En juin dernier, après avoir navigué pendant quarante-trois ans, parcouru 800 000 milles nautiques et participé à de nombreuses opérations [Olifant, Condor, Enduring Freedom, Heracles, Atalante, Corymbe]le patrouilleur en haute mer [PHM ou aviso] Le Premier Maître L’Her, douzième unité de la classe Estienne d’Orves, est définitivement retiré du service actif par la Marine Nationale.
Une fois mis hors service, un navire est généralement « déconstruit ». Mais tel n’est pas le sort de l’ex-aviso PM L’Her puisque, le 17 décembre, la Marine nationale annonce que, préalablement « nettoyé », il vient d’être coulé par une torpille lourde. F21 « Artemis », servante de guerre, lancée par un sous-marin nucléaire d’attaque [SNA].
Sur les images de cette expérience, on voit que la coque de l’ex-aviso a été coupée en deux, avant de couler.
« S’inscrivant dans la démarche Polaris, de préparation à la haute intensité, cette expérimentation a permis de tester les capacités de cet armement de nouvelle génération », explique la Marine nationale. Il « se rapproche en effet le plus possible de la réalité, et apporte des enseignements humains et opérationnels inédits », a-t-elle ajouté, avant de souligner que la « complexité et les exigences du milieu dans lequel les participants renforcent la pugnacité des équipages et nourrissent les réflexions tactiques sur la guerre de demain.
Destinée à remplacer le modèle F17 Mod 2, la torpille lourde F21 a été développée dans le cadre du programme Artemis, lancé en 2008. Non sans difficulté d’ailleurs. En fait, il s’agissait d’abord d’établir une coopération avec l’Italie. Enfin, un autre plan industriel a été mis en place, avec la participation de Naval Group, Thales Underwater Systems [TUS] pour le guidage acoustique, Eurenco pour la charge militaire et l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS].
Attendues pour 2016, les premières torpilles F-21 ont été livrées à la Marine nationale avec trois ans de retard. Cependant, toutes les difficultés n’étaient pas encore résolues. En 2021, le délégué général à l’armement, qui était alors Joël Barre, évoquait des problèmes non seulement avec TKMS [concurrent direct de Naval Group, ndlr] mais aussi avec l’industriel français et son site de Saint-Tropez, « qui n’était pas d’une efficacité industrielle et technique extraordinaire ».
Quoi qu’il en soit, le F21 a su démontrer son efficacité en envoyant au fond les 1 200 tonnes de l’ex-aviso PM L’Her. Equiper les SNA des classes Suffren et Rubis, ainsi que les quatre sous-marins nucléaires lance-missiles de la Force Océanique Stratégique [Fost]cette « munition complexe » a un diamètre de 533 mm et une longueur de 6 mètres. Equipé de deux jeux d’hélices et d’un système d’autoguidage acoustique lui donnant la capacité de détecter et de suivre un objectif de manière autonome, il est également relié au sous-marin par une fibre optique, qui permet de le guider vers sa cible. Avec une autonomie de 27 milles marins, il peut atteindre des vitesses de 50 nœuds.
Ce tir de torpille en annonce probablement d’autres. “Compte tenu du resserrement du contexte international et de la mise en service de munitions complexes de dernière génération, il apparaît désormais pertinent et possible de recourir à nouveau, de manière ponctuelle, à de telles expérimentations d’armes en mer”, a-t-il déclaré. fait valoir le ministère des Armées, via un communiqué.
« Ce tir a été réalisé dans le respect des engagements internationaux de la France, grâce aux progrès réalisés dans le traitement des coques anciennes », a-t-il insisté.
Photo : Marine Nationale