à Nancy, l’INRS œuvre pour prévenir les nouveaux risques professionnels

Conditionnées par un environnement technologique en constante évolution, la nature et l’organisation du travail évoluent également en permanence. Si les métiers et des pans entiers de l’économie évoluent progressivement, les risques qui leur sont associés se transforment également, créant la nécessité pour les pouvoirs publics, les syndicats et les entreprises de comprendre et d’anticiper ces transformations. Des changements étudiés par l’INRSle principal organisme de recherche en France dédié à la prévention des risques professionnels.

Nanomatériaux : la toxicité à l’étude

À l’invitation de l’INRS, une quarantaine de syndicalistes de notre organisation ont pu visiter les laboratoires de l’Institut, le 3 avril, sur le site de Nancy de l’établissement. A cette occasion, ils étaient également accompagnés du président de la CFTC, Cyril Chabanier, qui a rappelé la centralité du rôle de l’INRS dans la prévention des risques professionnels : « Pour la CFTC, innovation et progrès technologique peut favoriser l’épanouissement des employés au travail. Néanmoins, il est impératif que ces évolutions soient encadrées et standardisées : parfois, certains acquis peuvent eux-mêmes générer de nouvelles difficultés. C’est là que le travail de prévention et d’anticipation de l’INRS prend tout son sens pour nous, syndicats : grâce à lui, nous pouvons comprendre aussi bien les avantages que les inconvénients des transformations technologiques et des organisations du travail.. »

Tout d’abord, la délégation a pu se familiariser avec les recherches relatives à l’étude des nanoparticules et des nanomatériaux. Peu connus du grand public, ces matériaux microscopiques sont pourtant industriellement incorporés dans la composition de nombreux produits du quotidien : médicaments, produits de construction, cosmétiques, téléphones portables, etc. De par leur taille, ils peuvent ainsi envahir les organismes, notamment via l’appareil respiratoire. . ” C’est là que se pose la question de l’éventuelle toxicité de ces nanomatériaux pour les salariés qui les manipulent., explique Benoit Courrier, responsable du service Métrologie des Polluants. C’est ce que nous étudions ici. »

L’Institut dispose d’une batterie d’appareils capables de générer des nanoparticules, en contrôlant leur taille et leur nombre, afin de mesurer le niveau potentiel d’exposition des salariés à ces éléments. ” De nombreux travaux de recherche restent à mener pour déterminer le danger précis que l’on pourrait attribuer à ces particules, précise Benoît Courrier. Par exemple, on sait que le dioxyde de titane, largement utilisé dans la construction, (on le retrouve notamment dans la composition de certaines peintures industrielles ou revêtements de signalisation routière) est potentiellement nuisible. Mais aujourd’hui, aucune réglementation ne définit de valeur limite d’exposition à ce type de composés. » Un déficit normatif que les recherches de l’INRS pourraient à terme contribuer à combler.

Sécuriser la collaboration homme-machine

Autre centre de recherche de l’Institut : risques imputables aux robots collaboratifs, dont l’utilisation est déjà réglementée par la législation européenne. Contrairement aux robots industriels traditionnels, qui n’interagissent pas avec les salariés, ces machines sont conçues pour travailler à proximité des opérateurs ou en contact direct avec eux. Leur développement et leur sophistication croissante nécessitent d’anticiper les organisations de travail et les protocoles de sécurité qui leur sont spécifiques, pour protéger au mieux les travailleurs. Pour cela, l’INRS dispose de ses propres robots collaboratifs, afin de reproduire des situations et des configurations de travail où les salariés seraient susceptibles d’interagir avec ces appareils autonomes. Le système présenté aux représentants de la CFTC le 3 avril simulait ainsi un partage de tâches entre un opérateur et un robot, typique des procédés d’assemblage que l’on retrouve dans l’industrie.

