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« Nous étudions en Méditerranée ce que nous avons étudié en Afrique, en Asie et en Amérique latine »

Dengue, chikungunya, maladie de Lyme, fièvre catarrhale, virus des plantes… comment le changement climatique, l’urbanisation, la pollution et la mondialisation façonnent-ils une planète confrontée à de nouveaux problèmes de santé humaine, animale et environnementale ? Les enjeux sont au cœur de la Cop 16, la conférence sur le climat qui s’ouvre ce lundi à Cali, en Colombie. La semaine dernière, le congrès international « One Health en action », organisé à Montpellier du 14 au 17 octobre, sous la responsabilité de Claire Garros, entomologiste, rappelait déjà l’urgence d’agir alors qu’un épisode inédit dans les Cévennes frappait la région avant un week-end d’été. .

Quatre cas autochtones de dengue, des dizaines de cas importés, un cas de chikungunya… “On sait que ça peut venir d’Occitanie”ont annoncé cet été des scientifiques d’organismes de recherche travaillant sur l’étude des moustiques.

“Que”il s’agit d’une épidémie à grande échelle liée à des maladies transmises par les moustiques. « Ce que nous étudiions autrefois en Afrique, en Asie du Sud-Est, en Amérique Latine, avec l’Université de Montpellier, l’IRD, le Cirad, nous l’étudions aujourd’hui en Méditerranée »explique Claire Garros, co-organisatrice du congrès E-Sove (European Society for Vector Ecology), elle-même chercheuse au Cirad et spécialiste des culicoides.

Claire Garros, entomologiste, est spécialiste des culicoïdes, moucherons porteurs de maladies.
Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

« En Occitanie, nous sommes un peu un laboratoire du changement climatique et, peut-être, des maladies émergentes. Dengue, chikungunya, West Nile… tout cela se produit aussi ici. Le sud de la , et en particulier la région Occitanie, est vulnérable en raison des changements mondiaux et notamment climatiques en cours, nous aurons un jour des foyers épidémiques avec des centaines de cas de personnes infectées. L’histoire s’écrit en ce moment. ajoute Didier Fontenille, directeur de recherche émérite à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), qui “J’ai travaillé vingt-deux ans à l’étranger, dans des pays tropicaux.”

Didier Fontenille, chercheur montpelliérain spécialiste des moustiques.
Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

Le congrès se tient au moment où un épisode cévenol d’une ampleur sans précédent frappe la région. Il sera suivi d’un week-end inhabituellement estival.

Didier Fontenille : « Anticiper pour ne pas souffrir »

Comme Fabrice Chandre, directeur de recherche à l’IRD, spécialiste du contrôle des populations de moustiques et des mécanismes de résistance aux insecticides, Didier Fontenille espère que “dire des faits scientifiques” permettra « anticiper pour ne pas souffrir ».

Le moustique tigre, le désormais incontournable Aedes Albopictus, mais aussi le moustique commun, le Culex pipiens, qui transmet notamment le virus de l’encéphalite japonaise, le virus du Nil occidental, Usutu… et le moustique des marais, « chassé » chaque année par l’EID, historique opérateur de démoustication en Occitanie, sont présents sur notre territoire.

Le moustique des marais “pourrait transmettre des maladies”, ce n’est pas le cas aujourd’hui, rassurent les chercheurs, qui évoquent tous les enjeux liés à la lutte, et ils ne sont pas seulement sanitaires.

« J’ai vécu l’épidémie de chikungunya à la Réunion en 2005, j’étais seule dans mon hôtel. Il n’y avait plus un seul touriste là-bas. » se souvient Didier Fontenille. Est-ce possible ici ? « Ce n’est pas de la fiction, l’Italie documente une épidémie de dengue et Paca a documenté cinq épisodes de dengue autochtone cette année. Cela aurait pu se produire à Palavas.

Essence d’eucalyptus et bactéries contre les moustiques

Pour être en adéquation avec les contraintes environnementales, « il faut essayer de se libérer des insecticides chimiques »insiste Didier Fontenille, qui cite deux problèmes évidents : les phénomènes de résistance et la pollution.

Fabrice Chandre s’intéresse aux nouveaux outils de lutte contre les moustiques.
Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

Fabrice Chandre, qui coordonne la Vectopole Sud, où collaborent huit unités de recherche et plus de 500 scientifiques, réitère donc l’intérêt des gestes citoyens, vider ses gobelets d’eau et tous les « viviers de larves ». Le conseil revient chaque été. “Mais cela ne s’applique pas, ni entre individus ni dans l’espace public, il faut marteler les messages.”

Le lâcher d’insectes stériles (pour le moustique tigre, via des drones) et l’utilisation de nouveaux insecticides sont à l’étude. La première voie est la plus avancée : une start-up, soutenue par la Région, a été créée, les tests ont démarré.

“Nous testons l’intérêt d’un extrait d’eucalyptus et l’utilisation de bactéries qui parasitent la reproduction des moustiques et empêchent la transmission du virus”annonce également Fabrice Chandre.

En Indonésie, les cas de dengue ont diminué de 80 % dans la zone expérimentale.

Rapport ANRS/MIE : des moustiques mais pas que

RECHERCHE Dans son rapport d’activité publié en septembre 2024, l’ANRS MIE (Agence nationale de recherche sur le Sida/Maladies infectieuses émergentes) dresse le bilan des recherches en cours sur ces maladies infectieuses émergentes qui résultent, « pour l’essentiel, d’une transmission d’hôtes animaux à des hôtes humains. » Covid-19, Ebola, fièvre de Lassa, virus du Nil occidental, Usutu, dengue, les pathologies sont plus ou moins connues du grand public. NipahW, « un virus dont le réservoir connu est la chauve-souris décrite pour la première fois en 1999 » en Asie, a ainsi été classé par l’OMS « parmi les huit principaux pathogènes émergents susceptibles de provoquer des épidémies majeures dans le futur ». La maladie peut être asymptomatique ou provoquer une encéphalite mortelle et des infections respiratoires aiguës ; il tue 40 à 75 % des personnes infectées. Un vaccin est en cours de développement.

 
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