Jean-Michel Bertrand, un cinéaste sur les traces des loups

Jean-Michel Bertrand, un cinéaste sur les traces des loups
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L’endroit est à couper le souffle. Dans la vallée alpine du Champsaur, une cabane en bois se niche sous le rocher montagneux à plus de 2 000 mètres d’altitude. De ce lieu perdu dans le massif des Écrins et hors du temps, Jean-Michel Bertrand en a fait son “cocon”. « Certes un peu spartiate, mais avec une vue imprenable. » Pendant quatre ans, le cinéaste s’y réfugie plusieurs jours par semaine pour être au plus près de son protagoniste préféré : canis lupus – « symbole de la nature sauvage » selon lui ; « terroriste des montagnes » selon d’autres –, plus connu sous le nom de ” loup “.

De ces longues heures d’observation est né Vivre avec les loups, son dernier long métrage sorti en salles le 24 janvier, dernier volet d’une trilogie de films sur le canin. Jean-Michel Bertrand a commencé à le tourner en 2010 dans cette vallée où il est lui-même né en 1959. Après vallée des Loups (2016) et Marcher avec les loups (2019), où il se concentre sur sa rencontre avec le mammifère réapparu en France dans les années 1990, il a souhaité changer de perspective et aborder l’épineuse question de la cohabitation avec l’humain. Et ce en tendant le micro à ceux qui vivent sur son territoire : éleveurs, élus locaux, chasseurs, scientifiques…

« Tirer sur le loup ne sert à rien »

« Le loup est devenu éminemment politique »observe le cinéaste, fidèle à son look d’homme des bois, indissociable de sa casquette et de sa simplicité naturelle. Rencontré loin des paysages bucoliques des Alpes, dans le café d’un hôtel parisien entre deux projections de films, il dénonce « l’exploitation de cet animal par une minorité du monde agricole et des lobbies cynégétiques, qui proposent une régulation inefficace ».

“Tirer sur un loup à problèmes n’est pas un problèmeil défend. Mais réclamant son élimination, la science dit : cela ne sert à rien. Tuer beaucoup de loups crée le chaos : on incite l’animal à se reproduire davantage, on déséquilibre les espaces des meutes… » En donnant la parole aux acteurs de terrain, notamment aux bergers victimes des loups en quête de solutions, Jean-Michel Bertrand présente son film comme un « un outil pour dépasser le débat stérile « pour et contre » et réfléchir à la manière de vivre avec.

Jusqu’à devenir “Monsieur Loup”, un surnom qu’il dit porter aujourd’hui malgré lui. Cette passion pour le monde animal remonte à son enfance et à cette rencontre avec un vieux naturaliste de son village qui lui a donné le goût d’observer, de décrire et de photographier ce « la nature, mais pauvre en [son] ère “. « Il n’y avait pas d’ongulés à l’exception de rares chamoisdit-il à voix basse. C’était la fin d’une période où les chasseurs pratiquaient de nombreuses récoltes. Aujourd’hui, la nature a repris ses droits. »

Dans les coulisses d’un film sur un animal sauvage

Abandonnant l’école à 16 ans, il devient saisonnier avant de découvrir « Connaissance du monde », un réseau de ciné-conférences francophone sur le voyage. Après un tournage en Haïti comme assistant, il s’empare lui-même de la caméra et entame une tournée mondiale : Islande, Irlande, Mongolie… “Je tournais, je gagnais beaucoup d’argent et je vivais beaucoup d’aventures”, se souvient celui qui, en revanche, n’a jamais résolu de quitter définitivement sa vallée natale. En 1985, il rencontre Mylène, son épouse, avec qui il vit toujours à Saint-Bonnet-en-Champsaur.

Après la naissance de leur fils Sacha, en 1995, le réalisateur a souhaité rompre avec cette « un cinéma commercial qui propose des voyages par procuration ». Plutôt que l’exotisme, il se recentre sur son échelle : sa vallée, sa passion pour la nature. “Je ne voulais pas faire un documentaire animalier ordinaire, souligne-t-il. Mais racontez comment vous avez monté un film sur un animal sauvage, racontez l’histoire dans les coulisses. »

Rencontre avec le loup… et l’homme

En 2010, il réalise Vertige d’une rencontre où il suit l’aigle royal. Puis son regard se porte naturellement sur le loup. ” Je n’en savais rien, admet-il avec un sourire. Mais c’est ce qui m’intéressait : partir à sa recherche, montrer comment on l’aborde… » Un défi pour le moins ambitieux : « En personne, je ne les vois que deux ou trois fois par an. ». Pour réaliser ses films, il utilise les images de caméras à détecteurs de mouvement disséminées dans la vallée, et alterne semaines de solitude et semaines de tournage en présence d’une équipe.

Depuis octobre, Jean-Michel Bertrand a quitté sa cabane et sillonne les routes de France. Il a assisté à plus d’une centaine de projections. « En général, on arrête les rencontres avec le public au moment de la sortie. Il continue. Il l’a dans le sang », partage son producteur, Jean-Pierre Bailly.

Cependant, toutes ne se sont pas déroulées dans le calme. Plusieurs manifestations et violences d’éleveurs ont eu lieu à l’encontre du cinéaste ; les séances ont même été interdites dans les Alpes-Maritimes. Hormis ces exceptions, le réalisateur témoigne d’un accueil favorable du film par ” les citoyens “. « Entre adultes et enfants, nous avons eu de grands débatsil se réjouit. Ils se demandent comment cohabiter avec cet animal sauvage. »

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Ses raisons d’espérer

« Même s’il y a encore de l’obscurantisme, j’observe une prise de conscience chez les citoyens. Ils ont une longueur d’avance sur les politiciens. La façon dont nous regardons l’environnement entre mes 20 ans et aujourd’hui, c’est comme le jour et la nuit ! Mais surtout, mes films trouvent un grand écho auprès des enfants : j’ai un vrai fan club ! Cela me fait plaisir de ressentir cette énergie, cette sincérité chez les jeunes générations qui s’interrogent sur notre rapport à la nature, sur le climat… L’espoir est là et il ne peut qu’être là : ce sont eux qui peuvent changer le monde. »

 
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