Espèce envahissante et tueuse d’abeilles, le frelon asiatique se répand en Suisse romande. Sa croissance est largement contenue par des bénévoles inventifs mais débordés. Les experts sont inquiets et réclament davantage de moyens.
Au fond des gorges de la Veveyse, au cœur d’une végétation dense et difficile d’accès, perché à des dizaines de mètres du sol, on découvre un nid de frelons asiatiques. Le 23 octobre, il a fallu sept heures à un groupe d’intervention composé de scientifiques et d’apiculteurs bénévoles pour localiser le nid. Une tâche impossible sans une bonne dose de persévérance… et un émetteur radio fixé sur le ventre d’un frelon.
Plusieurs responsables francophones de la lutte contre le frelon asiatique sont inquiets. En 2024, ils ont déjà détruit près de 400 nids en Suisse romande, contre seulement une dizaine deux ans plus tôt. L’espèce tueuse d’abeilles prolifère. Et cette année, le nombre devrait encore augmenter avant que l’hiver ne mette fin à la chasse au frelon.
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Pour 2025, tous les cantons s’attendent à une expansion du frelon. «L’année prochaine sera décisive», prévient Daniel Chérix, biologiste et professeur honoraire à l’UNIL, chargé de la lutte contre le frelon asiatique dans le canton de Vaud. “Très clairement, nous n’en sommes plus au stade de l’éradication, mais du contrôle raisonné.”
Les enjeux de ce contrôle : protection de l’apiculture, des pollinisateurs, de la biodiversité mais aussi sécurité des personnes.
Un appel pour plus de ressources
«Nous aimerions beaucoup avoir une aide extérieure et des professionnels pour traquer les nids», explique Amélie Héritier, membre de la Fédération vaudoise des sociétés apicoles (FVA), qui lutte contre le frelon. Comme elle, des dizaines d’apiculteurs vaudois consacrent de nombreuses heures à la lutte contre le frelon asiatique et se disent dépassés. Le canton de Vaud enregistre la plus forte augmentation de nids détruits en 2024.
La FVA explique former des spécialistes, financer une partie de la destruction des nids et investir « beaucoup d’argent dans cette lutte ». Le Canton subventionne également certains moyens de contrôle, comme la destruction de nids, du matériel et le mandat de coordination vaudoise du professeur Cherix.
Face à la surcharge de travail des apiculteurs vaudois, le Canton de Vaud a réalisé l’été dernier quelques tests très limités avec la Protection civile. Mais pour l’instant, elle n’embauche pas de forces humaines supplémentaires : « Le cadre juridique actuel prévoit que la lutte contre le frelon asiatique relève de la responsabilité des propriétaires. Le Canton réfléchit à des mesures qui permettraient de les soutenir à l’avenir afin de soulager au maximum le travail des bénévoles.»
Ce manque de ressources humaines est loin de se limiter au canton de Vaud: plusieurs fonctionnaires cantonaux chargés de la lutte contre le frelon asiatique n’envisagent pas de pouvoir travailler efficacement contre la propagation future du frelon sans ressources supplémentaires. Et au niveau fédéral, les parlementaires augmenter le nombre d’interventions depuis 2020 afin que la Confédération prenne des mesures plus nombreuses et plus urgentes contre le frelon. Divers soutiens fédéraux existent, mais la responsabilité de la lutte incombe actuellement principalement aux cantons.
Solution technologique : et si les frelons martelaient la cantine ?
Le projet « Smart Baits », développé par la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD), pourrait faciliter la détection des nids de frelons asiatiques, en jouant sur leur gourmandise : les frelons font des allers-retours entre leur nid et leur Source de nourriture.
Les « Smart Baits », pots à appâts équipés d’antennes émettrices, contiennent une solution sucrée attirant les frelons. L’objectif est de capturer ces frelons, de les équiper d’une puce RFID qui les identifie à chaque passage dans le sweet pot, puis d’enregistrer la durée de leurs allers-retours entre le nid et l’appât, positionnés à différents endroits. Un algorithme croisera ces données pour définir une zone de localisation du nid.
La Haute Ecole espère pouvoir déployer ce système ce printemps, au fur et à mesure que les frelons asiatiques se déploient et construisent de nouveaux nids. Et d’ici là, la population peut aussi agir, en signalant tout frelon asiatique repéré – il se distingue par ses petites pattes jaunes –. sur la plateforme frelonasitatique.ch.
Sujet radio : Camille Besse
Sujet TV : Mathias Délétroz
Web adaptation: Mathias Délétroz