Temps d’attente, taux d’accès, survie après greffe : le parcours de transplantation pulmonaire se caractérise par des différences significatives entre hommes et femmes. Défavorisées dans les étapes précédant la greffe, les femmes ont un meilleur taux de survie par la suite.
Ces observations sont tirées d’une étude réalisée en France et publiée dans Recherche ouverte du Journal respiratoire européen. L’analyse a porté sur 1 710 participants – 802 femmes et 908 hommes – traités dans l’un des 12 centres de transplantation français entre 2009 et 2018 et suivis pendant environ six ans après la transplantation. Les principales pathologies sous-jacentes étaient la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), la mucoviscidose et la pneumopathie interstitielle diffuse.
Six semaines supplémentaires sur liste d’attente pour les femmes
L’analyse montre que les femmes passent en moyenne six semaines de plus sur la liste d’attente pour une transplantation pulmonaire que les hommes (115 jours contre 73 jours). Deux causes peuvent expliquer cet écart. Chez la femme, les anticorps anti-HLA, qui peuvent se développer pendant la grossesse, sont plus fréquents. La présence de ces anticorps, connus pour être responsables de rejets suraigus, limite le choix du donneur. “On évite de choisir un donneur sur qui les anticorps vont s’attaquer”précise à Tous les jours Dr Adrien Tissot, pneumologue au CHU de Nantes et premier auteur de l’étude.
Une autre cause est l’écart de taille entre les sexes : les femmes mesurent en moyenne 13 cm de moins que les hommes. Ces derniers, majoritaires (56%) parmi les donneurs, ont un volume pulmonaire plus important et cette différence compte dans l’appariement des greffons. “L’inadéquation entre la taille des donneurs et celle des receveurs entraîne un délai d’attente plus long de quelques secondes”, souligne le Dr Tissot.
receveurs de poumon « surdimensionné » cependant, ils n’obtiennent pas de pires résultats après la transplantation. « Faire des coupes dans le poumon, retirer des lobes ou des parties de lobe, entraîne une durée opératoire plus longue et un risque accru pour les patients, mais l’intervention ne se traduit pas par une différence de survie chez les femmes avec un greffon réduit par rapport aux autres »insiste le Dr Tissot.
L’étude montre également que les femmes ont moins accès à une transplantation pulmonaire que les hommes (91,6 % contre 95,6 %). Des recherches antérieures avaient déjà montré qu’ils risquaient davantage de mourir sur la liste d’attente. Mais sur cet aspect, l’étude n’a pas pu déterminer les motifs d’exclusion de la liste (décès, détérioration incompatible avec une greffe…).
Une différence de survie à 5 ans, particulièrement marquée dans la BPCO
Autre enseignement, après transplantation, la survie à 5 ans était plus élevée chez les femmes que chez les hommes (70 % contre 61 %). Cet écart en faveur des femmes « s’observe principalement chez les patients atteints de BPCO, la différence étant moins marquée pour les autres pathologiesnote le Dr Tissot. Ce point est intéressant car la BPCO est une maladie comportementale, liée au tabagisme. ». Si les causes d’une meilleure survie chez les femmes restent à déterminer, des travaux spécifiques sont en cours sur la population de patients BPCO.
Pour remédier aux inégalités, plusieurs pistes sont possibles. Les femmes qui présentent des anticorps anti-HLA et/ou de petits volumes pulmonaires peuvent être inscrites plus tôt sur des listes d’attente. “Cela éviterait qu’ils se détériorent et ne soient pas transplantés”, estime le Dr Tissot. Au niveau des centres de transplantation, les équipes chirurgicales pourraient également être incitées à procéder à des réductions de volume plus systématiques. Au niveau national, une réflexion sur les modalités d’attribution des greffons doit être menée, recommande également le pneumologue.