Ici l’objectif est d’assembler un cube, en emboîtant différents rouages ​​dans un ordre précis, décrit Jean-Christophe Blaise, expert INRS en robotique collaborative. Ensuite nous positionnons un capot et mettons en place des vis, ces tâches étant réparties entre le robot et l’opérateur. Il existe donc un espace partagé entre l’homme et la machine, cette dernière échangeant des pièces. » Quoi suppose donc d’anticiper un certain nombre de paramètres : à quelle vitesse le robot doit-il travailler pour s’adapter au rythme de travail du salarié ? Comment assurer sa sécurité ? Travailler avec le robot génère-t-il de l’appréhension et du stress pour le travailleur humain ? ” Le cas échéant, ce robot est équipé d’un scanner laser : dès que l’opérateur franchit un mur virtuel, le robot s’arrêtera, afin d’éviter tout contact avec l’opérateur. », poursuit Jean-Christophe Blaise. La zone partagée entre la machine et l’opérateur nécessite cependant des précautions particulières : « Ce robot est équipé d’un système de limitation de puissance : dès qu’une certaine force est exercée sur l’opérateur, il s’arrête automatiquement. Cette force est déterminée par des normes préétablies en amont. »

Contrôler et limiter le bruit en espace ouvert

Finalement, c’est dans l’impressionnante salle anéchoïque de l’INRS que la délégation CFTC a achevé sa visite de l’Institut. Dans cette chambre anéchoïque – dont les parois absorbent les ondes sonores afin de simuler la situation d’un espace ouvert – les chercheurs peuvent réaliser des mesures très précises, sans que le moindre bruit extérieur ne puisse perturber leurs tests. Si les employeurs sont légalement tenus de respecter un certain nombre d’obligations lorsque leurs salariés sont exposés à des bruits nocifs (pour rappel, l’exposition à partir de 80 décibels pendant 8 heures est le premier seuil exigeant la mise en place de mesures de prévention), d’autres enjeux sonores liés aux évolutions dans le monde du travail sont étudiés par l’INRS. ” Récemment, par exemple, nous avons simulé et évalué la fatigue ressentie par six personnes travaillant dans un environnement open space au cours d’une journée de travail.illustre Patrick Chevret, responsable du laboratoire d’acoustique du travail de l’INRS. « Nous les avons fait travailler en les confrontant à différents environnements auditifs plus ou moins intelligibles – tantôt brouhaha, tantôt silence relatif. Nous avons notamment pu démontrer qu’outre le niveau sonore, c’est l’intelligibilité du bruit – par exemple, si vous entendez clairement les conversations de vos collègues – ce qui génère un inconfort : la charge cognitive augmente en fonction de ce facteur. »

L’aménagement des espaces ouverts influence également la tolérance au bruit des salariés : « Nos recherches tendent à démontrer que, dans un espace ouvert, il vaut mieux regrouper les personnes qui ont la même activité, poursuit Patrick Chevret. Le niveau de concentration requis par les différentes tâches ou métiers est en effet très hétérogène : « Certaines de ces missions, si elles sont réalisées côte à côte, ne cohabiteront pas bien, ce qui peut accroître la lassitude professionnelle.. » Paradoxalement, certains open space n’ont pas vocation à répondre à cette organisation dite « business » : « La possibilité de travailler aux côtés de personnes qui vous plaisent peut permettre d’accepter l’idée d’open space dans certaines entreprises, Cyril Chabanier rebondit. Il faut donc jongler entre ces besoins sociaux en entreprise, qui sont fondamentaux, et la nécessité d’une organisation du travail plus réfléchie, qui préserve les salariés d’une charge cognitive générée par le bruit. » Ce qui rappelle aussi que la démarche de l’INRS est naturellement associée à celles des partenaires sociaux : il appartient à ces derniers – via le dialogue social – de continuer à favoriser la mise en œuvre des normes, précautions et solutions étudiées par l’Institut, pour minimiser risques physiques et psychosociaux en entreprise.

CA

 
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