Aymeric Chauprade, géopolitique français et ancien député européen, ex-conseiller de la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, analyse pour Le360 les raisons qui poussent le régime d’Alger à s’immiscer, une fois de plus, dans les affaires politiques intérieures de la France, notamment via le recteur de la grande mosquée de Paris, et explique les raisons de la « faiblesse » et de l’inaction de l’État français en face à ces actes extrêmement graves.
Le360 : au lendemain de la victoire du RN aux élections européennes, le président algérien a rencontré pendant deux heures le recteur de la mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, d’origine algérienne. Ce dernier a donné, le même jour, des instructions de vote à la communauté musulmane de France, appelant à faire barrière au RN. Une réaction?
Aymeric Chauprade: L’Algérie se comporte une fois de plus comme si elle était chez elle à la Mosquée de Paris et il semble malheureusement que ce soit le cas. Il s’agit d’une ingérence inacceptable. Quant au recteur de la grande mosquée, il convient de rappeler qu’il est tenu à un certain devoir de réserve sur le plan politique. On lui demande de veiller à la foi de ses fidèles, non à leur vote et encore moins de servir de relais à un gouvernement étranger !
« Le régime algérien est un régime terroriste. Il l’a montré à l’époque du FIS et du GIA.
— Aymeric Chauprade
Ce n’est pas la première fois que l’Algérie s’immisce clairement dans les affaires politiques intérieures de la France. Pourquoi, selon vous, les autorités françaises ne réagissent-elles pas pour mettre fin à cette ingérence ?
Les autorités françaises ont fait preuve d’une grande faiblesse à l’égard de l’Algérie, tous gouvernements confondus et depuis des décennies. Quand nous sommes faibles, c’est parce que nous avons peur. Quoi? Je vais dire des choses parce que beaucoup de gens le disent en privé mais n’osent pas le dire publiquement. Le régime algérien est un régime terroriste. Il l’a montré à l’époque du FIS et du GIA. La main des services algériens est à l’origine d’une partie du terrorisme aveugle qui a frappé les Algériens chez eux mais aussi en France. De plus, lorsque nous soutenons un mouvement terroriste comme le Polisario, soutenu par le Hezbollah, le Hamas et Mme Rima Hassan de LFI, nous sommes un État terroriste !
“Il faut tout réinitialiser avec Alger, faire un “reset” complet de la relation.”
— Aymeric Chauprade
Deuxièmement, les pouvoirs publics français craignent l’embrasement des banlieues où l’immigration d’origine algérienne est souvent dominante et contrôlée par les réseaux de trafic de drogue. Pour ces deux raisons, la France est restée silencieuse pendant des années. C’est insupportable et cela doit cesser.
Pourquoi l’arrivée du RN et d’une coalition de droite aux portes du pouvoir sème-t-elle déjà la panique au sein du régime algérien ?
Car on peut espérer que le RN ne ferait pas preuve de la même faiblesse et qu’il mettrait fin à des décennies de lâche complaisance envers Alger. Il faut tout réinitialiser avec Alger, faire une « réinitialisation » complète de la relation. Les dignitaires du régime algérien vivent d’un métier qui est d’attaquer la France et le Maroc et de les accuser d’être à l’origine de tous les maux. Le Maroc n’accepte pas ce discours agressif et infantilisant, mais la France s’est montrée résignée et encaisse les coups depuis des années. Je sais que Marine Le Pen veut que ça cesse.
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Par ailleurs, contrairement à ce que certains pensent malheureusement trop souvent dans le monde musulman, Mme Le Pen n’est pas l’ennemie de l’Islam en tant que religion ni des musulmans. Sans quoi le RN n’aurait pas obtenu 52% aux élections européennes dans un département comme Mayotte majoritairement musulman. Marine Le Pen veut des alliés dans le monde musulman. Il fait la distinction entre les États musulmans dirigés par des dirigeants musulmans modérés et les États musulmans dirigés par des personnes qui manipulent les masses en utilisant l’idéologie politique islamiste. On oublie souvent qu’en 2015, lors d’un voyage officiel en Égypte, elle a rencontré l’imam de l’université Al-Azhar.
“Il est évident que le régime algérien craint l’arrivée au pouvoir du RN.”
— Aymeric Chauprade
Il y a trois jours, le porte-parole du RN, Sébastien Chenu, confirmait l’intention du parti d’abroger les accords de la France avec l’Algérie, notamment ceux de 1968. Pensez-vous que cela soit une des raisons du désarroi actuel du régime algérien ?
Il est évident que le régime algérien craint l’arrivée au pouvoir du RN et on peut s’attendre, si tel est le cas, à un embrasement des « quartiers rouges » par les réseaux d’influence algériens infiltrés sur notre territoire. Si l’Azerbaïdjan était capable de manipuler les séparatistes antifrançais à des milliers de kilomètres de son territoire, dans le Pacifique, on voit mal comment l’Algérie ne parviendrait pas à déplacer une partie significative des millions d’Algériens qui vivent sur le territoire français et bénéficient de la largesses de son État-providence. J’espère que le RN est conscient de cette menace. Elle s’ajoute et se combine à celle de l’extrême gauche qui cherche à créer la guerre civile.
“Si le RN agit conformément à sa ligne officielle, on peut s’attendre à une reconnaissance claire et nette de la marocanité du Sahara.”
— Aymeric Chauprade
De l’avis de certains observateurs, l’arrivée au pouvoir du couple Le Pen-Bardella va accélérer le processus de reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara. Partagez-vous cette analyse ?
Si le RN agit conformément à sa ligne officielle et aux votes de ses députés européens au Parlement européen, on peut s’attendre, en effet, à une reconnaissance claire et nette de la marocanité du Sahara. Et par rapport à ce que je viens de dire, si le RN veut être cohérent, il doit, parallèlement à la refonte de la relation avec l’Algérie, œuvrer au renforcement de son alliance avec le Maroc. Je dirais que nous devrions annoncer conjointement la reconnaissance de la marocanité du Sahara, la volonté d’un partenariat stratégique de haut niveau avec le Maroc et la repensation de la relation avec l’Algérie. Mais attention, dans le cadre d’une cohabitation avec le président Macron, qui garderait largement le contrôle de la politique étrangère de la France, la marge de manœuvre du RN ne serait pas la même que si Marine Le Pen était élue présidente et disposait d’une majorité pour gouverner !
