Pour l’ambassadeur de la RDC à Paris, « en demandant des sanctions contre le Rwanda, la entrerait dans l’histoire »

Pour l’ambassadeur de la RDC à Paris, « en demandant des sanctions contre le Rwanda, la entrerait dans l’histoire »
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Au programme de la visite officielle du président congolais Félix Tshisekedi en , les 29 et 30 avril, deux points essentiels : la fin de la guerre à l’Est et le développement économique. Sur le premier point, l’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) à Paris, Emile Ngoy Kasongo, ne cache pas, auprès de RFI, qu’il espère que le président français demandera des sanctions contre le Rwanda. Sur le deuxième point, le diplomate congolais attend beaucoup du forum économique franco-congolais organisé ce 30 avril à Bercy, à Paris, avec le patronat français (Medef).

RFI : Qu’attendez-vous de cette visite officielle du chef de l’Etat congolais à Paris ?

Émile Ngoy Kasongo : Tout d’abord, une relance à la fois de la coopération mais aussi des questions de diplomatie majeure entre le gouvernement français et celui de la République Démocratique du Congo dans un contexte marqué, comme vous le savez, par la situation difficile, la situation de guerre, d’instabilité, d’insécurité, l’est de la RDC.

Il y a un an, on s’en souvient, le président Macron, c’était à Kinshasa, avait eu des propos assez durs contre votre pays. ” Depuis 1994il a dit, vous n’avez pas réussi à restaurer la souveraineté de votre pays, ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative, c’est une réalité et il ne faut pas chercher de coupables à l’extérieur… »

Oui, et ses propos avaient provoqué la colère de l’opinion publique congolaise. Mais il faut dire qu’il faut savoir passer l’éponge dans la mesure où il y a eu tout de suite une réaction si forte de notre président, Excellence Félix-Antoine Tshisekedi qui a répondu, et nous pensons que c’est tout ça aussi qui fait un belle histoire, une belle histoire entre la France et la RDC.

En effet, Félix Tshisekedi a répondu lors de cette visite du président français à Kinshasa : « Regardez-nous différemment, en nous respectant et pas toujours avec un regard paternaliste et pas toujours avec l’idée de savoir ce qui nous est nécessaire »…

Oui bien sûr. La RDC revendique sa maturité dans tous les domaines : politique, diplomatique et son soutien existentiel.

Tout cela concernait évidemment la situation militaire dans l’est de votre pays. Que reprochez-vous aujourd’hui aux pays occidentaux, et notamment à la France ?

Le silence coupable de la communauté internationale, car la cause majeure n’est pas une guerre des religions et une guerre des idéologies, une guerre des valeurs, mais c’est une guerre de pillage des ressources naturelles.

Vous parlez donc de pillage et il y a quelques jours, vous avez mis en demeure Apple parce que vous l’accusez d’utiliser des minerais provenant de mines congolaises exploitées illégalement par le Rwanda…

Oui, c’est ce que nous appelons des minerais de sang. Minéraux du sang, minéraux de fraude. Et pour cela, je pense que nous avons aussi en ligne de mire ici aussi l’accord que vous connaissez, le mémorandum d’accord entre l’Union européenne et le Rwanda et pour lequel nous exigeons jusqu’à aujourd’hui qu’il y ait traçabilité et transparence. Une chaîne de valeur ne doit pas partir du milieu, elle doit partir de l’origine, c’est-à-dire de la production. Nous ne pouvons pas démarrer une chaîne de valeur principalement au point d’approvisionnement, mais nous devons également examiner le point de production.

La société Apple répond qu’à sa connaissance, il n’existe aucun minerai extrait illégalement. Elle fait référence à la certification iTSCi selon laquelle il n’y aurait pas de contrebande au profit du Rwanda…

Tout cela reste à vérifier. Mais pour notre part, nous considérons que le Rwanda, jusqu’à preuve du contraire, ne dispose pas de cartes minières prouvant véritablement que ces minerais ont été exploités au Rwanda.

