Mis à disposition en septembre 2023, le nirsevimab, un anticorps ciblant le virus respiratoire syncytial (VRS), est indiqué chez les nouveau-nés et les nourrissons pour la prévention de la bronchiolite. Sa large distribution est susceptible de conduire à des mutations de résistance. Publié dans le Maladie infectieuse du Lancet ce 14 octobre, l’étude française POLYRES le suivi prospectif du nirsevimab montre qu’à ce stade, ceux-ci sont très rares [1].
« La faible prévalence des mutations de résistance au nirsevimab chez les patients traités est rassurante. Cependant, quelques RSV-B provenant de patients traités analysés à ce jour ont présenté des mutations d’échappement, ce qui appelle à la prudence et souligne l’importance d’une surveillance moléculaire active dans le contexte d’une utilisation future du nirsevimab. à l’échelle mondiale », a commenté le Pr Slim Fouratichef de l’unité de virologie, CHU Henri Mondor, Inserm U955 et premier auteur de l’article, dans un communiqué de l’ANRS [2].
Risque théorique d’émergence de variants du RSV
La saison 2023/2024 a été marquée par la première campagne de vaccination préventive contre le virus respiratoire syncytial (VRS) avec l’anticorps monoclonal nirsevimab (Beyfortus®) qui a montré son impact positif sur la prévention de la bronchiolite du nourrisson.
Cet anticorps monoclonal cible un épitope spécifique sur une protéine située à la surface du RSV impliquée dans la multiplication virale, la protéine de fusion F, et bloque ainsi le virus. Le RSV étant un virus variable, il existe un risque théorique d’émergence de variants du RSV porteurs de mutations de résistance à la neutralisation par le nirsevimab, même en l’absence de pression de sélection par l’anticorps.
Étude observationnelle et multicentrique
Au cours des essais cliniques de phase IIb/III, seuls 48 VRS ayant infecté des enfants traités par nirsevimab ont pu être étudiés, et des mutations d’échappement ont été trouvées chez deux d’entre eux.
Mais le risque pourrait augmenter avec l’utilisation préventive généralisée du nirsevimab, désormais accessible à tous les nourrissons.
D’où le développement de l’étude POLYRES, qui visait à évaluer le risque d’échappement virologique du nirsevimab sur un échantillon plus large grâce à une étude observationnelle multicentrique à grande échelle se déroulant en vie réelle au cours de la saison hivernale 2023-2024.
« Cette étude est la plus importante concernant les analyses virologiques des échecs du nirsevimab à ce jour. Cela a été possible grâce à un travail synergique et collaboratif avec le consortium des virologues de l’ANRS MIE, et constitue un projet d’envergure nationale qui permet d’identifier les phénomènes de résistance liés à la diffusion du médicament. Ce type d’étude est essentiel pour analyser la dynamique d’évolution des virus, à la lumière des solutions médicales existantes, considérées comme les Pré Marie-Anne Rameix-Weltichef du Centre national de référence des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur, et chef de l’unité M3P (Institut Pasteur, Inserm U1173), et dernier auteur de l’article, dans un communiqué de l’ANRS [2].
L’étude a porté sur 695 nourrissons infectés par le RSV, dont 349 ont reçu une prophylaxie au nirsevimab. Le RSV-A était majoritaire cette saison et a été retrouvé chez 86,6 % des enfants infectés. Les équipes ont analysé les caractéristiques du RSV-A et du RSV-B présents dans des prélèvements nasopharyngés effectués dans le cadre des soins habituels des enfants.
La séquence complète du génome viral a été déterminée pour rechercher notamment des mutations au niveau du site de liaison du nirsevimab (analyse génotypique).
La capacité du nirsevimab à inhiber la multiplication des virus en culture cellulaire a également été étudiée (analyse phénotypique).
L’analyse de 472 patients RSV-A (dont la moitié étaient issus d’enfants traités) n’a révélé aucune mutation de résistance au nirsevimab dans le site de l’épitope de la protéine F.
Parmi les 73 enfants infectés par le RSV-B, 24 avaient reçu du nirsevimab à titre prophylactique. Chez ces 24 enfants, deux isolats de RSV-B présentaient des mutations de résistance à l’anticorps, l’une déjà connue, l’autre inconnue et décrite pour la première fois. Pour les auteurs, « les résultats de l’étude POLYRES soutiennent la poursuite de l’utilisation du nirsevimab en prophylaxie pour tous les nouveau-nés dans le monde » [1] .
Ce travail a été financé par l’ANRS Maladies Infectieuses Émergentes et le Ministère de la Santé français.
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