Un café avec… Pierre Lemonde

Il y a des gens qu’on connaît depuis des années, qu’on aime, sans se connaître grand-chose. Telle a été ma relation avec Pierre Lemonde, le président du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) qui vient d’annoncer son départ.


Publié à 1h31

Mis à jour à 5h00

Depuis plus d’une décennie, je le rencontre une dizaine de fois par an lors d’un événement organisé par l’organisation qu’il dirige et qu’il s’apprête à quitter après près de 25 ans. Tiré à quatre épingles, souriant, il a toujours un sujet de conversation sur les lèvres.

Parfait pour cette chronique, me suis-je dit. Et parfait pour aller au-delà d’une conversation autour d’un cocktail. Pourtant, je ne m’attendais pas à prendre un café avec un jumeau cosmique, fan, comme moi, du Kirghizistan et de son grand lac Issyk-Koul. «Nous devons être les deux seuls Québécois à y avoir nagé», dit-il en riant.

Originaire de la région de Québec, il a quitté ce « beau grand village » au début de sa carrière. Il abandonne ses études de droit à l’Université Laval, qu’il juge « trop ennuyeuses », pour les échanger contre des études de psychologie et de psychanalyse à Montréal et Paris.

Passionné par la notion d’inconscient collectif, il a eu quelques difficultés à convaincre les professeurs de la « chapelle freudienne » qu’il fréquentait dans la Ville Lumière. Encore une petite déception intellectuelle.

À son retour au Québec à la fin des années 1980, les négociations de libre-échange allaient bon train. « Le droit économique international était en pleine effervescence et je le trouvais intellectuellement très stimulant », dit-il aujourd’hui.

C’est également à cette époque qu’il croise la route de Louis Sabourin, professeur spécialisé en relations internationales à l’Université d’Ottawa ainsi qu’à l’École nationale d’administration publique (ENAP) et instigateur de mille et un projets, dont la création de CORIM.

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PHOTO FRANÇOIS ROY, -

Pierre Lemonde, en entretien avec notre chroniqueur

Louis Sabourin, pour moi, a été comme une révélation intellectuelle. C’est un peu le Félix Leclerc des affaires internationales.

Pierre Lemonde, président du Conseil des relations internationales de Montréal

Pierre Lemonde a été premier directeur général du CORIM de 1998 à 2002 avant d’en devenir président en 2004.

Dans le cadre de ses fonctions, il a offert une tribune à Montréal à des centaines de chefs de gouvernement, ministres, diplomates, chefs d’entreprise, créateurs et dirigeants de tous bords désireux de s’adresser au public montréalais. sur un sujet lié à l’international.

Il s’est trouvé embarrassé lorsqu’en 2021, il a reçu l’ambassadeur chinois Cong Peiwu pour la deuxième fois en moins de deux ans alors que la Chine arrêtait deux Canadiens en représailles à l’arrestation par le Canada de la femme d’affaires et fille du fondateur de l’empire Huawei, Meng Wanzhou, à la demande des États-Unis. “Je me suis expliqué à l’époque et on n’en a plus entendu parler”, a-t-il déclaré, affirmant préférer le dialogue à l’interdiction. « Nous devons toujours ouvrir la porte au dialogue et donner aux gens la possibilité de se faire une idée. C’est l’essence même d’un forum public », dit-il en buvant de l’eau minérale au chic Café Holt.

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PHOTO FRANÇOIS ROY, -

Pierre Lemonde fera ses adieux au CORIM à l’automne.

Pierre Lemonde estime également que l’approche pragmatique – plutôt qu’idéologique – de la diplomatie canadienne mise de l’avant par l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, est la bonne à l’ère de la redéfinition des relations internationales. qui est le nôtre.

« Elle en a fait l’annonce au CORIM », se souvient-il fièrement.

Des invités l’ont-ils particulièrement impressionné au fil des années ? Deux me viennent à l’esprit. Stephen Breyer, en 2017, alors qu’il était juge à la Cour suprême des États-Unis. «C’était une belle prise. Son discours était d’une profondeur incroyable », se souvient Pierre Lemonde. « Les différences qui comptent dans le monde ne sont pas raciales, nationales ou religieuses, mais celles entre ceux qui croient en l’État de droit et ceux qui n’y croient pas », avait alors déclaré l’avocat américain. Sujet de réflexion aujourd’hui.

