Console rétrogaming made in Bray-sur-Seine, ou la douce hypocrisie française

Gwénaël R. assemble une console rétrogaming transportant visiblement une pelletée de copies illégales de jeux vidéo et la vend 280 euros. Une affaire qui fait du bruit au point de fermer le site de vente de ladite console. Retour sur le bad buzz du week-end et l’hypocrisie de ceux qui crient au loup.

Article du Parisien 77

L’édition Seine-et-Marne du Parisien a publié ce week-end le portrait de Gwénaël R., un jeune entrepreneur se présentant comme l’inventeur d’une console rétrogaming livrée avec des centaines de « des jeux devenus légalement gratuits » et presque entièrement fabriqué en Seine-et-Marne. Deux fausses informations qui ne sont pas passées inaperçues sur X, déclenchant un flot de critiques et de dénonciations.

Nous avons décortiqué le sujet en trois points : le matériel, les jeux et les tarifs, le tout en nous basant sur les articles du Parisien 77, de La République de Seine-et-Marne, mais aussi sur les propos de Gwénaël R. lui-même que nous avons contactés par téléphone. Et comme souvent, la conclusion nous apprend qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Logiciel gratuit et carte Asus

Gwénaël R. a 37 ans, c’est lui qui a construit la Gwardbox 2, la célèbre console. En réalité, il suffit de regarder les informations données dans l’article du Parisien et les clichés associés pour se rendre compte que le jeune homme n’est que son assembleur et qu’elle n’est absolument pas « fabriqué presque entièrement à Bray-sur-Seine »comme l’affirme Sébastien Blondé dans son article du 25 mai 2024.

Cette console est basée sur une carte mère Asus nano, une Tinker Board R2.0 pour être précis. Il s’agit d’un modèle concurrent du Raspberry Pi, qui servait déjà à assembler soi-même des consoles de rétrogaming. Rien de français ici.

Gwardbox 2 // Source : Gwarded

Pour la partie logicielle, nous sommes sans doute sur une Recalbox ou similaire, une plateforme capable d’émuler une multitude de consoles et distribuée gratuitement.

Une manette est vendue avec la Gwardbox 2, c’est une 8Bitdo SN30 Pro. La République de Seine-et-Marne, début mai, explique que ce contrôleur est « un contrôleur 8Bitdo, le fournisseur de Nintendo. Des propos que Gwénaël R., que nous avons contacté par téléphone, réfute logiquement.

C’est tellement gros qu’on aimerait ne pas l’expliquer, mais 8Bitdo est un fabricant tiers de manettes chinoises dont certains produits sont compatibles avec les consoles Nintendo, mais qui ne produit absolument rien pour le géant japonais.

Seule la coque est fabriquée localement

Reste enfin la coque de la Gwardbox 2. Sur sa première version, « le boîtier était en acrylique, transparent et fabriqué en Chine. Mais le fait de proposer une box chinoise m’a dérangé », explique Gwénaël R. dans les colonnes de La République de Seine-et-Marne, et cela se comprend. Il a donc retroussé ses manches et monté un nouveau dossier. Il est conçu et imprimé en 3D, et décoré par « le peintre du garage AD de Bray ». C’est la seule pièce de Gwardbox 2 réellement réalisée en Seine-et-Marne.

Une marge fabuleuse

Et puis il y a le prix de la Gwardbox 2. 280 euros, c’est la facture d’une console qu’on peut fabriquer soi-même et qui regorge de jeux piratés. Pour les besoins d’un article, j’ai construit une machine similaire basée sur Raspberry Pi en 2017. Elle m’a coûté moins de 60 euros, contrôleur inclus (un 8bitdo…). L’Asus Tinker Board R2.0 coûte une centaine d’euros et le logiciel d’émulation est gratuit. Si l’on enlève le prix d’une coque moulée et peinte, on se fait une bonne idée du bénéfice substantiel que Gwared encaissait sur chaque vente.

