«J’étais les bras et les jambes de mon mari»

«J’étais les bras et les jambes de mon mari»
«J’étais les bras et les jambes de mon mari»

Le rôle de l’aidant est essentiel pour les personnes malades en perte d’autonomie. La vie des soignants est complètement bouleversée lorsqu’ils assument ce rôle.

Hélène Pinel, co-fondatrice de l’association de patients « Tous en selle contre la SLA » (TECS), mais aussi soignante d’une personne atteinte de SLA, son mari, décédé en 2020, nous raconte ce qu’elle a vécu et n’hésite pas. pour nous faire partager ses projets et ses conseils.

Pourquoi docteur : Comment cela s’est-il passé pour vous et quand avez-vous eu l’impression que vous alliez devenir soignant ?

Hélène Pinel : C’est très progressif. Les premiers symptômes apparaissent et le diagnostic est long, prenant en moyenne un an. Et quand le couperet et le diagnostic tomberont, on comprendra ce qui va se passer. Je n’ai pas eu l’impression d’aider tout de suite, mais seulement lorsque cela avait un impact sur ma vie professionnelle, c’est-à-dire lorsque j’étais limité dans mes déplacements.

“Mon employeur m’a autorisé à rester à la maison le matin”

Et qu’est-ce qui a changé pour vous, professionnellement ? Avez-vous dû arrêter de travailler ?

C’est souvent le cas des soignants. J’ai eu une chance extraordinaire d’avoir un employeur et un manager très compréhensifs. C’était pendant la période Covid. Je travaille dans une entreprise informatique (Technologies de l’information) et nous avions déjà tous les outils pour télétravailler. Mon employeur m’a autorisé à rester à la maison le matin. Je ne suis venu (à La Défense à Paris, NDLR) que dans l’après-midi. Et quand mon mari n’était plus indépendant, une assistante est venue à la maison. Mais il est parti avant que ça ne se complique…
Cet aménagement du temps de travail était indispensable grâce à un employeur compréhensif.

Quel a été votre rôle en tant qu’aidant ?

J’étais les bras et les jambes de mon mari. Tout ce qu’il ne pouvait plus faire, il me l’a demandé. Donc c’est les toilettes le matin, etc. Et puis, j’ai été suppléé, parce qu’à un moment donné, c’était devenu trop lourd. En effet, le lavage prend une heure et demie, surtout pour une personne inexpérimentée. Alors c’est les toilettes, le repas. Les repas, plus ils durent, plus ils durent, et plus ils durent, plus ils usent leur patience, et il faut avoir un amour infini, inconditionnel pour gérer tout ça.
Les soignants, au départ, c’est la famille. Après, on se renseigne, parce que nous en avons besoin, sur les possibilités administratives. Il existe déjà des aides-soignants. Et là, il y a un peu d’injustice entre les patients avant 60 ans et après 60 ans, puisque les aides ne sont pas les mêmes.

Il y a aussi l’ensemble du corps médical comme les infirmiers, les kinés, les neurologues… L’acteur majeur reste toujours le médecin traitant qui est proche de vous.

« Aide de la famille et des amis mais aussi de la communauté »

De quelle aide avez-vous bénéficié et comment y accéder ?

Nous avons reçu l’aide de notre famille et de nos amis, ainsi que de la communauté. Vous devez déposer un dossier à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) qui vous accordera des heures (d’aide, NDLR). C’est ainsi que nous rémunérons l’aide qui vient à la maison. Et quand la maladie progresse, on demande de plus en plus d’heures.

Tout ce qui touche à la maladie est pris en charge. Pour le matériel, c’est plus complexe, il faut anticiper. Par exemple, pour la chaise, nous en avons d’abord commandé une manuelle qui a été prise en charge, et finalement, la chaise électrique s’est avérée nécessaire très rapidement. Et là, nous avons été aidés par l’ARSLA (Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique et autres maladies des motoneurones) avec un prêt inconditionnel de matériel.

Et il existe des associations locales, comme « SLA Qu’es AQUO », par exemple, qui aident énormément les patients de la région toulousaine. Mais il y en a bien d’autres.

Pourquoi y a-t-il tant d’associations ? C’est parce que chacun crée une association autour du patient pour l’aider.

Quels sont les délais pour obtenir toutes ces aides ?

Ce sont des démarches administratives. Certaines personnes savent bien les faire. Et puis, il y a ceux qui sont un peu perdus, donc ça prend du temps. Moi-même, cela a pris, je pense, 4 à 6 mois. C’était en 2018. Je m’y suis même rendu (à la MDPH, NDLR) pour leur expliquer que ça devenait urgent. Et malgré ça, ça a été long.