Cette mise en demeure auprès de la justice française, quelques jours avant l’arrivée du président Tshisekedi en France, n’est-elle pas une coïncidence ?

Bien sûr, puisque vous vous en souvenez déjà, il y avait des milliers de jeunes Congolais ici en France, en Belgique, à Londres et même aux Etats-Unis qui sont allés s’asseoir devant les marques de cette multinationale pour dénoncer cette pratique. dans cette affaire qui favorise justement l’exploitation illégale de ce type de minéraux stratégiques.

Qu’attend le président Tshisekedi du président Macron ? Appelez-vous à des sanctions internationales contre le Rwanda ?

Il est évident que la Société des Nations est aujourd’hui organisée sur la base du droit international. Lorsque le droit international est violé, que faisons-nous ? Avec la , la comparaison n’est pas juste, mais on regarde parfois entre intellectuels. J’étais à la Sorbonne lors d’une conférence, des étudiants en relations internationales ont constaté que la situation en RDC était pratiquement parallèle à la situation entre la Russie et l’Ukraine. C’est une violation, une agression…

Et vous venez d’autoriser l’Ukraine à installer une ambassade à Kinshasa…

Nous sommes un pays indépendant, démocratique et souverain. Nous entretenons des relations diverses à travers le monde et c’est la caractéristique de tous les pays. Et donc, nous sommes en droit de demander des sanctions, car lorsqu’il y a violation du droit international, il n’y a rien d’autre. Lorsque la Russie est entrée en Ukraine, nous avons d’abord entendu ici et là des condamnations, des demandes de retrait, nous ne nous sommes pas arrêtés là et nous avons finalement exigé des sanctions. Des sanctions, pourquoi ? Car l’intégrité territoriale, la souveraineté, l’indépendance de chaque État du monde sont régies par les règles du droit international.

Alors vous aimeriez que le président français prononce le mot sanctions contre le Rwanda ?

Je pense que cela rendrait justice, cela marquerait aussi l’histoire.

La semaine dernière, les présidents français Emmanuel Macron et rwandais Paul Kagame se sont entretenus au téléphone et selon l’Élysée, Emmanuel Macron en a profité pour insister sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale de votre pays. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Nous pensons que c’est nécessaire… Nous sommes des humains, nous sommes des hommes, et aujourd’hui il y a la France qui se parle avec l’Allemagne : tout est oublié parce qu’ils ont su se parler, ils sont parvenus à se parler, mais pour se parler, il faut le faire dans le respect des règles du droit, de la justice. En fin de compte, nous devons également obtenir des réparations.

Emmanuel Macron s’est également entretenu récemment avec le président angolais Joao Lourenço. Peut-on imaginer le président français faire la médiation entre vos deux pays, le Congo et le Rwanda ?

La France a les atouts et la France doit utiliser ces atouts.

Le grand jour sera avec le déjeuner de travail entre MM. Macron et Tshisekedi puis le forum économique de Bercy. Ce forum avec le patronat français notamment avec le Medef, qu’en attendez-vous ?

Nous attendons beaucoup. Nous pensons que la RDC, avec son potentiel, est aujourd’hui en train de diversifier son économie. Je ne prends que le secteur agroalimentaire où la France est championne mondiale.

Pourquoi l’agroalimentaire ? Parce que vous êtes très loin de l’autosuffisance alimentaire ?

Très loin de l’autosuffisance alimentaire. Notre autosuffisance alimentaire est aujourd’hui couverte à 60% par les importations. Ainsi, comme vous l’avez dit, nous disposons de terres arables, soit plus de quatre millions d’hectares de terres arables.

Vous avez donc du potentiel…

Nous avons un potentiel important, mais il faut maintenant le mettre en jachère, et pour cela, nous avons aussi besoin de l’expérience de ceux qui maîtrisent ces secteurs. Vous savez, pour le Chef de l’Etat aujourd’hui, la RDC a fonctionné très longtemps en s’appuyant sur les minéraux et le sol doit désormais se venger du sous-sol. C’est le leitmotiv du président de la République Félix Antoine Tshisekedi.

 
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