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Les chercheurs ont développé un composé qui sert de « colle moléculaire » à deux protéines qui, une fois combinées, activent le processus naturel d’autodestruction (ou apoptose) des cellules cancéreuses. Cette stratégie se démarque des autres thérapies cellulaires tant par sa grande spécificité que par sa capacité à activer un processus moléculaire désactivé par le cancer. Le composé a montré des résultats prometteurs dans des essais sur des cellules diffuses de lymphome à grandes cellules B..
Chaque jour, notre corps élimine environ 60 milliards de cellules grâce à un processus de mort cellulaire programmée, appelé apoptose. Ce mécanisme est essentiel au renouvellement naturel des cellules (notamment celles du sang et des intestins) et joue un rôle clé dans de nombreux processus biologiques, comme le fonctionnement des organes et la régulation du système immunitaire. Il est très sélectif, détruisant uniquement les cellules non essentielles, tout en conservant celles qui reconnaissent les agents pathogènes, évitant ainsi les maladies auto-immunes.
L’apoptose a suscité un intérêt considérable dans les thérapies anticancéreuses en raison de cette spécificité. En effet, les traitements traditionnels, comme la chimiothérapie et la radiothérapie, s’attaquent aussi bien aux cellules saines qu’aux cellules cancéreuses, les rendant très toxiques. L’équipe de l’université de Stanford propose une stratégie innovante exploitant la spécificité de l’apoptose pour cibler exclusivement les cellules cancéreuses.
« C’était la voie que nous voulions emprunter pour traiter le cancer », explique Gérald Crabtree, co-auteur principal de l’étude publiée dans la revue Sciencedans un article du blog Stanford Medicine. ” Nous souhaitons reproduire cette spécificité qui élimine 60 milliards de cellules sans dommage collatéral, en garantissant qu’aucune cellule ne soit détruite si elle n’est pas la cible appropriée. », ajoute-t-il.
Une approche contrastant avec les thérapies cellulaires traditionnelles
Pour exploiter l’apoptose et tuer les cellules cancéreuses, les chercheurs ont conçu un inducteur chimique de proximité (CIP) à petite molécule. Cette dernière agit comme une colle moléculaire, permettant de rapprocher et d’associer deux molécules qui, normalement, ne se lieraient pas. L’hypothèse avancée par l’équipe est que le CIP pourrait transformer les inhibiteurs de kinases en activateurs d’états transcriptionnels épigénétiquement silencieux. Autrement dit, il s’agit d’activer une voie moléculaire normalement désactivée dans les cellules cancéreuses, contrairement aux approches précédentes qui visaient à désactiver des facteurs oncogènes spécifiques.
« Depuis la découverte des oncogènes, les chercheurs tentent de les neutraliser dans le cancer », souligne Roman Sarott de Stanford Medicine, également co-auteur de l’étude. ” Nous essayons plutôt de les utiliser pour activer des signaux potentiellement bénéfiques pour le traitement. ».
Un CIP a été développé pour relier la protéine BCL6 à la protéine kinase CDK9. BCL6, protéine oncogène, est impliquée dans 40 à 60 % des cas de lymphome diffus à grandes cellules B, souvent par mutation, surexpression ou dérégulation. La mutation de BCL6 désactive l’apoptose des cellules cancéreuses en se liant aux gènes responsables du processus, permettant ainsi la prolifération tumorale. CDK9, quant à lui, active ces gènes. CIP combine ces deux molécules et les guide vers des gènes cibles. ” Vous utilisez un élément essentiel de la survie au cancer pour inverser la situation et la détruire », explique Nathanael Gray, participant à l’étude.
Une efficacité multipliée par cent par rapport aux thérapies précédentes
Des analyses sur des cellules humaines diffuses de lymphome à grandes cellules B ont été réalisées pour identifier les complexes CKD9-CIP-BCL6 les plus performants. Le composé a été testé sur 859 types de cellules cancéreuses, démontrant une élimination efficace des cellules malignes. Les complexes les plus efficaces ont montré une efficacité 100 fois supérieure à celle des composés ciblant uniquement CDK9 ou BCL6, à des concentrations subnanomolaires.
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Les tests sur des souris saines n’ont révélé aucun effet secondaire majeur. Cependant, le composé a également affecté les cellules B saines, ces cellules immunitaires étant également régulées par BCL6. Le composé s’est avéré 200 fois moins toxique pour les cellules B saines que pour les cellules cancéreuses.
Étant donné que BCL6 régule 13 gènes impliqués dans l’apoptose, les experts pensent que cette thérapie pourrait être efficace contre les cancers résistants aux traitements. Les cellules tumorales développent rapidement une tolérance aux thérapies ciblant un seul facteur oncogène. Certains stoppent la croissance tumorale sans éliminer complètement les cellules cancéreuses. L’équipe estime qu’en ciblant plusieurs voies apoptotiques, la tumeur ne survivrait pas assez longtemps pour développer une résistance, même si cette hypothèse doit encore être testée.
La prochaine étape consiste à tester le composé sur des modèles murins de lymphome diffus à grandes cellules B, afin de collecter des données précliniques pour de futurs essais cliniques. Les chercheurs envisagent également d’explorer d’autres molécules similaires ciblant d’autres protéines oncogènes, comme Ras, impliquée dans plusieurs formes de cancer.
Source : Sciences
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