Un accord « très mauvais » et « pas acceptable tel quel ». Depuis 2019, Emmanuel Macron n’a cessé de répéter son opposition au traité de libre-échange entre l’Union européenne et le marché commun sud-américain du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie). Il prétendait avoir « bloqué » en février dernier, en pleine colère des agriculteurs – colère ravivée par la suspension des promesses gouvernementales et des négociations avec le Mercosur. En réalité, ce n’était pas le cas.
Les négociations sur ce traité qui prévoit de supprimer 90 % des droits de douane entre les deux zones n’ont jamais cessé. Bien que décrié par la société civile, les agriculteurs et la majorité de la classe politique française comme mortel pour le climat, les droits de l’homme, la biodiversité et les intérêts présumés des agriculteurs nationaux, l’accord est soutenu par la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der. Leyen. Le texte pourrait ainsi être signé d’ici la fin de l’année ou peut-être plus tôt, lors du G20 à Rio de Janeiro les 18 et 19 novembre.
Surtout, le refus du Président de la République ne serait qu’un discours de façade : « La position d’Emmanuel Macron consiste à dire non à Paris mais à ne rien faire à Bruxelles au sein des institutions européennes »» précise Maxime Combes, économiste co-animateur du collectif Stop Mercosur et chargé des politiques commerciales et de délocalisation à l’Association internationale des techniciens, experts et chercheurs. Le chef de l’Etat disposait cependant de plusieurs leviers d’action pour mettre en pratique ses paroles.
1- Modifier le mandat de la Commission européenne
Maxime Combes recalls that « la Commission européenne a le droit de négocier l’accord de libre-échange avec le Mercosur au nom des États membres ». Depuis 1999, elle dispose d’un mandat de négociation que lui ont confié les 27. Cela n’inclut aucun objectif de lutte contre le changement climatique, de protection des forêts ou de la biodiversité.
Ou, « Emmanuel Macron n’a jamais exigé ni de modifier le contenu de ce mandat, ni de le lui retirer.explique l’économiste. C’est pourquoi la Commission refuse de rouvrir les négociations sur le contenu de l’accord. » Ce que demande le collectif Stop Mercosur, c’est que la France modifie le contenu de ce mandat. « Cela permettrait d’avoir un grand débat sur la politique économique européenne. »
2 – Rouvrir la négociation sur le contenu de l’accord
En 2020, le chef de l’Etat avait assuré qu’il ne soutiendrait l’accord que s’il n’entraînait pas « augmentation de la déforestation »si les pays du Mercosur respectaient « leurs engagements au titre de l’Accord de Paris » et si « les produits agroalimentaires importés étaient conformes aux normes sanitaires et environnementales du pays.UE ». Mais Emmanuel Macron n’a rien fait pour modifier le texte ou l’enterrer, constate Maxime Combes : « Les différents ministres chargés du Commerce extérieur, Franck Riester puis Olivier Becht, ont déclaré qu’il ne fallait pas jeter à la poubelle les résultats de 20 ans de négociations. En 2023, Olivier Becht avait déclaré vouloir se donner du temps pour finaliser l’accord, précisant qu’il fallait évidemment le conclure. »
En réalité, l’accord est finalisé depuis 2019. Pourquoi tant de temps s’est-il écoulé ? Voiture « l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil a tout gelé et depuis que Lula a été réélu à la tête du pays en 2022, la donne a changé »résume Maxime Combes. La Commission européenne et les lobbys industriels ont vu dans le retour de Lula un « fenêtre d’opportunité » pour finaliser l’accord.
Puisque le contenu de l’accord est le même depuis 2019, pourquoi y a-t-il eu de nouvelles séances de négociations en septembre et octobre ? ? « Pour apaiser les critiques, la Commission européenne et ses homologues du Mercosur ont commencé à travailler sur une annexe à l’accord, une sorte de document joint, replies Maximes Combes. Le problème est que personne ne sait ce qu’il contient, la Commission européenne ayant refusé de le rendre public. » Ce lundi 11 novembre, l’exécutif européen rendra enfin compte de l’état des négociations au groupe de suivi de la commission du commerce international du Parlement européen.
3 – Organiser une minorité de blocage
La France peut-elle s’opposer à l’accord ? Oui, une fois les négociations finalisées lors de la présentation du texte au Parlement européen, il faudra l’unanimité des États membres, chacun disposant d’un droit de veto. « Sauf que la Commission européenne pourrait contourner l’opposition de plusieurs Etats membres grâce au « scission » »alerte Maxime Combes. Cette manœuvre consiste à découpler l’aspect commercial de l’accord avec le Mercosur du reste des sujets (migration, recherche, éducation, cybercriminalité, etc.). « Dans ce cas, plus de veto, la partie commerciale serait adoptée à la majorité qualifiée »ou 55 % d’États membres représentant au moins 65 % de la population duUE.
Afin de contrer cette majorité, le collectif Stop Mercosur appelle à construire une minorité de blocage. Pour y parvenir, il faut au moins quatre États membres du Conseil, représentant plus de 35 % de la population de l’Union européenne. Si plusieurs Etats membres comme l’Autriche, les Pays-Bas, la Pologne sont opposés ou réticents à l’accord, « Emmanuel Macron n’est pas allé les voir pour s’organiserdeplores Maxime Combes. Bien qu’affaiblie politiquement depuis l’échec de sa dissolution, la France reste la deuxième économie européenne et peut rassembler d’autres États. »
Pour s’opposer à l’accord, une dernière option serait de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la légalité de l’accord. scissionajoute l’économiste : « Si la Commission l’a déjà utilisé pour d’autres accords de libre-échange, aujourd’hui on ne peut plus se passer du vote des Parlements nationaux, cela renforcerait l’euroscepticisme ambiant. »
L’élection de Donald Trump pourrait également encourager les Européens à faire front commun. C’est à dire « se rassembler politiquement, protéger les agriculteurs et les industries, et non à l’inverse se rapprocher de l’agro-industrie brésilienne en laissant les marchés prendre le contrôle ». Alors qu’il ne reste que quelques jours, lundi 4 novembre, 200 députés, d’un arc allant des écologistes aux LRont publié une tribune dans laquelle ils appellent l’exécutif à bloquer la conclusion de cet accord. Par ailleurs, mercredi 13 novembre, une dizaine d’organisations et syndicats comme les Amis de la Terre, Attac ou Greenpeace se rassembleront devant le ministère de l’Économie à Paris, à l’appel de la Confédération paysanne et du collectif Stop. Mercosur.
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