Aya Nakamura, diva nationale des Jeux Olympiques

Aya Nakamura, diva nationale des Jeux Olympiques
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Il s’agit d’un petit immeuble HLM endommagé par le temps, dans une rue calme d’Aulnaysous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Aya Nakamura y a grandi, “dans un F4”, précise un voisin : « Elle partageait une chambre avec ses deux sœurs. Aux murs, elle avait accroché des photos de Rihanna et Beyoncé. » Aînée d’une famille qui comprend également deux frères, elle est arrivée du Mali avec ses parents quelques mois après sa naissance, en 1995. La voix de sa mère, son ” mentor “, dit-elle, a bercé son enfance avec des mélodies et de la poésie issues de la tradition des griots africains. « Elle chantait, elle racontait des histoires, dans ma langue [le bambara]. Je l’ai regardée. Elle avait un bon flux. dit Aya Nakamura. Le père, barman à l’aéroport de Roissy, n’est pas de tout repos. Les relations avec lui se tendent à l’adolescence, au point que la jeune fille est placée un temps dans une famille d’accueil.

Trois ans après, l’héritage olympique de Tokyo

Dans le quartier de la Rose des Vents, les passants connaissent tous l’histoire, celle d’une jeune fille au caractère bien trempé qui rêve de chansons et de succès en regardant des spectacles de talents. Aya Danioko a choisi un nom de scène, Nakamura, emprunté à un personnage de la série américaine Héros. Encouragée par ses amis, elle improvise ses premiers morceaux dès le lycée, tourne même un clip et publie sur Facebook et YouTube ces sketchs qui font mouche. Les chercheurs de talents de Warner Music ont repéré sa jolie voix et le charisme évident que lui donnait son physique athlétique. Un air de Naomi Campbell avec les plaisanteries d’une fille de banlieue. Surtout, la maison de disques s’intéresse au nombre fou de vues de ses vidéos, facteur déterminant pour une carrière. « Comme Aya, de nombreux artistes qui ne rentraient pas dans les vieux canons des maisons de disques ont émergé grâce au streaming, explique l’auteur Olivier Cachin, spécialiste du rap et du hip-hop. Dans le passé, leurs patrons décidaient qui réussirait. Mais ils sont passés de pionniers à suiveurs. Aujourd’hui, c’est le succès en ligne qui est déterminant. »

Un mélange d’argot, de dialectes et d’anglicismes

En 2015, Aya signe son premier contrat. Elle a 20 ans et attend un enfant, mais refuse d’avorter, car certains, estimant qu’elle ne pourra pas réussir si elle devient mère, lui conseillent de le faire. Indépendante, déterminée, déjà confiante, elle résiste et sort un disque, Journal personnel19 bluettes d’où émerge un tube, Comportement. Ces deux minutes et cinquante secondes de zouk déhanché sont la première démonstration de force de la future star, la mise en valeur de sa marque de fabrique : des textes drôles et inventifs, un mélange d’argot, d’anglicismes, de dialectes et d’expressions colorées. , sur un rythme fait pour déhancher.

La suite s’écrit sur Instagram et TikTok, où, morceau après morceau – dont elle signe le plus souvent les paroles –, elle explose les records de téléchargements et d’écoutes, dans un métier où le streaming représente les trois quarts du chiffre d’affaires. Son parcours est avant tout numérique, construit sur les plateformes (Spotify, Deezer, Apple) et les réseaux sociaux dont elle maîtrise les codes, comme son public, principalement des enfants et des jeunes de moins de 30 ans. Autre prouesse : la viralité internationale de ses morceaux qui , rares, s’exportent en Asie, en Afrique et en Amérique, faisant d’elle l’artiste francophone la plus écoutée au monde en 2023. “Sa musique est une nouvelle pop, décrypte Cachin. Variété où se mélangent les influences hip-hop, dance et afro. Cela apporte quelque chose de nouveau dans la jonction entre ces styles. Mais son succès s’explique aussi parce qu’elle représente quelque chose de nouveau dans l’industrie française : une femme noire, avec des formes. »

Suggestion suggérée par Thomas Jolly

Daphné Weil, manager d’artistes rap depuis quinze ans, confirme : « Dans cet environnement, les femmes n’ont pas droit au même traitement préférentiel que les hommes. Les chanteurs de R’n’B se comptent sur les doigts d’une main en . Nous sommes obligés de développer des programmes de soutien pour les encourager. Il y a un blocage chez les auditeurs, qui résistent au fait qu’une femme rappe. Pour Aya, il y avait un contexte avantageux, car les musiques urbaines prenaient de plus en plus de place, c’est le premier genre écouté en France. »

En février, Aya Nakamura avait les honneurs de l’Élysée, invitée par le président de la République. Ce jour-là, Emmanuel Macron la reçoit dans son bureau pour lui proposer de se produire lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, suggestion que lui suggère Thomas Jolly, directeur artistique de l’événement. La discussion dure une trentaine de minutes, le temps pour le président et la chanteuse d’évoquer l’éventualité d’une reprise d’Edith Piaf, L’hymne à l’amour Par exemple. L’interview, révélée par le journal L’Expressprovoque des réactions haineuses de la part de l’extrême droite, qui ne supporte pas qu’une femme noire puisse représenter la France.

