusieurs meurtres, dont celui de son ex-petit-ami, la tueuse à gages « la plus redoutée » de Colombie est le symbole de la place croissante des femmes dans les cartels.
Ses longs cheveux ébène cachent son visage. Dans une vidéo devenue virale, Karen Julieth Ojeda Rodriguez apparaît menottée, short court et haut court révélant le haut de sa taille. Il n’en fallait pas moins pour enflammer la toile, qui lui a déjà donné un surnom. La Poupée, la poupée en français, a été arrêtée en Colombie début décembre pour une série de meurtres liés au gang Los de la M, dont elle serait le bras droit, survenus dans la région de Santander, à l’est de Medellín. A seulement 23 ans, la sulfureuse jeune femme est à la tête d’un petit réseau de tueurs à gages et est notamment soupçonnée d’avoir fait assassiner son ex-compagne. De quoi réveiller certains fantasmes : celui, notamment, de la femme fatale, au propre comme au figuré.
Lors de son arrestation, deux complices présumés ont également été arrêtés, a rapporté la police de Magdalena Medio. Parmi eux, Paula Valentina Joya Rueda, 24 ans, également surnommée Gorda Sicaria, et Leopoldo. Ils sont tous deux soupçonnés d’avoir aidé The Doll à tuer son ancien petit ami, un certain Deyvy Jesus, après lui avoir tendu une embuscade sous prétexte de résoudre un problème financier. Ce dernier a ensuite été abattu par deux personnes circulant à moto.
« Le regard du diable »
Même si très peu d’informations circulent actuellement sur le tueur, son regard transperce Internet. « Le regard du diable », commente un internaute en zoomant sur son visage. D’autres la sexualisent : « Je pense qu’elle me veut » ; “Alors tu dis qu’elle est célibataire?” Très vite, certaines personnalités ont imaginé pour l’incarner au cinéma. « Aubrey Plaza… tu as ton prochain grand rôle » ou encore « Suis-je le seul à penser à Audrey Plaza quand je la vois ? », peut-on lire sur les réseaux sociaux, tandis que d’autres penchent davantage vers la chanteuse Billie Eilish.
En tout cas, la fascination pour ce criminel s’intensifie de ce côté-ci de l’Atlantique. D’autant que son arrestation met en lumière une tendance alarmante en Amérique latine : l’implication croissante des femmes dans le crime organisé. Comme l’expliquait en 2020 l’Institut Genre en Géopolitique, ces dernières années ont vu émerger une féminisation de la criminalité dans les pays d’Amérique latine, où 27,3 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. « Dans ce type de société où il y a tant d’inégalités, tant de pauvreté, un patriarcat fort, et où les femmes doivent subvenir aux besoins de leur famille, la criminalité trouve donc un terrain de recrutement privilégié. (…) Le sentiment d’appartenance, le besoin de sécurité et de ressources, le sous-emploi ou encore la toxicomanie les poussent à rejoindre des groupes criminels organisés.
Une période de calme ?
Parmi les figures féminines majeures des cartels latino-américains, on retrouve la Mexicaine Ignacia Jasso, la Viuda de González, dite La Nacha, décédée en 1982. En Colombie, Karen Julieth Ojeda Rodriguez a suivi les traces de Griselda Blanco, Queen coca ou même La Veuve Noire, mentor présumé de Pablo Escobar, assassiné en 2012 à Medellín.
Son héritière semble cependant connaître un autre sort et une autre condamnation, ce qui rassure déjà les autorités colombiennes. Lors d’une conférence de presse relayée par plusieurs médias locaux, le lieutenant-colonel Mauricio Herrara, de la police de Magdalena Medio, a déclaré que ces arrestations visaient à ramener une « période de calme dans la région », le tueur à gages « le plus redouté de la région » étant enfin derrière les barreaux.