Gwénaël R. avait vendu une quarantaine d’exemplaires de son premier modèle sorti en 2019. Sa Gwardbox 2 n’aura pas vu le jour, ou alors elle a mis trop peu de temps à se vendre, rapporte Gwénaël R. Comme indiqué en introduction, sa page ventes a été désactivé pendant la journée. Il ne reste plus que ses restes disponibles sur Internet Archive et qui nous en disent un peu plus sur le projet logiciel.

Une console « vendue sans jeux »

Le matériel est une chose, mais ce que les internautes soulignent le plus, ce sont les jeux et un point juridique les concernant. Quand Gwénaël R. explique que sa machine est capable d’émuler les jeux de 62 consoles, le Parisien ajoute qu’elle est livrée avec 10 700 jeux. « tous deviennent légalement libres après une période de commercialisation et par décision de leur éditeur ». Et c’est grave puisque c’est faux et illégal.

Les photos qui agrémentent l’article du Parisien montrent Metal Slug, un jeu de SNK dont les droits n’ont absolument pas été abandonnés. Il en va de même pour Super Mario ou Sonic qui sont évoqués. Nintendo et Sega n’ont jamais lâché aucun titre de leurs mascottes. De là à faire un parallèle avec les copies piratées, il n’y a qu’un pas.

Mais le Parisien n’aurait rien compris, nous raconte Gwénaël R. qui assure que ses consoles n’ont jamais été vendues avec des jeux. 10700 jeux « C’était la capacité qu’il pouvait contenir, on aurait pu en mettre 100 000 pour des jeux d’arcade car ça ne pèse rien. » Et pour le Metal Slug « il faut donner un exemple. Quand les journalistes viennent, si je leur montre quelque chose où il n’y a pas de jeu, je leur montre un boîtier avec une carte mère et un ventilateur.

Aucun de ces jeux n’est libre de droits

Et nous aimerions le croire. Mais des zones grises demeurent. A commencer par ce tweet du 10 mai qui parle de « profiter de plus de 6000 jeux » Snes, MegaDrive ou PS1. UN « maladresse », défend le propriétaire de Gwared.

Cela aurait pu être bien si nous n’avions pas jeté un œil aux archives Internet. Là, une capture du site datant de fin 2022 et parlant de la Gwardbox précise clairement que « vous pourrez jouer à plus de 10 000 jeux inclus ». Difficile de justifier à moins de pouvoir produire une liste de 10 000 jeux libres de droits sur les machines indiquées. Bonne chance.

La console rétrogaming, cette douce hypocrisie

Mais avec le recul, que ces jeux soient piratés ou non, est-il vraiment raisonnable de s’en prendre à un petit entrepreneur du 77. Twitter, YouTube et même un site internet, son projet était visible de tous, sans tabou. Il faudrait être inconscient pour faire une telle publicité autour d’un projet scabreux ! Inconscience ou méconnaissance du sujet, difficile de trancher, mais son battage social mérite bien notre attention.

En effet, cette affaire nous pousse à réfléchir plus loin. Cette initiative française fait écho à la réanimation du rétrogaming. Et du fait des contradictions en la matière, cet écho ne devrait pas être là, du moins en France.

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En 2024, les consoles portables avec émulateurs se multiplieront comme des petits pains chauds sur Aliexpress et consorts. Miyoo Mini+, Anbernic RG35XX et ainsi de suite. Et les influenceurs français en parlent et les testent… malgré les milliers de jeux pirates qu’ils proposent. Et c’est sans compter sur l’arrivée des émulateurs de consoles sur iOS. Nous avons le droit de les posséder, mais pas le droit de les utiliser.

Et c’est sous cette couche d’hypocrisie que se cache le projet local d’une « petit artisan informatique ». Si cette console était venue de Chine, nous n’en aurions pas fait toute une histoire. Importer un produit contenant des jeux piratés, oui, mais le produire en France, non. C’est tout le problème du système économique qui ne permet pas de fermer toutes les vannes et laisse derrière lui des gens comme Gwénaël R. qui, sans le dire, n’avait peut-être pas conscience qu’il enfreignait autant la loi. avec sa Gwardbox.


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