Jean-Paul Paloméros, ancien officier haut gradé de l’armée française et de l’Otan, voit également dans cette attaque un «moyen de rétablir le moral des Ukrainiens. Quant aux déclarations de Poutine selon lesquelles il affirme s’être « vengé » de l’utilisation par l’Ukraine de missiles américains ATACMS, l’expert nuance : «Le président russe en profitera, mais de toute façon, il aurait mené cette attaque massive quoi qu’il arrive. Cela fait partie de ses grands axes stratégiques : faire pression sur le front du Donbass, continuer à terroriser et frapper les installations ukrainiennes vitales, notamment énergétiques, continuer à terroriser les populations européennes avec la menace de l’usage de l’arme nucléaire et tenter d’obtenir plus proche de l’équipe Trump.
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L’Occident doit-il vraiment s’inquiéter du missile expérimental « Orechnik » ?
Nos deux experts s’accordent sur l’efficacité des bombes à fragmentation utilisées jeudi par la Russie. “Lorsqu’elles explosent dans les airs, plutôt que de toucher un seul endroit, ces bombes se propagent dans plusieurs endroits. Il existe ensuite des armes à sous-munitions qui peuvent, par exemple, poser des mines. (ce qui pose des problèmes aux Ukrainiens qui doivent réparer les dégâts causés aux infrastructures, NDLR). Et puis il y a ceux qui ont de petites bombes et causent de gros dégâts sur de vastes zones.comments Dominique Trinquand.
Vladimir Poutine a également menacé de frapper Kiev avec son puissant missile expérimental Orechnik. Mais le président russe peut-il mettre cette menace à exécution ? Pour le général français, la réponse à la question est «oui » : « Le président russe l’a déjà utilisé une fois récemment mais sans inculpation. C’était un missile inerte.. Jean-Paul Paloméros est plus prudent. « C’est une arme qui me semble assez expérimentale, un missile qui a été « bricolé ». Je sais qu’il y a des analyses qui sont faites sur les débris récupérés. Donc je ne sais pas, on verra dans un futur proche s’il réutilise ce type d’armement.»
Pour l’expert, une chose est claire : «Cela permet à Poutine d’augmenter la menace nucléaire. Et c’est son objectif. Et cela touche plus particulièrement les populations européennes que les Ukrainiens eux-mêmes, qui voient de toute façon toutes sortes de bombes tomber sur eux.»
L’Europe doit-elle donc avoir peur pour sa sécurité ? Pour Dominique Trinquand, Vladimir Poutine n’est pas prêt pour la guerre avec l’Europe. “Si tout le monde dit que ce fameux missile Orechnik pourrait dévaster l’Europe, le président russe ne peut se permettre une telle escalade. En affectant un pays européen, elle attaque l’OTAN et elle n’a pas les moyens d’y faire face. Depuis près de 3 ans, Poutine n’a réussi à conquérir que 20 % de l’Ukraine. Et l’armée ukrainienne tient toujours le coup. Lui, il perd 30 000 hommes par mois. Il n’est pas dans une position gagnante. Il est certes en mesure de gagner progressivement du terrain en affaiblissant l’Ukraine – ce qu’il cherche à faire sur le front et en profondeur – mais il subit lui-même de lourdes pertes.» Un avis partagé par Jean-Paul Paloméros qui estime que l’armée russe est déjà « suremployés en Ukraine ». Ce dernier ajoute en outre que l’économie russe est «soumis à une rude épreuve, même à bout de souffle.“
EN DIRECT – La Russie menace d’utiliser à nouveau Orechnik : « L’utilisation massive de ce missile serait comparable à l’utilisation d’une arme nucléaire »
Les Russes avancent sur le terrain mais…
Sur le terrain, les Russes ont réalisé des progrès significatifs ces dernières semaines, se rapprochant notamment de la ville stratégique de Kurakhove (dans l’oblast de Donetsk). Dominique Trinquant a tendance à relativiser : «Depuis des mois, les Russes se rapprochent progressivement des villes réputées stratégiques. Lorsqu’ils ont pris Bakhmout il y a un an, c’était stratégique. Mais ils ne sont pas allés au-delà de Bakhmut… » Jean-Paul Paloméros reconnaît l’avancée des Russes mais salue la force et l’intelligence des Ukrainiens : «Ils semblent voir les véritables enjeux stratégiques. Ils ne vont pas se battre pour le plaisir de se battre. Peut-être accepteront-ils que les Russes continuent d’avancer lentement tant qu’ils ne pourront pas avancer vers de grandes villes comme Kramatorsk… »
En revanche, nos deux experts sont d’accord sur un point : Poutine va probablement bientôt redoubler d’efforts. “Son objectif sera d’avoir le plus de terres possible lorsque Trump arrivera au pouvoir.»Vous faites confiance à Dominique Trinquand. “Il a déclaré que quatre oblasts seraient annexés à la Russie en septembre 2022. Il ne veut pas voir fin janvier (et la prise de pouvoir de Trump, NDLR) sans que ces quatre oblasts soient occupés par la Russie. Sinon, d’une certaine manière, ce sera un échec pour lui.
Jean-Paul Paloméros va dans le même sens : “Il est certain que Poutine essaie d’accélérer le mouvement pour deux raisons : d’une part parce qu’il y a l’hiver, et d’autre part il aimerait surtout être dans une situation extrêmement favorable lorsque Donald Trump prendra le pouvoir.”