Au moins 250 000 personnes ont défilé samedi en France contre l’extrême droite, en position de force à l’approche des élections législatives convoquées par le président Emmanuel Macron, alors que la nouvelle coalition de gauche connaît déjà les premières fissures.
Syndicats, associations et partis de gauche avaient appelé à un « raz-de-marée populaire » pour éviter une nouvelle victoire du Rassemblement national (RN, extrême droite) les 30 juin et 7 juillet, après son triomphe dimanche aux élections européennes qui a conduit le chef de l’État à dissoudre l’Assemblée nationale.
“Je pensais que je n’allais jamais voir l’extrême droite arriver au pouvoir et maintenant cela peut arriver”, a déclaré Florence David, une formatrice de 60 ans à Paris où le cortège s’est élancé en début d’après-midi.
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Selon les autorités, les manifestations ont rassemblé 250 000 personnes dans le pays, dont 75 000 dans la capitale. Le syndicat contestataire CGT en a dénombré 640 000.
« J’avais besoin d’être avec beaucoup de gens pour sentir que je n’étais pas le seul. Le passage de l’extrême droite au pouvoir me fait peur”, a déclaré Amélie Rouanet, 32 ans, qui a manifesté à Toulouse (sud-ouest).
“La démocratie peut se perdre à tout moment”, a prévenu Florence Audebert, 40 ans, aperçue lors de la manifestation à Rennes (ouest).
Week-end d’événements
Au total, environ 200 manifestations sont prévues dans le pays durant le week-end, à deux semaines des élections législatives qui provoquent une recomposition chaotique de la vie politique en France.
“Nous sommes potentiellement à un tournant pour la démocratie”, a déclaré Marylise Léon, la présidente de la CFDT, l’un des cinq syndicats qui ont appelé à la mobilisation.
Pour faire barrage à l’extrême droite, les principaux partis de gauche, de La France Insoumise (LFI, gauche radicale) aux socialistes et écologistes, ont réussi à s’allier à la hâte en mettant de côté leurs divergences sur l’Ukraine ou la guerre à Gaza.
Mais leur coalition baptisée Nouveau Front populaire a connu samedi ses premières tensions après la décision de LFI de ne pas réinvestir les opposants du chef du parti, Jean-Luc Mélenchon.
Les élus mis à l’écart ont dénoncé « une purge » et accusé M. Mélenchon, candidat malheureux à trois reprises à l’élection présidentielle et figure de division, de « régler ses comptes ».
D’autres ont déploré qu’Adrien Quatennens, proche de ce leader de la gauche radicale, ait été réinvesti alors même qu’il a été condamné en 2022 pour violences conjugales.
« Extrêmement choquée » par cette « purge », la patronne des Écologistes Marine Tondelier a convoqué les autorités de son parti. Le patron des socialistes Olivier Faure a, de son côté, jugé « scandaleuse » l’« éviction » des députés LFI.
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Hollande surprend
Défenseur de l’union de la gauche malgré son animosité envers LFI, l’ancien président socialiste de la République François Hollande (2012-2017) a également créé la surprise en annonçant sa candidature aux élections législatives en Corrèze (centre). “Si j’ai pris cette décision, c’est parce que je sentais que la situation était grave, plus qu’elle ne l’a jamais été”, a-t-il expliqué.
Le président Macron, qui participe ce week-end à un G7 en Italie et à un sommet sur l’Ukraine en Suisse, a qualifié les divergences à gauche de « spectacle d’une grande incohérence » : « Nous sommes parmi les fous, ce n’est pas le cas. ce n’est pas sérieux.
Le président du Rassemblement national Jordan Bardella, qui vise le poste de Premier ministre à 28 ans, a estimé que seuls « deux partis politiques » pourront « composer un gouvernement » : le sien et cette nouvelle union de la gauche.
Son parti est actuellement en tête dans les sondages d’opinion. Un sondage Opinionway publié samedi lui attribue 33% des intentions de vote, devant le Nouveau Front populaire (25%) et la majorité présidentielle (20%).
A la traîne, la droite républicaine se déchire depuis l’appel du président républicain Eric Ciotti à s’allier avec le RN. Vendredi, le tribunal de Paris a provoqué un énième rebondissement en invalidant son exclusion.
Sans évoquer spécifiquement la France, la chef du gouvernement italien Giorgia Meloni, dont le pays a accueilli le G7, a dit espérer que l’Europe tiendrait compte du “message” envoyé aux élections européennes, marquées par une poussée de l’extrême droite.