Qu’apportent réellement les associations ?

L’ARSLA vise à collecter des fonds pour aider à la recherche. Leur comité scientifique est composé des mêmes neurologues que ceux qui soignent dans les différents centres SLA.

En 2018, j’ai rencontré Virginie Delmas, une aide-soignante, dont le mari était allergique au gluten et qui se posait une question : « tout cela ne pouvait-il pas être lié ? « . Elle a donc recherché des publications médicales. Et aujourd’hui, notre association souhaite demander un accès compassionnel (autorisation d’accéder à un médicament) pour un transfert de microbiote fécal. C’est-à-dire qu’on retire tout le microbiote des intestins, et qu’on en remet un autre provenant d’un donneur sain. Le but est de recoloniser l’intestin des patients.

De nombreux professionnels entourent le malade

Qui sont les professionnels de santé qui soutiennent les patients SLA et leurs soignants ?

Il y a le médecin traitant, le neurologue, le kiné. La physiothérapie est importante parce que les gens sont immobiles. Alors, si le kiné n’est pas là pour dégourdir les membres, entretenir leur souplesse, il y a des douleurs neurologiques chez certaines personnes.

Nous avons également eu recours aux soins palliatifs pour tenter d’améliorer la qualité de vie de mon mari.

Quels sont les moyens de communication pour les personnes atteintes de SLA ?

En 2024, il existe un formidable outil : les contrôles oculaires. C’est à dire que grâce aux mouvements des yeux et aux clignements, cette interface permet de contrôler votre ordinateur. Ainsi, grâce à une voix synthétique, le patient peut communiquer.

Mais ces systèmes sont très coûteux. Vous devez passer par la MDPH pour être financé.

Que fait-on lorsqu’on est soignant pour ne pas s’oublier et prendre soin de soi ?

C’est compliqué… C’est compliqué physiquement parce qu’on a peur de partir. Nous devenons la personne de référence. Il est donc important d’impliquer le plus rapidement possible les soignants afin que le patient ait plusieurs contacts. En cas d’incident, si l’interlocuteur principal s’en va, le patient se sent moins perdu. Mettre en place progressivement toutes ces aides est donc une condition essentielle à la longévité du patient et de son soignant. Puisqu’un soignant sur trois décède avant le patient… Et moi, en travaillant, puisque je devais travailler sur le côté financier, je n’ai vu que du burn-out.

Nous allions au cinéma de temps en temps. Là encore, faites attention aux accès handicapés, dans ces cas-là, nous avons pris le fauteuil roulant manuel.

Il est important d’entretenir le réseau familial et amical, car c’est une maladie qui fait peur, qui porte à confusion, car le patient change et son apparence physique aussi. Il a le visage raide, donc sa façon de sourire est différente. On a l’impression qu’il est plus absent. Comme dans toutes les maladies neurologiques, il faut savoir que la personne comprend et qu’elle est confrontée à quelqu’un qui répète en pensant qu’elle ne s’intègre pas, mais elle s’intègre très bien. Il faut donc expliquer.

Le réseau social est important pour nous et pour la personne malade.

La coordination entre les acteurs est importante

Parlez-nous un peu plus de votre association ?

Nous demandons donc la transplantation de matières fécales, en relation avec le microbiote (anciennement appelé flore intestinale).

Nous avons cherché tous les moyens pour améliorer la longévité de nos conjoints ou patients qui nous ont rejoint, mais aussi des fondateurs de cette association de patients puisqu’il y a 3 patients et 2 soignants.

Et on voit bien que dans la recherche génétique, les choses avancent, également sur certaines pistes. Mais sur le microbiote, rien.

Pour l’instant, le droit à l’essai (de transplantation de microbiote) est refusé.

Et il faudrait pouvoir trouver dans notre intestin un marqueur, une sorte de carte d’identité de cette maladie qui permettrait de la diagnostiquer. Pour le moment, il n’existe aucun biomarqueur.

Un laboratoire a accepté de travailler avec nous et de démarrer un premier essai clinique baptisé IASO, qui est en phase de clôture. Elle a débuté il y a plus d’un an et a recruté 15 patients.

Quel message souhaitez-vous envoyer ?

J’aimerais que l’ALS soit un exemple d’intelligence collective. Ce qui est important aujourd’hui, c’est de collecter des données et de faire fonctionner nos ordinateurs (web, intelligence artificielle). Il existe un besoin quotidien de coordination entre les acteurs médicaux, également en ce qui concerne les procédures administratives et l’aspect financier.

L’émission est à retrouver sur notre chaîne YouTube :

 
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