Le petit groupe raciste Les Natifs arbore une banderole sur les quais de Seine avec ces mots écrits : “C’est pas possible Aya, c’est Paris, pas le marché de Bamako.” Marion Maréchal suit, déclarant : « Cette femme ne chante pas en français, elle ne représente pas la langue française. » Marine Le Pen y voit un « provocation supplémentaire d’Emmanuel Macron ». Ajoutant, tout aussi insultant : “Ce n’est pas un joli symbole” ciblant le “la vulgarité” supposé par Aya Nakamura, concluant : « Elle chante on ne sait quoi. Ce n’est pas un métissage, c’est un non-sens. » De quoi multiplier les attaques contre la chanteuse, qui, depuis ses débuts, doit faire face au racisme virulent d’une minorité très active sur Internet. Le 25 avril, lauréate de trois prix lors de la cérémonie des Flammes, qui récompense les artistes rap et R’n’B, au théâtre du Châtelet à Paris, Aya Nakamura a pris la parole. Cheveux bleus, talons aiguilles, sourire triomphant, elle fait plusieurs fois allusion à cette odieuse discrimination et est longuement applaudie. “Ce trophée est pour tous les “Renois” et les petites filles qui me regardent, dit-elle. Nous sommes venus de loin. » Déclarant : « Être une artiste noire venant de banlieue est très difficile. »

Pour se protéger et garder le contrôle, Aya Nakamura a choisi d’être sa propre manager. Elle gère sa carrière sur WhatsApp, à travers un groupe de discussion dédié à son label, Rec. 118, un autre dédié aux marques avec lesquelles il signe des partenariats, Balenciaga autrefois, Lancôme ou les jeux vidéo Fortnite, un tiers pour les tour-opérateurs et organisateurs de ses concerts. Dans son équipe : un styliste, un coach de scène, un chorégraphe, un avocat. Passionnée de mode, c’est elle qui a proposé, en 2019, un rapprochement avec la maison montante, Jacquemus, dont elle aime porter les créations. “Elle est la patronne,” on parle de celle qui a l’habitude de s’enfermer en studio, avec musiciens et arrangeurs, pour chercher ses « toplines », les mélodies fredonnées avant d’écrire les paroles, les hits en devenir.

A l’aise parmi les grands de ce monde

Une gestion directe donc, avec peu d’intermédiaires, ce qui n’empêche pas le blocage de son entourage, quasi impossible à contacter, comme s’il avait peur de prendre la parole pour raconter l’histoire de sa star. Même l’attachée de presse qui la suit refuse de parler. En dix ans, Aya Nakamura n’a accordé que quelques interviews, à des médias audiovisuels spécialisés, ou à des magazines de mode, Vogue, Vanité Équitable, GQ. Sur France Inter, elle se dit victime de violences conjugales de la part du père de sa fille aînée, Aïcha, 8 ans.

Aujourd’hui en couple avec Vladimir Boudnikoff, réalisateur de clips et père de son deuxième enfant, Ava, née il y a deux ans, elle a quitté le 93 pour une commune voisine, en Seine-et-Marne. Elle conduit sa propre voiture, nous dit-on, s’occupe de ses filles, passe ses soirées en famille ou avec ses amis d’enfance, ces fidèles en qui elle accorde sa confiance. S’aventure parfois dans les restaurants cossus de la capitale, à l’aise parmi les grands de ce monde, comme cette nuit du 23 avril où on la voit, sur une vidéo TikTok, faire la fête avec et Hélène Arnault. Début 2023, lors de la sortie de son quatrième album, c’est au tribunal de Bobigny que les fans retrouvent Aya Nakamura. Elle y a été condamnée, avec son compagnon, à 10 000 euros d’amende pour « violences réciproques sur conjoint », à la suite d’une dispute nocturne où le couple a échangé des coups. L’épisode ne semble pas ternir la réputation de l’artiste, dont les pièces les plus récentes, Papa, Bébé Ou SMS, sont des célibataires certifiés or. Devant son ancien immeuble d’Aulnay, une jeune fille sourit : « Nous sommes tellement fiers d’elle ! »

 
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