News Day FR

Comment le Blitz continue-t-il de sauver des vies au Royaume-Uni ?

Londres – Une étude suggère que les Britanniques nés avant 1953 sont en meilleure santé… grâce à la Luftwaffe.

Ces derniers jours à l’Assemblée nationale, les députés se sont affrontés sur la nécessité ou non de taxer davantage le sucre, en créant une taxe sur les aliments transformés contenant du sucre ajouté ou en modifiant la taxe existante sur les boissons sucrées. La question divise notamment le gouvernement, la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq y étant favorable, tandis que la ministre de l’Agriculture Annie Genevard s’y oppose.

Une nouvelle étude publiée par des chercheurs américains dans la revue Science La date du 31 octobre pourrait donner matière à réflexion aux partisans d’une taxation du sucre. Les auteurs de l’article ont voulu se concentrer sur les effets à long terme sur la santé de l’exposition au sucre in utero et pendant les 1 000 premiers jours de la vie.

Problème : il semble éthiquement et matériellement difficile de mener un essai randomisé consistant à priver des enfants de sucre au début de leur vie puis à les suivre pendant des décennies. Des chercheurs américains ont donc décidé de remonter le temps jusqu’aux années 1950.

Les seniors britanniques peuvent dire merci au rationnement

Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays européens, dont le Royaume-Uni, furent soumis à un rationnement des denrées alimentaires (mais aussi de l’essence, des vêtements, du savon, etc.). Ce rationnement, qui concernait notamment le sucre, ne fut levé qu’en septembre 1953 chez nos voisins d’outre-Manche. Ainsi, les Britanniques de plus de 71 ans auraient été très peu exposés au sucre durant leur petite enfance.

À partir de là, les chercheurs américains ont utilisé les données de la UK Biobank, une vaste base de données médicale qui suit plus de 500 000 volontaires britanniques. Parmi eux, 60 000 sont nés entre octobre 1951 et mars 1956, soit environ entre 1 000 jours avant et 1 000 jours après la fin du rationnement.

Les épidémiologistes ont donc pu constituer deux groupes d’individus : ceux qui ont été très peu exposés au sucre in utero et durant leur petite enfance du fait du rationnement et ceux qui en ont consommé normalement (on sait que la consommation de sucre a explosé dès la fin du rationnement).

La période étudiée étant relativement courte, les auteurs de ces travaux avancent l’hypothèse (discutable) selon laquelle les deux groupes auraient été soumis à un environnement relativement similaire et que l’exposition au sucre durant la petite enfance serait la seule variable différenciante.

Les chercheurs ont pu constater, comme ils s’y attendaient, que les individus soumis à un rationnement en sucre étaient en relativement meilleure santé que les autres. Ils ont donc un risque de développer un diabète de type 2 réduit de 35 % et d’être hypertendu de 20 %. En moyenne, les individus rationnés ont développé un diabète de type 2 quatre ans de plus que les sujets non rationnés et une hypertension deux ans de plus que les autres.

Péter sous les bombes

« Le rationnement du sucre seul in utero semble protecteur, mais l’essentiel de la réduction du risque est observé lorsque le rationnement se poursuit au-delà de l’âge de 6 mois. » écrivent les auteurs. Selon eux, le but de l’étude n’est évidemment pas de prôner un rationnement du sucre (quoique) mais de montrer l’importance de l’alimentation durant les premières années de la vie et les bénéfices à long terme d’une alimentation variée.

S’il peut être surprenant que le rationnement continue d’avoir des conséquences plus de 70 ans plus tard, les effets bénéfiques de ces mesures étaient déjà bien connus. La plupart des historiens s’accordent sur le fait que le rationnement a contribué à améliorer la santé des Britanniques, notamment les plus pauvres, en leur offrant une alimentation plus variée et moins grasse.

Pendant la guerre, la mortalité infantile a diminué et l’espérance de vie (une fois exclues les morts violentes dues à la guerre) a augmenté. Les Britanniques ne s’y sont pas trompés, les trois quarts d’entre eux se déclarant satisfaits du rationnement en 1944.

Le gouvernement britannique de l’époque était également bien conscient que le rationnement n’était pas dangereux pour la santé des sujets de Sa Majesté. En 1939, peu avant l’introduction du rationnement, deux chercheurs de l’Université de Cambridge ont mené une étude consistant à se soumettre au rationnement.

Ils ont conclu que le rationnement n’avait aucune conséquence négative sur leur santé, bien qu’il ait quelques effets secondaires : remarquable » augmentation des flatulences et augmentation de 250 % de la quantité d’excréments produits. Voici donc un fait que la glorieuse histoire de la résistance britannique au Blitz, la campagne de bombardements allemands, a préféré omettre : sous les bombes allemandes, les courageux Britanniques n’arrêtaient pas de péter.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :