Pourquoi Netanyahu a perdu la guerre face au Hamas

CONTREsa lecture des événements est partagée par un grand nombre de chefs d’État, d’analystes, d’observateurs et de politologues et autres spécialistes des conflits armés. Comme nous l’avons vu, le président russe Vladimir Poutine l’a déclaré sans détour, affirmant que cette guerre avait renforcé le poids et la légitimité du Hamas. Tout comme les responsables chinois et indiens qui ont eux aussi souligné l’échec de la vision du Premier ministre israélien face à son ennemi intime le Hamas. Cette dernière qui a suscité une énorme sympathie non seulement parmi les populations palestiniennes, dans le monde arabe, en Afrique et ailleurs, mais aussi au sein de la communauté internationale. Aujourd’hui, il est obligé de reconnaître que c’est en fin de compte le Hamas qui peut défendre le peuple palestinien contre les attaques et les agressions de l’armée israélienne.

Au niveau des relations stratégiques et des approches géopolitiques, la majorité des spécialistes affirment qu’Israël a perdu sa guerre contre le Hamas. Pire encore, cela l’a rendu plus fort, plus populaire et plus expérimenté. Pour Sébastien Boussois, spécialiste du Moyen-Orient, auteur de « Gaza : l’impasse historique » : « Le Hamas est un grand gagnant, d’autant que la résistance fait partie de sa génétique. Aussi affaibli soit-il aujourd’hui, le mouvement reste une fois de plus en position de force. Il peut se vanter d’avoir gagné devant la cinquième armée mondiale. Ses demandes, à chaque fois qu’il y avait une trêve, furent finalement acceptées. En revanche, en ce qui concerne l’État d’Israël, l’impact est plus important et converge vers une perte de cette guerre : « Clairement, Israël a tout perdu », précise l’analyste. Comme l’a dit un ancien chef des renseignements israéliens, Israël gagne parfois des batailles, mais ne gagne jamais la guerre. À Gaza, une armée conventionnelle, non adaptée à la guérilla, peut difficilement prendre le dessus. Ni la guerre de 2008, ni celle de 2012, ni celle de 2014 ne peuvent être considérées comme des succès militaires pour Israël. La population israélienne commence également à le comprendre.

En ce sens, la popularité du Premier ministre israélien est au plus bas et une partie de la rue israélienne se dit l’otage des décisions du gouvernement Netanyahu. Cela a précipité l’État juif dans une guerre qui semble durable et contreproductive, à tous les niveaux, puisque le Hamas n’a été ni vaincu ni affaibli. Pire, ces attaques et agressions n’ont touché que des civils, causant plus de 35 000 morts, avec pas moins de 14 000 enfants massacrés. C’est ce qui fait dire Nitzan Perelman, spécialiste de la société israélienne : « Les représentants politiques israéliens disent que le pays est en train de gagner la guerre. Mais en réalité, de nombreux travaux universitaires et journalistiques montrent qu’aujourd’hui Israël est encore loin de la victoire. Le gouvernement a annoncé qu’il poursuivait deux objectifs : libérer les otages et détruire le Hamas. Jusqu’à présent, seuls trois otages ont été libérés grâce à une opération militaire. La majorité des libérations n’ont été possibles que grâce à des négociations. C’est une défaite flagrante pour Benjamin Netanyahu. Pire : « le gouvernement poursuit un troisième objectif : recoloniser Gaza. Ce projet émane de la droite religieuse sioniste ainsi que de plusieurs membres du Likoud. En 2005, le gouvernement d’Ariel Sharon a lancé un plan de désengagement de Gaza et de quatre communautés du nord de la Cisjordanie. En mars 2023, le gouvernement actuel a annulé cette loi. Depuis le 7 octobre, une partie importante du gouvernement continue de manifester sa volonté de rétablir les colonies à Gaza. Les membres du gouvernement et leurs partisans politiques militent donc pour une « émigration » des Gazaouis, afin de pouvoir se réinstaller dans cette enclave. Une politique qui doit aboutir à vider le territoire de Gaza de ses populations. Un objectif à la fois irrationnel et irréalisable, à moins que Tel-Aviv n’opte ouvertement pour une déportation forcée des Palestiniens. Ce qui constitue, une fois de plus, une nouvelle défaite pour Israël et une condamnation internationale, puisque l’État juif rejoue l’Histoire et fait aux populations palestiniennes ce qu’Hitler a fait aux Juifs d’Europe. C’est aussi ce qui fait dire à Mkhaimar Abusada, professeur agrégé de sciences politiques à l’université Al-Azhar de Gaza, que « le Hamas est sans doute beaucoup plus populaire qu’au début du mois de juillet. Il était affaibli, contesté, politiquement isolé, mais aujourd’hui, tout le monde se range derrière lui. Il est revenu sur le devant de la scène, non seulement dans la bande de Gaza, mais aussi dans la région. Sans oublier l’impact moral sur les populations palestiniennes qu’Israël a voulu détourner du Hamas. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des Palestiniens se range derrière le Hamas, qui représente pour eux la seule force capable de résister aux attaques de Tsahal : « Selon la presse israélienne, Israël a perdu », explique Dominique Vidal, journaliste. et historien spécialisé dans le conflit israélo-palestinien. Cette troisième guerre contre Gaza n’a pas réussi à mettre à genoux la résistance palestinienne. Rompant la trêve à plusieurs reprises, le Hamas a obtenu un certain nombre de concessions importantes… ».

En fait, Benjamin Netanyahu a déjà perdu la bataille la plus importante : celle de l’opinion publique. Selon un sondage publié par le Jerusalem Post, 54 % des Israéliens estiment avoir perdu la guerre et la cote de popularité du Premier ministre, qui était de 82 % lors de l’invasion terrestre de Gaza, est tombée à 32 %. Pendant ce temps, le conflit s’enlise, causant de plus en plus de morts, chaque victime perdant une voix pour la paix.

 
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