Ordonner que les opioïdes dits faibles (tramadol, codéine) soient prescrits sur ordonnance sécurisée paraissait logique. La part des prescriptions suspectes de ces analgésiques a quasiment triplé en dix ans. En 2022, le tramadol était le premier produit antalgique mortel (49 sur 135).
Pourtant, les spécialistes du traitement de la douleur ont poussé de grands cris lorsque l’agence du médicament ANSM a annoncé sa décision applicable au 1, fin septembre.est Décembre. “On savait qu’on ne serait pas prêts dans les établissements hospitaliers, » précise le professeur Valeria Martinez, présidente de la SFETD (Société française pour l’étude et le traitement de la douleur). Et qu’il y aurait des effets pervers. »
Pas de prescription numérique
Lundi, à deux jours de l’ouverture du congrès de la SFETD, l’ANSM a repoussé la date de candidature au 1est Mars. Un répit bienvenu qui ne résoudra pas tout. En cause, l’absence de prescriptions numériques sécurisées : « Les faibles prescriptions d’opioïdes affectent des millions de patients. La multiplication des agendas papier augmente les risques de vols et d’agressions. Jusqu’à présent, les prescriptions sécurisées (pour les opioïdes forts) se trouvaient principalement dans les centres antidouleur et les centres d’addictologie. »
D’autres établissements publics ne fonctionnent généralement qu’avec des ordonnances numériques et doivent s’adapter pour sécuriser ces documents papier, former les médecins et adapter leurs logiciels. « Lors du Ségur de la santé, il avait aussi été promis de sécuriser toutes les ordonnances avec la carte Vitale. C’était censé être pour janvier 2025, mais le projet a pris beaucoup de retard. »regrette le professeur Martinez.
Échec du traitement
Selon la société savante, l’obligation de prescrire par prescription sécurisée réduira forcément les prescriptions. Et ce n’est pas, selon elle, une bonne nouvelle : « Il ne faut pas tomber dans l’opiophobie. En France, on a tendance à avoir des oligoanalgésie, trop de patients avec des douleurs mal traitées, notamment aux urgences. »
La crise dramatique des opioïdes aux États-Unis a conduit à une méfiance généralisée à l’égard des produits analgésiques. « Il ne nous reste plus grand-chose. Et nous en avons besoin, plaide le professeur. On parle beaucoup d’addictions et d’abus, qui existent, qu’il faut surveiller, mais qui sont encore assez peu nombreux. Et nous oublions de dire que même les analgésiques très puissants sont utiles lorsqu’ils sont utilisés correctement. »
Le contexte américain n’est pas celui de la France, insiste le médecin : « Nous avons toujours eu beaucoup plus de réglementations. On peut s’en féliciter mais cela ne doit pas se retourner contre les patients. »
La bonne durée
La plupart des études à grande échelle liées aux analgésiques proviennent du continent nord-américain regrette le président de la SFETD, alors que les besoins dans le traitement de la douleur évoluent. La chirurgie ambulatoire, qui s’est fortement développée et va continuer à se développer, induit une prise en charge temporellement réduite de la douleur en clinique et à l’hôpital, mais avec « un possible effet rebond trois jours plus tard ».
En 2022, la Haute autorité de santé a publié une recommandation de « bon usage des médicaments opioïdes », détaillant la plupart des situations et la durée d’usage qui doivent être prescrites : “Le plus important est la bonne durée d’utilisation”juge le spécialiste de la douleur.
A noter : Les analgésiques sont classés en trois niveaux : le premier regroupe des produits comme le paracétamol, l’ibuprofène et les anti-inflammatoires. La seconde fait référence aux analgésiques faibles (tramadol et codéine). Le troisième, la morphine et les produits apparentés (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, nalbuphine, oxycodone, péthidine).