Pierre Lemonde se souvient aussi de la visite en 2010 de Zbigniew Brzeziński, ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter, grand critique de l’Union soviétique et défenseur de l’ordre mondial fondé sur l’hégémonie américaine. « Tout le monde a été bluffé par son discours, se souvient M. Lemonde.

« J’ai toujours aimé les grands penseurs, mais ils ne sont pas toujours les plus populaires lors des conférences. Les Québécois aiment particulièrement écouter d’autres Québécois qui ont réussi», remarque-t-il, donnant comme exemple l’immense popularité de la dernière conférence de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie du gouvernement de François Legault, en novembre dernier.

Et lui, Pierre Lemonde, que pense-t-il de l’état du monde ? « Nous vivons une époque fascinante. Tout fut gelé jusqu’à la chute de l’Union Soviétique. Après cet automne, nous avons vécu une période que l’on pourrait qualifier de « mondialisation heureuse ». Pendant 30 ans, nous avons connu une croissance économique phénoménale comme nous n’en avons jamais vu dans l’histoire », dit-il, avant de souligner que cette période est révolue.

Lorsqu’on lui parle des écarts d’inégalités créés par la « mondialisation heureuse », il répond en rappelant que des centaines de millions de personnes ont pu échapper à la pauvreté. Des pays autrefois pauvres comme la Chine et l’Inde comptent désormais parmi les cinq plus grandes économies mondiales.

« Et ces puissances émergentes ne veulent plus laisser l’Occident décider de tout », constate Pierre Lemonde, en lien avec les grandes tensions mondiales actuelles et le rééquilibrage des pouvoirs. Il estime également que le G20, bien plus que le G7 et le Conseil de sécurité des Nations Unies, est aujourd’hui le véritable siège de la puissance mondiale. « Ils représentent plus de la moitié de la population mondiale et 85 % du PIB international. Si ce groupe prend une décision commune, il y a beaucoup plus de chances qu’elle soit mise en œuvre », affirme-t-il.

S’il s’est toujours intéressé à la planète, s’il en a fait plusieurs fois le tour – il a visité 144 pays à ce jour ! –, Pierre Lemonde ne regrette pas du tout d’avoir fait de Montréal sa base. Aujourd’hui encore, il est convaincu que la métropole québécoise, « malgré quelques défauts », possède de nombreux atouts pour briller sur la scène mondiale, avec sa population diversifiée provenant d’une centaine de pays, sa « culture d’élevage », la présence de plus de 70 représentants internationaux. organisations sur son territoire et son caractère francophone allié à son bilinguisme. « Il suffit de regarder notre aéroport pour constater que Montréal est de plus en plus reliée directement aux grandes villes du monde », se réjouit-il.

À l’automne, il fera ses adieux au CORIM et prendra une longue pause. “Je ne veux pas savoir ce qui s’en vient”, a-t-il déclaré.

Mon petit doigt me dit qu’il restera fidèle au nom qu’il porte si bien.

Questionnaire sans filtre

Le café et moi : Juste un café le matin.

Un événement historique auquel j’aurais aimé assister : La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. J’aurais aimé y assister pour l’incroyable souffle de liberté que nous avons ressenti ce jour-là. De plus, cet événement a conduit à la libération des pays d’Europe de l’Est du joug soviétique, jusqu’à la chute définitive de l’URSS le 26 décembre 1991.

Les personnes que j’aimerais amener à la table, mortes ou vivantes : Charles de Gaulle, Abraham Lincoln, Nelson Mandela, Malala Yousafzai et Mahatma Gandhi.

Le dernier livre que j’ai lu : Le labyrinthe des perdus par Amin Maalouf. Parfait pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Qui est Pierre Lemonde ?

  • Président du Conseil des relations internationales de Montréal depuis 2004, il vient d’annoncer son départ.
  • Né dans la région de Québec, il a étudié le droit, la psychologie et l’administration publique au Québec et en France.
  • Avant de diriger le CORIM, qui présente chaque année plus d’une trentaine de conférences sur les grands enjeux internationaux, il a travaillé au sein de la Société de droit économique international du Canada et fondé la revue Affaires économiques mondiales. Il a également été vice-président international des Manufacturiers et Exportateurs du Québec.
 
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