Autour de lui, plusieurs dizaines de personnes scrutent en silence un panorama édifiant : la veille, mercredi 6 novembre, alors que le jour déclinait lentement sur la plaine de la Bekaa – située sur le flanc est du pays – un missile israélien s’est écrasé sur l’un des parkings. du site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Depuis, le quartier est prisonnier d’un déluge de poussière et de décombres, donnant à la « ville du soleil » un visage monochrome bien triste.
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Le Dr Saad est également venu voir cette scène de désolation. « Nous étions chez nous, à une centaine de mètres d’ici, lorsqu’une explosion apocalyptique a fait trembler les murs. C’est un double choc, car à celui provoqué par l’explosion, il faut ajouter un point de rupture sur le plan psychologique. Il n’y a ni armes ni combattants, c’est un sanctuaire de paix et de beauté. Cela dépasse l’entendement, c’est le trésor du Liban qui a été attaqué.explique-t-il, également avec les larmes aux yeux.
Car pour les habitants de Baalbeck, ce lieu chargé d’histoire et qui abrite des vestiges phéniciens, arabes et romains, était intouchable. De plus, le 30 octobre, lorsque l’armée israélienne a émis un ordre d’évacuation de toute la ville, des dizaines d’habitants effrayés se sont précipités sur les lieux pour trouver refuge. .
« Punition collective »
Si la frappe, qui a fait deux victimes civiles, n’a pas causé de dégâts visibles sur les restes, l’inquiétude est grande, comme l’explique Bachir Khodr, gouverneur de Baalbeck-Hermel. “Le parking fait partie du site, même si les ruines n’ont pas été directement touchées, il explique. Nous attendons la visite d’ingénieurs et d’archéologues afin d’obtenir un rapport scientifique. Les vibrations provoquées par l’explosion ont pu endommager la structure des vestiges, sans compter les fumées qui dégradent les pierres. » Au total mercredi, 30 frappes ont fait au moins une quarantaine de morts dans la ville et sa région.
Dans l’Est du Liban bombardé, un détail souligne : « C’est la principale différence avec la guerre de 2006, et ce qui met le Hezbollah en danger »
« Les temples millénaires de Baalbeck ont résisté à tout : pillages, tremblements de terre, guerress’indigne à son tour Moein, 30 ans. C’est le Liban que les Israéliens attaquent, c’est une punition collective, car il n’y avait pas de cible militaire.» A ses côtés, Mohammad, la vingtaine, montre du doigt l’hôtel Palmyra, construit en 1874, dont la façade a été gravement endommagée par la grève : « Combien de grands noms sont restés ici ? Fairuz, Lawrence d’Arabie, le général de Gaulle… Cette histoire est la nôtre, nous l’apprenons tous quand nous sommes enfants.
Une inquiétude qui semble saisir tout un pays : aussitôt, une centaine de députés ont tiré la sonnette d’alarme à l’UNESCO, exhortant l’organisation onusienne à protéger tous. « des sites précieux actuellement menacés ». « Pour la première fois de notre vie, nous voyons notre patrimoine en danger, sous nos yeux, poursuit le gouverneur Bachir Khodr. Et il ne faut pas oublier que lors des guerres récentes, d’autres sites historiques ont été gravement endommagés, notamment en Irak et en Syrie. Il y a une urgence. Si ce dernier assure qu’un intense travail diplomatique est mené depuis des semaines, il estime qu’il est impossible de faire confiance aux Israéliens. « Des murs de circuits datant du mandat français ont été récemment détruits, le fameux bâtiment Menchiye aussi, lorsqu’il était vide, dit-il. Ils ont pris le risque délibéré, en frappant si près, d’anéantir le site antique de Baalbeck. C’est un nouveau crime, cette fois contre la culture.»
“Corps sans tête, sans bras”
Alors que, selon les données fournies par les autorités, plus de 70 % des habitants de Baalbeck ont récemment quitté la ville, ceux qui restent continuent de subir les coups. A quelques centaines de mètres, Fatma, 46 ans, se dresse sur les ruines d’un immeuble. Les deux bras bandés, elle a déclaré qu’elle venait de quitter l’hôpital, après avoir été blessée par des impacts de verre brisé suite à une autre frappe israélienne. “Mes voisins sont morts, regardez, tout est détruit, nos vies sont ruinées, explique-t-elle, impuissante, le visage marqué par la douleur. Nous vivons dans un quartier pauvre, pas dans un quartier de combattants. La maison que mes grands-parents avaient construite de leurs propres mains s’est effondrée. Je ne sais plus où aller.
Les migrants établis au Liban ont également tout perdu lors des frappes israéliennes
Des scènes qui se répètent dans de nombreux villages de la plaine de la Bekaa, territoire historiquement favorable au Hezbollah, où ceux qui restent semblent poursuivis par la mort. A l’ombre d’un portrait de Nasrallah, dans une ville également visée par une frappe le 6 novembre, Ali Tarchichi, un secouriste de 52 ans, tente l’impossible pour sauver ceux qui peuvent l’être. Il dit qu’il fait face à l’insurmontable : “C’est terrifiant, j’ai trouvé des gens dont les corps étaient découpés sous les décombres, sans tête, sans bras.”
Sur les lieux de cette autre attaque, qui a fait selon les habitants 14 morts, dont trois enfants et six femmes, Abdallah Zineddine pleure sa fille. « Il n’y a que des agriculteurs dans notre village, pourquoi ? Payons-nous le prix de ne pas partir et de croire en la résistance ? Je n’ai plus rien, mais je reste ici. »grogne-t-il, debout sur un monticule de ruines, avant de crier, ivre de colère, « Nasrallah, je suis à votre service ! Non loin de là, Hosni, 65 ans, commente : « Les droits de l’homme sont un mensonge. Tuer des innocents et raser des maisons n’éliminera pas la résistance. Au contraire, cela le renforce.