Quel est le problème avec le Nutri-Score ? – .

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Le système d’étiquetage nutritionnel à cinq lettres et cinq couleurs fait l’objet d’un débat à Berne. Une motion, acceptée par les deux Chambres, charge le Conseil fédéral d’adopter les bases juridiques de l’utilisation du Nutri-Score afin « d’éviter ses effets problématiques ».

Les critiques du Nutri-Score soulignent que les aliments ultra-transformés obtiennent de bonnes notes. © Charly Rappo

Les critiques du Nutri-Score soulignent que les aliments ultra-transformés obtiennent de bonnes notes. © Charly Rappo

Publié le 27/03/2024

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Le Conseil fédéral devra adopter les bases juridiques pour « mettre fin à l’utilisation problématique du Nutri-Score ». En effet, approuvée par la Chambre haute en juin 2023, une motion de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des Etats visant à encadrer le fameux score nutritionnel a passé la barre du Conseil national lors de la dernière session de printemps. Mais quelles sont les critiques adressées à ce système d’étiquetage coloré des aliments, même s’il est présenté comme une « boussole du choix alimentaire » ? Éclairage.

1. Qu’est-ce que le Nutri-Score ?

Nutri-Score est un système d’étiquetage alimentaire, initialement introduit par le gouvernement français via Santé publique France en 2016. Il a ensuite été adopté par d’autres pays européens et par la Suisse en 2019. Ce système permet aux producteurs d’apposer volontairement un étiquetage sur leurs produits indiquant le composition nutritionnelle utilisant une échelle de couleurs allant de A (vert foncé, pour les produits de haute qualité nutritionnelle) à E (rouge, pour les produits de haute qualité nutritionnelle). faible qualité nutritionnelle).

Le Nutri-Score est calculé à partir du contenu énergétique ainsi que des nutriments favorables et défavorables des aliments. Les éléments favorables comprennent les fibres alimentaires, les protéines, les légumes, les fruits, les noix, les légumineuses et certaines huiles. À l’inverse, les éléments défavorables comprennent la teneur énergétique (calories), les sucres, le sel et les acides gras saturés.

L’algorithme Nutri-Score permet aux consommateurs de comparer des produits nutritionnellement similaires : yaourt avec yaourt, pizza avec pizza (lire l’interview ci-dessous).

2. « Trop réducteur »

Présenté ainsi, le Nutri-Score semble être un allié de taille pour guider les gourmets dans les méandres des supermarchés. Mais les auteurs de la motion ne sont pas d’accord. Ces derniers jugent l’outil « trop réducteur ». Selon eux, le Nutri-Score ne prend pas ou insuffisamment en compte le degré de transformation des produits, la présence d’additifs, le mode de production ou encore la notion de durabilité. Autant de « lacunes qui ont des effets problématiques sur le marché et rendent nécessaires des clarifications juridiques ». Ils soulignent également la nécessité de graver dans le marbre le caractère facultatif du Nutri-Score.

“Les produits naturels risquent d’être désavantagés par le Nutri-Score”, a argumenté Alois Huber devant l’assemblée. Et le conseiller national (udc), agriculteur, d’ajouter : « À titre d’exemple, j’aimerais comparer le pur jus de pomme avec le Coca Zéro. Avec cet étiquetage, le jus de pomme naturel prend la couleur orange (D) car il contient trop de fructose tandis que le Coca Zero est classé vert clair (A). Les éventuels additifs nocifs tels que la caféine ou les édulcorants sont ici totalement exclus. En tant qu’agriculteur, plusieurs offices fédéraux m’obligent à planter de grands arbres dans mes champs. Mais au même moment, un autre office fédéral me dit que mon jus de pomme ne peut être qualifié que d’orange…»

3. « Des lois inutiles »

Rapporteur de la Commission nationale de la science, de l’éducation et de la culture qui, comme le Conseil fédéral, avait demandé le rejet du texte, Emmanuel Amoos rétorque : « Tous les points soulevés dans la motion sont déjà appliqués aujourd’hui, et ça, attendez : sans aucune base légale. À mon avis, on risque d’alourdir la bureaucratie en ajoutant des lois inutiles. Si les novateurs souhaitent supprimer l’utilisation du Nutri-Score en Suisse, ce qui me semble être l’objectif premier de cette motion, il faudrait le dire clairement et surtout proposer un autre système pour aider les consommateurs à faire leurs choix.»

Le socialiste valaisan ajoute également que le Nutri-Score est la propriété exclusive de Santé publique France, “un organisme sur lequel la réglementation suisse n’aura absolument aucun effet”. « Le Nutri-Score doit être utilisé selon les conditions de Santé Publique France. Si la Suisse fixe des règles différentes, le Nutri-Score ne pourrait plus être utilisé en Suisse», confirme Yasmin Matthys, porte-parole du Département fédéral de l’intérieur (DFI).

Dès lors, comment l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), en charge du dossier, compte-t-il satisfaire les demandes des déménageurs malgré une marge de manœuvre visiblement réduite ? « L’OSAV a pris note de la décision du Parlement. Comme l’a indiqué le Conseil fédéral dans sa réponse à la motion, les exigences de la motion sont en principe déjà satisfaites. Nous analyserons si d’autres adaptations sont nécessaires et déciderons des prochaines étapes », répond le porte-parole.

La mise en œuvre du texte reste donc, à ce stade, floue. Mais pour le DFI, une chose est sûre: «A l’heure actuelle, la suppression du Nutri-Score en Suisse n’est pas en discussion. Nous nous concentrons plutôt sur son développement.

4. Agir différemment

Et pour perfectionner l’outil sans passer par une législation, il existe d’autres voies : « Si on veut développer le Nutri-Score, il faut agir de l’intérieur. La Confédération est présente au sein du comité directeur international», rappelle Emmanuel Amoos.

