Lors du congrès d’oncologie de l’ESMO à Barcelone en septembre 2024, les derniers résultats de l’étude Keynote-522 ont révélé un nouveau traitement qui réduit de 34 % le risque de décès lié au cancer du sein triple négatif. L’oncologue Marie-Ange Mouret Reynier, co-auteur de cette étude, détaille les avancées prometteuses de cette nouvelle approche thérapeutique.
Qu’est-ce que le cancer du sein triple négatif ?
Le cancer du sein triple négatif est un type de cancer particulièrement agressif car il se développe rapidement. Ce type de cancer se distingue par l’absence d’expression de trois récepteurs spécifiques : les récepteurs hormonaux des œstrogènes et de la progestérone, et le récepteur HER2 (Human Epidermal Growth Factor Receptor 2, protéine qui favorise la croissance des cellules cancéreuses). . Alors que 70 % des cancers du sein sont hormono-dépendants et induits par les œstrogènes, le cancer triple négatif ne répond pas à ces récepteurs hormonaux ni à la protéine HER2, ce qui limite les options de traitement. D’où le terme « triple négatif ».
Au niveau des symptômes, le cancer du sein est souvent asymptomatique, d’où l’importance du dépistage. Dans certains cas, l’auto-examen peut révéler une anomalie ou des signes visibles, tels qu’une rétraction du mamelon, des capitons cutanés ou une rougeur inhabituelle. La plupart du temps, les tumeurs sont découvertes grâce au dépistage, mais pour des tumeurs à croissance rapide comme celles-ci, il est possible qu’elles apparaissent entre deux mammographies. C’est pourquoi il est important de pratiquer régulièrement une auto-palpation, et que les médecins traitants qui voient les patients y soient attentifs.
Vous avez mené une étude sur un nouveau traitement qui réduirait le risque de décès de 34 %. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour les tumeurs agressives, comme les tumeurs triples négatives, le traitement fait le plus souvent appel à un traitement dit « néoadjuvant », c’est-à-dire préopératoire. Cela signifie que, pour ces tumeurs, le traitement principal n’est pas chirurgical, mais un traitement médical, souvent initié par une chimiothérapie. Mais si certains patients triple négatifs ont très bien répondu, un pourcentage d’entre eux n’a pas répondu de manière optimale à la chimiothérapie seule.
Le protocole KEYNOTE-522, démarré entre 2017 et 2018, a donc comparé la chimiothérapie standard à la chimiothérapie combiné à l’immunothérapie. Les premiers résultats, analysés en 2019, ont montré un bénéfice pour les patients opérés, avec une augmentation significative des cas de réponse complète. Autrement dit, la tumeur a disparu dans un plus grand nombre de cas, et le pourcentage de patients sans tumeur au moment de l’opération était significativement plus élevé.
Les résultats de 2021 ont ensuite montré une amélioration de la survie sans récidive, c’est-à-dire non seulement une réponse locale, mais également une réduction des rechutes, notamment métastatiques. Enfin, les résultats présentés cette année au congrès européen de l’ESMO ont révélé un impact positif sur la survie globale : l’ajout de l’immunothérapie a permis réduire le risque de décès de 34%. C’est une avancée majeure !
Immunothérapie ?
L’immunothérapie est un traitement adapté aux tumeurs dites immunogènes, c’est-à-dire celles que le système immunitaire peut cibler et combattre. Cela signifie que ce type de traitement ne convient pas à tous les cancers, y compris certains types de cancer du sein. Le but de l’immunothérapie est de stimuler le système immunitaire afin qu’il reconnaisse et identifie plus efficacement les cellules tumorales, permettant ainsi leur destruction. Cela peut également améliorer l’efficacité de la chimiothérapie en rendant les cellules cancéreuses plus vulnérables aux traitements conventionnels.
Ce traitement est-il déjà disponible pour les patients ?
Oui, un traitement est disponible ! Suite aux résultats prometteurs des études 2019 et 2021, une demande d’accès anticipé a été formulée. Cela signifie que, lors du dépôt d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, le processus peut prendre du temps, en raison des négociations au niveau européen puis des discussions entre les autorités sanitaires françaises et le laboratoire concerné. Pour compenser ces délais, un système d’accès anticipé a été mis en place.
Ce système permet aux patients d’accéder rapidement aux soins grâce à des accords spécifiques entre les établissements de santé, les laboratoires pharmaceutiques et le système de santé français. À ce jour, plus de 7 000 patients en France ont bénéficié de cette immunothérapie grâce à cet appareil.
Un patient peut donc demander à recevoir ce traitement ?
En principe, l’oncologue est informé de l’intérêt de l’immunothérapie dans cette situation et la prescrira automatiquement. De plus, une fois le cancer du sein diagnostiqué, le traitement n’est pas décidé de manière isolée. Elle doit passer par une réunion de concertation multidisciplinaire (RCP), où se réunissent oncologues, chirurgiens, anatomopathologistes et autres spécialistes. Mais si ce traitement est normalement accessible sur tout le territoire, il peut y avoir des disparités de prise en charge dans les centres plus isolés. C’est pourquoi qu’il est important d’être soigné dans un centre de recherche clinique d’accéder plus tôt aux dernières innovations thérapeutiques.
Quels défis restent encore à relever dans la prise en charge du cancer du sein ?
Aujourd’hui, nous enregistrons environ 61 000 nouveaux cas de cancer du sein par anun chiffre qui a considérablement augmenté par rapport aux années 1980, où il y avait environ 20 000 cas. Malheureusement, nous n’avons pas encore toutes les explications.
Actuellement, notre objectif est de prévenir les décès dus au cancer du sein métastatique. Nous cherchons, par tous les moyens, à guérir les patients et à éviter l’évolution vers des métastases. Grâce à l’immunothérapie, nous avons réussi à réduire le risque de décès de 34 %. Il existe cependant encore des patientes qui rechutent sous une forme métastatique et succombent à leur cancer, même si cela concerne une minorité de cas (entre 10 et 15 % des cancers du sein selon les études).
Un dernier conseil ?
N’ignorez jamais un doute ! Si une patiente constate une anomalie au niveau du sein, il est crucial de consulter immédiatement son médecin. Se soigner dans un centre de recherche clinique permet également, la plupart du temps, d’accéder plus tôt aux dernières innovations thérapeutiques.