Elle est également impliquée dans le traité du Mercosur. Roberta Metsola était à Paris jeudi pour faire avancer les discussions sur l’accord de libre-échange avec l’Amérique latine auquel la France s’oppose. Pour Dimanche à la Tribunele président du Parlement européen revient sur ces discussions mais aussi sur le retour de Trump à la Maison Blanche, l’escalade en Ukraine et la nouvelle Commission européenne.
LA TRIBUNE DIMANCHE – Après vos rencontres avec Michel Barnier, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, pensez-vous qu’un accord sur le traité avec le Mercosur puisse être trouvé ?
ROBERTA METSOLA – Nous avons évoqué les inquiétudes qui subsistent, notamment dans le secteur agricole français. Ils sont légitimes et doivent être entendus. Il est crucial de prendre le temps d’y répondre complètement. J’espère que nous parviendrons à une solution équilibrée qui à la fois protégera les intérêts de nos agriculteurs, en particulier dans les secteurs les plus exposés, et ouvrira de nouvelles opportunités à nos entreprises. Se désengager du commerce international nous priverait de la possibilité d’exporter nos valeurs et nos normes. Si nous ne nous impliquons pas, d’autres le feront à notre place. Cela s’applique à l’Amérique latine mais aussi à d’autres régions, comme l’Afrique.
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Comment parvenir à un consensus sur cet accord ?
Il existe plusieurs pistes. Mais que l’accord soit divisé ou non, qu’il y ait ou non un vote majoritaire sur le texte, il ne faut pas isoler les États membres. Car on ne peut pas dire à un pays désemparé par le déclin d’un secteur et qui se sent abandonné : « Désolé, mais nous ne vous écouterons pas ! »
Le Parlement français votera sur ce sujet la semaine prochaine. Est-ce une bonne idée ?
En tant que parlementaire, je ferai toujours pression pour que les décisions et les négociations passent par le Parlement. Toutefois, sous le gouvernement précédent, l’Assemblée nationale était exclue de nombreuses décisions. Prenez les plans de relance et de résilience adoptés pendant la crise sanitaire : dans les pays où les parlements nationaux ont été contournés, nous avons eu de gros problèmes parce que les gouvernements avaient accumulé des pouvoirs fiscaux et budgétaires normalement dévolus aux parlements.
Donald Trump, de son côté, a promis d’augmenter les droits de douane. Comment l’anticiper ?
Les États-Unis et l’Europe sont les plus grands partenaires commerciaux l’un de l’autre. Une guerre commerciale ne profitera donc à personne. Cela nuira autant aux consommateurs européens qu’aux consommateurs américains. En 2022, nous étions naïfs d’imaginer que la loi sur la réduction de l’inflation [programme d’investissements massifs lancé par Joe Biden aux États-Unis] se limiterait à des mesures simples d’accompagnement de la transition écologique. Notre réaction à l’époque aurait pu être plus forte, nous aurions pu être mieux préparés. Il faut désormais abandonner cette posture d’attendre les élections américaines pour réagir. Nous devons agir, quel que soit ce résultat. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité, avec ce nouveau Parlement élu, avec une nouvelle administration, de retrouver une cohérence et de réduire notre vulnérabilité.
C’est à dire ?
Par exemple, dans nos relations avec la Chine, nous ne pouvons pas faire entendre 27 voix différentes comme c’est le cas aujourd’hui. Pour parvenir à cette cohérence, un leadership fort est nécessaire. Nous travaillerons donc sans tarder, avec la Commission et le Conseil, à aligner nos positions. Si nous montrons que nous sommes capables de voler de nos propres ailes, de nous concentrer sur nos priorités et notre compétitivité, nous deviendrons immédiatement plus forts et nous pourrons parler aux Américains sur un pied d’égalité.
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Mais à qui incombe la responsabilité de ce changement d’attitude ?
A nous tous, chacun dans son rôle. Le mien est de parler à mon homologue des États-Unis, le président de la Chambre des représentants. Je l’ai déjà fait au G7 de Vérone. Il y aura bientôt d’autres opportunités. L’idée est de trouver un terrain d’entente plutôt que d’examiner des questions sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord.
Roberta Metsola était avec Michel Barnier, à Paris, lors d’une visite officielle, le 21 novembre 2024. (Crédits : LTD/Union européenne 2022 – Source : EP)
Approuvez-vous la décision de Joe Biden d’autoriser l’Ukraine à frapper des cibles militaires en Russie avec des missiles à longue portée ?
Nous ne pouvons pas espérer parvenir à une désescalade en restant silencieux et inactifs. Cette décision est donc la bienvenue. Il permet notamment d’éviter la destruction des infrastructures énergétiques ukrainiennes. Reste maintenant à savoir si elle peut être étendue aux armes livrées par l’Union européenne. En Allemagne, cela reste encore un grand point d’interrogation. Mais j’ai été rassuré cette semaine par la position commune de plusieurs ministres européens des Affaires étrangères (allemand, français, polonais, italien et britannique) qui ont rappelé le triste anniversaire des mille jours de guerre. Les mots étaient forts et allaient au-delà des platitudes traditionnelles de solidarité.