Selon Elisabeth Baume-Schneider, des demandes émanant d’entreprises ou d’associations faîtières suisses, dont l’Union suisse des agriculteurs et Fruit-Union Suisse, ont ainsi été soumises, évaluées et en partie reprises par le comité scientifique international Nutri-Score. . Et le conseiller fédéral a rappelé que l’algorithme est régulièrement adapté en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques. Dernière révision : depuis le 1euh En janvier, la recette Nutri-Score prend entre autres en compte davantage d’édulcorants. Avec ce nouveau mode de calcul, 30% des produits devraient changer de catégorie de 1euh avril.

Des oppositions ailleurs aussi

Le 11 mai 2023, un groupe de 320 scientifiques et professionnels de la santé internationaux a publié un rapport de 60 pages appelant la Commission européenne à « proposer, dans les plus brefs délais, une législation visant à adopter un étiquetage nutritionnel interprétatif obligatoire à l’échelle de l’Union européenne ». qui s’appuie sur la science, comme c’est le cas du Nutri-Score. Au sein des milieux de la santé publique, il existe donc un large consensus en faveur du Nutri-Score.

Mais du côté des opposants, également nombreux, une révolte s’organise pour bloquer l’adoption généralisée du logo à cinq lettres et cinq couleurs. L’intervention discrète de la Santé Publique sur le marché irrite certains acteurs de l’agro-industrie, et notamment les producteurs de produits locaux qui crient à la discrimination. Pour bénéficier du label AOP, le Gruyère doit par exemple contenir au moins 49 % de matières grasses, ce qui lui confère un Nutri-Score rouge repoussant. Entre appellation d’origine contrôlée ou étiquetage nutritionnel attractif, il faut choisir.

Un bonnet d’âne pour le Gruyère

L’Italie, qui possède le plus grand nombre de produits labellisés AOP et IGP en Europe, est en tête du mouvement visant à ralentir la généralisation du Nutri-Score.

Dans ce contexte, la proposition législative bruxelloise d’étiquetage harmonisé, initialement prévue pour fin 2022, tarde à être dévoilée. A l’approche des élections européennes du printemps 2024, de nombreux observateurs craignent que le dossier soit reporté à la prochaine législature, voire abandonné.

“Comparez les aliments d’une même catégorie”, rien de plus

Simon Besse © DR

Le Nutri-Score est présenté comme un outil simple à comprendre, mais en réalité, de nombreux consommateurs le lisent mal… Comment lire correctement le Nutri-Score ?

Simon Besse : Ce que l’on ignore souvent, c’est que le Nutri-Score sert à comparer les aliments d’une même catégorie et non à dire si l’aliment est bon en soi. Par exemple, si les céréales Nesquik ont ​​un Nutri-Score A ou B, cela signifie que parmi la gamme des céréales du petit-déjeuner, elles sont les meilleures – ou les moins pires – car elles contiennent moins de sucre et plus de fibres que les céréales Nesquik. autres.

Vu sous cet angle, le Nutri-Score profite aux consommateurs. Alors qu’est-ce qu’on lui reproche ?

Contrairement à d’autres labels, le Nutri-Score a été créé par des chercheurs et des médecins dans l’intérêt des consommateurs et de la santé publique. Mais malgré son fondement scientifique, on lui reproche régulièrement d’être réducteur car il ne prend en compte que la valeur nutritionnelle pour 100 g d’aliment. La taille des portions, le nombre, la qualité et le degré de transformation des ingrédients, la présence d’additifs ou encore de conservateurs ne sont pas pris en compte dans le calcul. Par ailleurs, le Nutri-Score profite également à certains fabricants, qui ont su jouer avec l’algorithme pour améliorer le score des produits.

Ce est-à-dire?

Pour être bien noté, il suffit d’ajouter aux produits quelques vitamines et fibres isolées ou encore de remplacer les sucres par des édulcorants (même si ce point est susceptible d’évoluer). C’est ainsi que de nombreux aliments ultra-transformés obtiennent un bon Nutri-Score. Enfin, comme le Nutri-Score n’est pas obligatoire, certains fabricants décident tout simplement de le supprimer de leurs produits s’ils sont mal notés. C’est le cas de la marque Bjorg, qui a supprimé le logo de ses produits depuis les changements d’algorithme en janvier 2024.

Au final, quel indicateur est le plus fiable pour adopter une alimentation saine ?

L’utilisation du Nutri-Score est principalement encouragée par les professionnels de la nutrition, mais elle fait également débat. Il convient donc à mes yeux de distinguer la valeur ajoutée en termes de santé publique et pour le consommateur dans ses choix quotidiens. Le Nutri-Score a démontré son efficacité en termes de santé publique dans plusieurs études par rapport à d’autres logos. Pour le consommateur, il n’est cependant pas recommandé pour faire de bons choix en magasin car il n’incite pas à la lecture des étiquettes et n’apporte donc pas de valeur ajoutée en termes d’éducation nutritionnelle. Il en va de même pour la désormais célèbre application Yuka car la qualité d’un aliment se reflète essentiellement dans la liste des ingrédients. Décrypter ce qui se cache derrière les étiquettes sans attendre une partition ou une application est donc primordial.

Le Nutri-Score vaut-il la peine d’être abandonné ?

Le Nutri-Score est un nouvel outil et a prouvé qu’il pouvait évoluer, comme le montre la révision de l’algorithme cette année. Il est donc possible qu’il soit amélioré dans les années à venir. Mais le consommateur ne doit pas se fier uniquement à cet outil pour prendre le contrôle de son alimentation.

 
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