Lorsque des vidéos des agressions sexuelles dont elle a été victime sont projetées au tribunal, Gisèle Pelicot détourne le regard et préfère parler à la jeune femme assise à ses côtés depuis le début du procès pour viol de Mazan. Parfois même un sourire illumine son visage.
« C’est quelqu’un qui fait beaucoup d’autodérision. Il y a des moments où il y a des petites choses drôles qui se disent», sa «confidente», Anne-Sophie Langlet, avocate à l’Association de médiation et d’aide aux victimes (Amav).
Chaque jour depuis le 2 septembre, ce professionnel qui accepte le terme « d’assistant socio-juridique » siège aux côtés des parties civiles, sur le banc derrière leurs avocats, avec pour mission de leur apporter un aperçu de la procédure judiciaire. . Mais aussi un soutien moral lors de ce procès qui suscite l’intérêt à travers le monde.
Elle répond “aux questions de Mme Pelicot qui se demande parfois pourquoi un avocat de la défense dit cela, quel est son objectif en avançant un tel argument”. Même si « pour elle, évidemment, ce qui se passe est difficile, il faut aussi comprendre que cela fait partie de la procédure et que donc, il faut la vivre ».
« Il n’y a pas de complicité, il n’y a pas d’amitié. C’est vraiment toujours rester présent pour elle et lui faire savoir que, si elle a besoin de dire quelque chose, on peut accepter ce qu’elle a à dire. Nous ne serons jamais jugés », explique-t-elle.
Mais dans ce procès hors norme, où 51 hommes comparaissent devant le tribunal correctionnel du Vaucluse pour avoir violé Gisèle Pelicot, droguée et rendue inconsciente par son mari qui filmait tout, son soutien humain à la famille se double d’un rôle préventif.
« On la verra aussi être et, à travers ses réactions, pouvoir débriefer. Et, s’il y a quelque chose qui nous alerte, soyez capable de suggérer, de déclencher quelque chose. Nous avons mis en place des filets psychologiques si jamais elle en a besoin. besoin», souligne ce professionnel également formé en psychologie et en criminologie, parfois remplacé par deux autres confrères.
Aucune information n’a filtré jusqu’à présent concernant l’éventuelle aide psychologique reçue par Gisèle Pelicot qui, début septembre, avait déclaré en parlant d’elle-même que “la façade est solide mais l’intérieur est un champ de ruines”.
– Neutralité –
Implantée dans le Vaucluse depuis les années 1980, l’Amav fait partie des 130 associations en France agréées par le Ministère de la Justice avec pour mission « d’accueillir et d’écouter toute personne qui s’estime victime d’une forme de délinquance, de l’informer de ses droits, de l’accompagner dans ses démarches judiciaires, de lui proposer un soutien psychologique”, explique sa directrice Magali Blasco.
« Nous avons des victimes qui ont un avocat mais qui veulent aussi qu’on les accompagne parce qu’elles ont besoin d’un soutien oral, parce que selon la nature du dossier, l’avocat est concentré sur les débats et non il n’a pas le temps de s’en occuper. de son client non plus, et puis parce qu’il y a une relation de confiance qui est déjà établie en amont et du coup on est un peu un lien avec ses avocats. « .
Contrairement à ces derniers, les salariés d’Amav doivent respecter une posture de neutralité.
C’est le parquet d’Avignon qui a demandé fin août à l’association de soutenir les parties civiles dans ce procès. Anne-Sophie Langlet a ainsi rencontré Gisèle Pelicot seulement « un quart d’heure avant l’audience d’ouverture » le 2 septembre. Mais aussitôt une « relation de confiance » s’est établie.
« Pour Mme Pelicot, il était important qu’il y ait quelqu’un avec elle, par exemple, au moment (de la diffusion) des vidéos. Elle ne voulait pas que ses proches soient là, qui pourraient s’entendre. Et en même temps, c’était dur pour elle d’être toute seule, car les avocats sont devant elle”, explique l’avocate.
– Présence bienveillante –
Elle a également donné aux victimes des conseils pratiques, comme des exercices de respiration ou des mouvements pour « se réancrer au sol » afin d’évacuer le stress et l’anxiété lors des audiences.
Gisèle Pelicot a surtout décidé “d’écrire ce qui ne va pas” pour “sortir immédiatement de sa tête ce qu’on vient d’entendre et le mettre ailleurs”, confie Mme Langlet.
Initialement prévu pendant les deux premiers jours du procès uniquement, cet accompagnement sera apporté, à la demande des parties civiles, jusqu’au verdict attendu le 20 décembre.
“C’est une aide qu’elle apprécie beaucoup, car c’est une présence bienveillante, apportée par une équipe de professionnels qui montrent vraiment que l’assistance aux victimes est un métier (…) Ce sont des gens qui sont vraiment très humains, très compétents et qui aident certainement notre “Le client pourra surmonter cette épreuve”, explique à l’AFP l’un des avocats de la partie civile, Stéphane Babonneau.
Parallèlement, une salle annexe, un « sas de décompression » avec nourriture et boissons, a été mise à disposition de la famille qui peut s’y rendre à chaque suspension de l’audience.
C’est à ces moments-là que Gisèle Pelicot lâche prise, révèle son « assistante » : « On lui fournit des friandises et elle les mange à chaque fois qu’elle accroche. Comme si elle n’en avait jamais mangé auparavant… »