Pendant le Ramadan, une armée de bénévoles cuisine et distribue chaque jour 1 200 repas gratuits aux membres de la communauté musulmane dans un restaurant de Montréal.
Publié à 1h27
Mis à jour à 5h00
Pendant un mois chaque année, Meryem Zemouri ne dort pas chez elle. La mère dort plutôt dans un petit appartement, à deux pas du restaurant de son mari, rue Jean-Talon Est.
En effet, la tâche qui l’attend exige qu’elle s’y rende plusieurs fois par jour. Tôt, dès 7h, puis très tard dans la journée, à 22h30, parfois jusqu’à 3h du matin
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Depuis quatre ans, Meryem Zemouri réquisitionne le restaurant de son mari pendant un mois, pendant le ramadan, pour distribuer des centaines de repas gratuits aux membres de la communauté musulmane de Montréal.
Elle voit ses enfants quand ils rentrent à la maison à l’heure du souper. Si vivre loin d’eux lui pèse, rien ne semble avoir d’importance. Durant ce mois, ils savent qu’elle « abandonne tout ».
Ce mois-ci, c’est le Ramadan.
Plus de deux milliards de musulmans dans le monde observent un jeûne intermittent, du lever au coucher du soleil, pour commémorer la révélation du Coran reçue par le prophète Mahomet.
La mission que se sont données Meryem Zemouri et une armée de bénévoles, à Montréal, chaque jour de ce mois sacré qui se déroule cette année du 10 mars au 9 avril : nourrir le plus grand nombre possible.
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Rue Jean-Talon Est, on devine vite l’emplacement du restaurant Le Goût du Bled en voyant la file d’attente s’étirer devant l’établissement.
C’est pourquoi elle cuisine chaque jour pendant un mois 1 200 repas gratuits qui sont distribués au restaurant de son mari, Le Goût du Bled, au Petit Maghreb.
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Chaque jour pendant le Ramadan, la file de clients s’étire devant Le Goût du Bled, rue Jean-Talon Est, à tel point qu’il faut des bénévoles à l’extérieur pour coordonner la distribution.
« Le mois de Ramadan est pour moi »
Déjà impliquée dans la confection de paniers de Noël pour les plus démunis, cette femme d’affaires qui exploite des garderies à Verdun explique avoir eu l’idée de cette distribution à grande échelle lorsque son mari souhaitait ouvrir un restaurant.
« Je lui ai dit : le mois de Ramadan est pour moi. On s’oublie, on ne travaille pas. Depuis que je suis jeune, j’ai toujours rêvé de nourrir les personnes dans le besoin pendant ce mois sacré. »
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Pendant un mois, 1 200 repas gratuits sont distribués chaque jour au restaurant Le Goût du Bled, dans le Petit Maghreb, à Montréal.
Étudiants, célibataires ou personnes pauvres : la file d’attente s’étire chaque soir devant le commerce de la rue Jean-Talon Est, où il est difficile de compter les clients satisfaits tant ils semblent nombreux, jusqu’à l’abribus , sacs en papier brun faits à la main.
A l’intérieur, un menu typiquement algérien, pays d’origine de Meryem Zemouri, où le Ramadan est un événement social.
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Boureks, petits rouleaux de pâte feuilletée à la viande et au fromage
Ce jour-là, en entrée, c’était la chorba, une soupe algérienne à la viande et aux pois chiches. Pour le repas, des tajines sont proposés aux clients accompagnés d’une salade. Le tout agrémenté d’un bourek, un rouleau de pâte feuilletée à la viande et au fromage, plat incontournable du Ramadan.
Une tâche titanesque
De 250 à 500 repas par jour, la distribution au Goût du Bled s’est rapidement développée au fil des années, grâce aux donateurs communautaires.
« Nous n’avons aucune aide des associations, de l’État ou quoi que ce soit. C’est entre nous, musulmans, qu’on s’entraide, explique Meryem Zemouri. Il y en a qui amènent de la viande, d’autres font des transferts et avec ça, on achète les emballages. Les fournisseurs nous donnent, les magasins aussi. »
Mais la tâche est titanesque. Heureusement, Meryem Zemouri peut compter sur de nombreux bénévoles qui animent chaque jour le restaurant telle une fourmilière.
Maria Amokrane, qui se présente comme une influenceuse de la communauté algérienne au Canada, fait partie de ces bénévoles. Venue pour la première fois rencontrer certains de ses abonnés devant Le Goût du Bled, elle a vite été happée par l’ambiance bon enfant et bouillonnante qui règne dans ce commerce bondé.
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Maria Amokrane participe à la distribution des plats au Goût du Bled.
Même si elle a du mal à travailler et étudier en jeûnant toute la journée, « être ici fait passer le temps plus vite ». « Nous sommes à 7 700 kilomètres de l’Algérie et ça fait bizarre de faire le Ramadan loin de la famille, mais ici, nous sommes comme une grande famille », confie-t-elle.
De la détresse
Car le Ramadan, c’est aussi l’occasion de se retrouver en famille, confirme Nassim Andjouh, rencontré devant Le Goût du Bled. “En Algérie, le Ramadan est partout, c’est vraiment différent des autres jours”, ajoute-t-il.
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Nassim Andjouh
À l’heure où les banques alimentaires sont débordées – l’une d’entre elles a même demandé la présence de la police le mois dernier dans le quartier Parc-Extension, car des bousculades se sont produites lors d’une distribution alimentaire –, Meryem Zemouri confirme la demande insatiable de ses repas gratuits.
« Je vous le dis : on fait 1 200 repas et il y a toujours des gens qui viennent et à qui il faut dire qu’il n’en reste plus. C’est difficile, les gens ne trouvent pas de travail, pas de logement », dit-elle.
Une impression confirmée par la file d’attente qui s’étire, comme chaque soir du Ramadan, devant Le Goût du Bled.
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