quand les habitants de Sevran donnent leur vision de la famille – Seine-Saint-Denis

quand les habitants de Sevran donnent leur vision de la famille – Seine-Saint-Denis
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« Je me souviens : quand j’étais petite en Guadeloupe, à la maison, il était interdit de parler créole. Mes parents nous l’ont dit : le créole va déformer votre français. Donc, encore aujourd’hui, je parle peu le créole, ou seulement quand je suis en colère. Là, ça sort tout seul ! » Dans la foulée de son témoignage donné dans le cadre de « Radio 93 Bibis », Josèphe continue de prendre la parole. Avec ses amies Marie et Rozida, originaires de Maurice, cette habitante de Sevran a beaucoup apprécié ces ateliers d’écriture animés par Irina Teodorescu et ses enfants Iliana et Raffaelli.

Pendant 6 mois, cette écrivaine francophone d’origine roumaine et ses « Bibis » Iliana et Raffaelli, comme elle les appelle affectueusement, ont invité les habitants de Sevran à donner leur vision de la famille dans des textes brefs, puis enregistrés à voix haute. Une résidence soutenue par le Campus francophone de Seine-Saint-Denis, lancée en décembre dernier avec l’ambition de mettre en valeur l’extraordinaire diversité des cultures et des langues de ce département.

Remettre en question le concept de langue maternelle

Iliana, Irina et Raffaelli Teodorescu, auteurs du projet Radio 93 Bibis.

« Nous n’avons pas nous-mêmes une approche très conventionnelle de la famille et nous sommes habitués à parler dans différentes langues. Nous voulions donc que ces podcasts montrent autant des voix et des accents différents. Et puis, j’ai aussi voulu remettre en question la notion de langue maternelle car dans mon cas, la langue maternelle de mes enfants n’est pas la langue de leur mère »explique Irina Teodorescu, qui a pris l’habitude de correspondre via des podcasts avec ses enfants.

Cet exercice de relations épistolaires – la « Radio Bibis » – cette famille très créative l’a donc également proposé aux habitants de Sevran, démarchés dans les 4 bibliothèques de la ville, dans les maisons de quartier Michelet et Marcel-Paul ou encore au collège L’Épiphanie. pléiade.

En cet après-midi pluvieux de fin avril, c’est justement la diversité des voix qui se dégage des enregistrements diffusés sous la toiture colorée de la Micro-Folie de Sevran, lieu culturel implanté dans le quartier des Beaudottes depuis maintenant 7 ans.

Lucile raconte que depuis la naissance de ses neveux, elle dit plus souvent aux membres de sa famille qu’elle les aime. Hawa, qui habite Tremblay, souhaite l’égalité pour tous. Elle, qui rêve de gagner au loto, souhaite partager ses Euromillions si le monde devient plus juste. Adisha, 12 ans, dit qu’elle a “peur de la mort parce que voir les gens tristes la rend triste”. La guerre est bien présente, qu’elle soit actuelle, en Ukraine, à , mais aussi un peu plus ancienne, au Sri Lanka par exemple.

Faire entendre la diversité de la Seine-Saint-Denis

Le témoignage de Hajar fait naître des sourires dans la pénombre où les auditeurs présents ce jour-là à la Micro-Folie reçoivent les témoignages. « Vous pouvez interroger les gens sur leur famille mais vous n’obtiendrez pas de témoignages très intéressants. Du moins avec les familles arabes. Aucune femme, par exemple, ne vous parlera de son premier amour. Ce n’est pas dans notre culture. Vous entendrez seulement que nous sommes des femmes au foyer, que nous menons une vie simple. Même une femme célibataire vous dira : « oh je n’aime personne, je n’ai pas de relations ». Et cet habitant, arrivé à Sevran l’année dernière en provenance du Maroc, ajoutait malicieusement : « mais comme par hasard, elle ne lâche pas son téléphone… »

Marie, Josephe et Rozida, participantes au projet Radio 93 Bibis.

« Ces podcasts étaient une occasion de remettre sur la table des sujets qui nous concernent tous, pas forcément évoqués très souvent. Et aussi faire entendre la diversité des populations qu’il peut y avoir à Sevran, amener à le faire ceux qui s’abstiennent parfois de parler. »souligne Florent Gonsales, bibliothécaire à la médiathèque Marguerite-Yourcenar, qui a en grande partie réalisé le projet avec sa collègue Lucile Bernard.

Fin mai, ce sera au tour de Jude Joseph de présenter le fruit de sa résidence à Aubervilliers : des récits écrits par ce conteur haïtien mettant en lumière les différentes cultures rencontrées dans ses ateliers aux Laboratoires d’Aubervilliers et à la Maison des Langues et Des cultures.

Là encore, l’objectif aura été de rendre les habitants fiers de leur double ou triple culture et de ne pas laisser la parole être constamment monopolisée par les mêmes personnes. En Seine-Saint-Denis, nous avons la tour Pleyel et la tour de Babel…

Christophe Lehousse

Photos : ©Éric Garault

– Pour retrouver tous les podcasts des participants de « Radio 93 Bibis » : https://open.spotify.com/show/6doAX7iGHnr16uWaDWztl2

 
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