Médecin palpant l’abdomen de la femme, en utilisant les mains et en exerçant une pression constante. Médecin urgentiste palpant l’abdomen de la femme, en utilisant les mains et en exerçant une pression constante. modèle publié
Chiffres clés :
- 24% des femmes atteintes d’endométriose sont hospitalisées plusieurs jours en 2022, contre 4% des autres femmes
- 25 % des femmes atteintes d’endométriose étaient incapables de travailler en 2022, contre 13 % des autres femmes
Les Mutualités Chrétiennes ont calculé le montant de la facture des patients, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Cela représente le coût en moyenne 641 euros par an pour un patient mais cela peut monter jusqu’à 4 700 euros pour certains patients. Quelques les patients peuvent voir plus que 12 gynécologues dans le cadre d’un parcours diagnostique et thérapeutique. « Nous ne réalisons pas ce que c’est pour un patient devoir se battre pour un diagnostic ou devoir demander un nouvel avis médical lorsque leurs symptômes ne sont pas entendus. Le problème de l’endométriose est très coûteux et très discriminatoire. Il y a une consommation d’opioïdes interpellante »pointe Élise Derroitte, vice-président de la Mutualité Chrétienne.
L’endométriose touche environ 10 % des femmes en âge de procréer, ce qui représente environ 200 millions de femmes dans le monde. Pourtant, cette maladie affecte profondément la vie des femmes qui en souffrent. Les délais de diagnostic sont souvent très longs, ce qui prolonge la souffrance des patients. La maladie peut provoquer une dépression, de l’anxiété et d’autres troubles de santé mentale qui ont un impact sur l’éducation ou la vie professionnelle de ces femmes. L’endométriose peut entraîner des interventions chirurgicales répétées, des difficultés à accomplir les tâches quotidiennes et même une perte d’emploi. Les patients supportent des coûts de santé importants, souvent non couverts par les mécanismes de protection financière.
Entre 4 et 12 ans de souffrance avant le diagnostic
Derrière ce tableau plane la croyance selon laquelle il est normal quand on est une femme de souffrir de ses règles reste tenace. De ce fait, le délai entre l’apparition de la maladie, parfois à l’adolescence, et son traitement reste plusieurs années. En Belgique, cette durée est de 4 à 5 ans en moyenne. Mais cela varie selon l’âge de la patiente : les symptômes apparaissent à l’adolescence, la cause de ses douleurs est détectée plus tard, en moyenne 12 ans après leur apparition. L’endométriose est plus souvent détectée lorsqu’elle provoque des problèmes d’infertilité, car les douleurs pelviennes sont peu prises en compte tant par les patientes, qui l’ont internalisé comme étant « normal », que par le corps médical.
L’endométriose peut en effet entraîner des problèmes de fertilité, et de nombreuses femmes atteintes ont recours à la procréation médicalement assistée. L’étude MC montre qu’entre 2017 et 2023, 19% des femmes atteintes d’endométriose en Belgique ont eu recours à la PMA, contre seulement 3% des femmes de la population générale.L’endométriose est une maladie complexe dont les causes exactes ne sont pas entièrement comprises. Certaines études suggèrent que des facteurs génétiques pourraient influencer le développement de l’endométriose. L’œstrogène joue un rôle important dans le développement de l’endométriose. Globalement, même s’il existe plusieurs théories sur l’origine de l’endométriose, aucune n’a encore été définitivement confirmée. En termes de traitement, il n’existe actuellement aucun traitement permettant de guérir définitivement l’endométriose. Les traitements visent à réduire la douleur et à améliorer la fertilité.
Inégalités d’accès socio-économiques et raciales
Pendant ce temps, les femmes racisées ont un accès plus difficile aux soins. La reconnaissance de la douleur est particulièrement problématique pour les femmes issues de minorités « considérées comme des narratrices moins fiables que les femmes blanches » (!) ou parce qu’elles ont moins facilement accès aux soins de santé. Cette réalité a en tout cas été mise en évidence aux Etats-Unis. L’endométriose est ainsi souvent perçue comme une « maladie des femmes blanches orientées vers une carrière », une construction historique postulant que la maladie touche principalement les femmes qui ont tardé à avoir des enfants. Ce n’est pas le cas.
« Quant à la Belgique, on constate en tout cas que les femmes socio-économiquement favorisées ont accès plus fréquent aux soins. Nous avons donc aussi un problème de discrimination,explains Elise Derroitte, vice-president of Mutualité Chrétienne. On se rend compte à quel point les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière par la médecine. On le voit par exemple dans la consommation d’antidépresseurs. Si un homme a des plaintes, nous lui donnerons des analgésiques, et à une femme, nous lui donnerons des antidépresseurs. Il y a une projection de la raison pour laquelle il y a une plainte. Pour l’endométriose, tant qu’on a mal au ventre, on n’approfondit pas. Et puis, quand on a la trentaine et qu’on commence à avoir des problèmes de fertilité, on fait des analyses plus approfondies. C’est vrai que pour nous, c’est vraiment un problème. On voit qu’il s’agit d’un groupe qui a plus d’incapacité de travail, plus de recours à d’autres prestataires comme le psychologue, la diététiste, le gastro-entérologue. »
Tout reste à faire, notamment côté francophone
Le Parlement fédéral belge a adopté une résolution sur l’endométriose en avril 2023, suivie de propositions similaires au Parlement flamand. Mais concrètement, et plus encore côté francophone, presque tout reste à faire. L’étude des Mutualités Chrétiennes révèle que dans notre pays il n’existe pas de questionnaire de dépistage validé couramment utilisé par les professionnels de santé pour interroger les femmes sur leurs douleurs menstruelles. Le fait que les professionnels de santé soient insuffisamment formés sur le sujet crée également des obstacles importants. Les mutuelles plaident pour que des mesures soient prises en créant des cliniques spécialisées qui permettrait une prise en charge multidisciplinaire et le remboursement de soins qui peuvent coûter cher et qui pèsent sur les femmes. « Ce n’est pas un petit problème. Sensibiliser chacun permettrait de mieux comprendre certaines incapacités de travail chez une personne en souffrance, d’offrir un meilleur encadrement et une meilleure coordination des soins nécessaires. Notre étude est la première à objectiver les parcours des patientses, le coût de leur maladie et ce qu’ils vraiment consommer comme médicament », conclut Élise Derroite.