dernier dîner, derniers adieux

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Le dîner s’est terminé dans la quiétude du Voltaire, immuable restaurant des bords de Seine. L’avocat et écrivain François Gibault avait invité son confrère Charles Consigny, l’auteur de ses lignes et Frédéric Mitterrand.

Nous étions le 2 février 2024, Rachida Dati avait été nommée ministre de la Culture trois semaines plus tôt et son lointain prédécesseur continuait de la soutenir, même par petits groupes.

Sa conversation était brillante : la Villa Médicis, Nicolas Sarkozy, son enfance, le cinéma, De Gaulle, Maurice Druon, le Prince Albert de Monaco, Louis-Ferdinand Céline…

Il me reste six mois à vivre.

Frédéric Mitterrand, début février

Frédéric Mitterrand avait avalé de bon coeur une salade de champignons, un poussin accompagné de purées et de frites, des fruits rouges garnis de glace vanille, et bu plusieurs verres de « Blason d’Issan » quand soudain il fronça les sourcils.

« Il me reste six mois à vivre », dit-il à voix basse. J’étais assis exactement en face de lui. Abasourdi, je lui ai demandé avec les précautions d’usage ce que signifiait cette phrase.

Le reste après cette annonce

Maladie, déca et on parle d’autre chose

Un cancer agressif le tourmentait, la fin était inévitable, mais il a été bien soigné et n’a pas souffert. « Je ne ressens rien, juste très fatigué. » Bêtement, je lui ai rétorqué que « le pire n’était jamais certain », qu’il avait une belle apparence, un bon physique et que son appétit plaidait en faveur d’une santé moins défaillante qu’il ne semblait le dire. Il a fait un sourire triste, a commandé un déca et nous sommes partis…

Nous avons repris notre discussion parisienne : Eugène Claudius Petit, le ministre de la Reconstruction de la Quatrième République, ses problèmes d’argent, son frère Olivier qu’il chérissait, son prochain livre qu’il espérait avoir le temps de terminer et qui serait l’un des plus mélancolie qu’il ait jamais publiée.

Même pas six mois

Du coup, j’observais Frédéric Mitterrand d’un autre œil et je l’écoutais d’une oreille plus attentive… Parfois sa mémoire, que je savais précise, lui faisait défaut. Il utilisait un mot à la place d’un autre, ne parvenait pas à trouver le nom d’un ministre en particulier ou de cet artiste. Pas plus, mais c’était déjà beaucoup.

Le dîner se termine, nous nous séparons en nous promettant de nous retrouver au sein de ce même équipage au printemps. L’ancien ministre de la Culture est assis dans la petite voiture de François Gibault. Il me fait un petit signe de la main. Ce sera le dernier.

 
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