Cela n’empêche pas l’Europe de rester divisée sur l’Ukraine…
Oui, mais si on m’avait dit en 2022 que nous allions parvenir à l’unanimité sur tous les paquets de sanctions décidés depuis, je ne l’aurais pas cru. Je préfère me concentrer là-dessus. Et puis j’espère toujours qu’il sera possible de débloquer la Facilité européenne pour la paix [fonds d’aide à l’Ukraine d’un montant de 6,6 milliards d’euros actuellement bloqué par un veto hongrois].
L’appel d’Olaf Scholz à Vladimir Poutine la semaine dernière a-t-il été utile ?
On ne peut pas dire que cela a très bien fonctionné et que l’objectif a été atteint. Toute initiative montrant que nous négocions sur l’Ukraine sans impliquer directement Kiev serait une erreur.
Donald Trump pourrait cependant ignorer l’avis de Kiev et des Européens en négociant directement un cessez-le-feu avec Vladimir Poutine…
C’est une chose à laquelle nous devons faire attention. Par ailleurs, l’Union européenne a investi massivement pour soutenir l’Ukraine. Est-ce suffisant ? Probablement pas. Mais cette aide militaire et financière me donne l’espoir que nous puissions trouver un terrain d’entente avec les États-Unis au sein de l’OTAN. En tout cas, le discours qu’on a entendu il y a huit ans et qui disait «l’UE ne dépense pas assez et les États-Unis assument seuls le fardeau» ne peut plus être valable.
Les auditions de la nouvelle Commission ont donné lieu à des tensions rarement vues au Parlement. Est-ce dû à une reconfiguration des équilibres politiques et à l’influence croissante des mouvements nationalistes et d’extrême droite ?
Le Parlement européen votera mercredi sur la nouvelle Commission, ouvrant ainsi la voie à son entrée en fonction le 1er décembre. Il est vrai que les majorités ont changé après les dernières élections européennes. Cela étant dit, qu’il s’agisse de l’élection du président de la Commission, de la récente résolution sur l’Ukraine ou des auditions des commissaires, des majorités stables continuent de se former grâce à une approche consensuelle avec au centre des groupes pro-européens constructifs. Et je ne vois pas cela changer.
Dans le cas des assistants parlementaires RN actuellement jugés, le préjudice pour le Parlement européen s’élèverait à 5 millions d’euros. Allez-vous récupérer cet argent ?
Notre devoir est avant tout de veiller aux intérêts financiers de l’UE et à l’argent payé par les contribuables européens. Je ne commente pas un procès en cours, mais notre équipe juridique estime que la réputation du Parlement a été endommagée, financièrement mais aussi en termes de crédibilité. Nous allons donc nous battre pour le faire restaurer.
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La Commission place la barre à droite
A moins d’une grosse surprise, les nouvelles L’équipe d’Ursula von der Leyen recevra ce mercredi l’imprimatur du Parlement entamer un nouveau mandat sur 11er décembre. L’Allemande a obtenu, non sans mal, que les 26 commissaires européens (un par pays) dont elle avait révélé les noms il y a deux mois soient confirmés au niveau de leurs commissions respectives. Mais son nouveau mandat s’annonce bien différent du précédent. Tout d’abord, son mouvement, le Parti populaire européen (PPE), a fait une démonstration de force au Parlement ces dernières semaines lors des auditions des candidats. Il a ainsi mis en lumière la principale garante de gauche du nouvel exécutif, la socialiste espagnole Teresa Ribera, future vice-présidente chargée de la concurrence et de la politique climatique.
Le but de la manœuvre était d’obtenir la confirmation de l’Italien Raffaele Fitto – du parti d’extrême droite de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia – comme vice-président chargé de l’attribution des aides régionales, et celle du Hongrois Olivér Várhelyi, nommé par Viktor Orbán, qu’une partie du centre et de la gauche voulait limoger. Le PPE commença à forger, sur différents textes, des coalitions changeantes, tantôt au centre avec les socialistes et les libéraux, tantôt à droite avec les conservateurs, voire les souverainistes. Cet abandon du « cordon sanitaire » a provoqué la fureur des Verts, qui avaient pourtant soutenu Ursula von der Leyen lors de son élection en juillet.
Ensuite, cette dernière a confondu les compétences de ses commissaires. Cela devrait lui donner un pouvoir d’arbitrage sur des dossiers majeurs, comme la préparation du prochain budget pluriannuel, ou sur des textes clés comme le « Pacte pour l’industrie propre », dont la préparation sera confiée au vice-président français de la Commission. , Stéphane Séjourné. Même si elle s’engage à soutenir l’équipe von der Leyen II, la présidente du groupe libéral Renew, la Française Valérie Hayer, assure «redoubler de vigilance pour ne pas laisser les extrêmes détruire le projet européen».