Alors que l’épidémie de grippe s’intensifie, les professionnels de santé rappellent que les bébés, dont le système immunitaire est fragile, nécessitent une vigilance particulière. Mais jusqu’où faut-il aller en matière de protection ? Un pédiatre nous éclaire.
Face à l’ampleur de l’épidémie de grippe cette année en France, les jeunes parents se retrouvent face à un dilemme : comment protéger leur bébé sans tomber dans la paranoïa ? En effet, nos nourrissons à la peau douce et aux joues rebondies restent des cibles faciles pour les virus qui rôdent en hiver. Alors que les gestes barrières sont devenus le mot d’ordre depuis la pandémie de Covid-19, une question inévitable se pose : en période de contagion, faut-il interdire à ses proches d’embrasser la chair de sa chair ? Quels sont les risques réels et comment s’adapter aux recommandations de prévention ?
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Un risque infectieux important
Selon le Dr Arnault Pfersdorff, réanimateur pédiatrique et auteur de Premiers conseils d’utilisation de bébé (1), la réponse est claire et sans équivoque : oui, en période d’épidémie, les contacts physiques comme embrasser un bébé doivent être limités. « Ces derniers, notamment les nourrissons, peuvent facilement contracter une infection qui chez un adulte passerait inaperçue », précise-t-il. Et pour cause, durant les premières semaines de vie, leur vulnérabilité est la plus grande face aux risques infectieux. « Un nourrisson a une immunité innée, c’est-à-dire qu’il est protégé dès la naissance par des anticorps transmis par la mère, mais elle est limitée, elle ne protège pas contre toutes les infections. Il faut attendre trois mois pour que l’immunité adaptative se développe pleinement », explique le médecin.
Mais comment diable un baiser inoffensif peut-il le mettre en danger ? Le Dr Arnault Pfersdorff rappelle que ce geste d’affection reste un vecteur très courant de transmission de microbes, et le visage du nourrisson est l’une des zones les plus exposées à la contamination. « Un baiser, même le plus furtif, n’est pas sans danger en raison des sécrétions qu’il laisse », souligne-t-il. Imaginez que votre visage soit couvert de paillettes, si vous embrassez un bébé sur la joue, même rapidement, vous laisserez forcément des paillettes sur sa peau, qui vont ensuite se répandre partout, dans les yeux, la bouche, les mains… Eh bien, les microbes fonctionnent de la même manière.
Certains nourrissons sont plus susceptibles d’être impactés par cette contamination. “Les bébés prématurés, ceux qui ont une maladie cardiaque ou des antécédents médicaux ont un système immunitaire particulièrement fragile et sont plus à risque, même après les trois premiers mois”, prévient le pédiatre. Cependant, que nous soyons concernés ou non par ces facteurs précis, par mesure de précaution, la distanciation physique doit se poursuivre pour tous. « Jusqu’à l’adolescence, l’enfant reste vulnérable, il faut donc continuer à le protéger », insiste-t-il.
Donner de l’affection sans risque
Inutile de dire qu’il peut être très difficile pour un parent de ne pas pouvoir embrasser son bébé. Il en va de même pour les grands-parents, qui ne résistent pas à l’envie de mordre les joues de leurs petits-enfants. « Si l’envie de l’embrasser est trop forte, vous pouvez le faire sur des zones moins sensibles, comme le dos, le cou ou la tête. Mais évitez absolument de l’embrasser sur les mains car le nourrisson a l’habitude de s’en labourer le visage », conseille le professionnel de santé.
Si l’envie de l’embrasser est trop forte, vous pouvez le faire sur des zones moins sensibles, comme le dos, le cou ou la tête.
Dr Arnault Pfersdorff, pédiatre
Si limiter les baisers figure toujours en tête de liste des gestes barrières indispensables, il en existe d’autres qui sont tout aussi importants. “En plus du port du masque lorsqu’on est malade et qu’on tousse, la vaccination est indispensable pour se protéger et protéger les populations à risque”, assure le Dr Arnault Pfersdorff. Il faut le faire savoir aux proches, notamment aux grands-parents. Et cela ne concerne pas que la grippe, la coqueluche représente aussi un réel danger pour les nourrissons. Les mains étant un vecteur majeur de transmission, « il est indispensable de les laver avant de toucher bébé, notamment après avoir manipulé des objets ou être sorti dehors », ajoute le pédiatre.
Donnez du pouvoir à vos proches
Et si les jeunes parents peuvent se sentir mal à l’aise à l’idée de demander à leurs proches de respecter ces règles, Arnaud Pfersdorff les encourage à rester bienveillants, sans dramatiser. « Vous pouvez par exemple placer du gel hydroalcoolique et des masques à disposition à l’entrée de la maison, avec un petit message informatif et léger comme « vous allez voir notre bien le plus précieux ». L’essentiel est de responsabiliser les proches sans culpabiliser, et de leur faire comprendre que c’est pour le bien-être du bébé », résume-t-il.
Il ne faudra pas non plus oublier de sensibiliser la fratrie, dont la vie sociale (école, crèche…) peut faciliter la transmission des virus. Et dans le cas où les règles d’hygiène essentielles sont trop vite oubliées, le pédiatre conseille une astuce simple mais efficace : « laver régulièrement les vêtements des personnes âgées ou les changer dès leur retour à la maison pour limiter la propagation des germes au contact du bébé. Vous l’aurez compris, face à une épidémie, la prévention est la clé. Ajoutez un peu de patience, et beaucoup d’amour, même en regardant derrière le masque, pour que votre tout-petit traverse cette épreuve en toute sécurité.
(1) Premiers conseils d’utilisation de bébé d’Arnault Pfersdorff, aux éditions Hachette, 352 pages, 24,95 €.