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Décryptage Les récentes déclarations de Michel Barnier et de son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ont remis sur la table l’avenir incertain de l’AME. Tour d’horizon des risques d’une telle décision, et des marges de manœuvre du gouvernement.
C’est l’une des choses préférées de la droite traditionnelle et de l’extrême droite. Invité sur le plateau de TF1 le 23 septembre, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a rouvert le dossier de l’Aide médicale de l’État (AME), un système d’accès gratuit aux soins pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire français. En ligne de mire : la transformation du dispositif en “aide médicale d’urgence” (AMU) dont les conditions d’application reposent uniquement « sur des critères d’urgence, et non plus sur un accès trop débridé ». Des propos légitimés par le Premier ministre Michel Barnier qui, la veille, avait déclaré que la suppression de l’AME n’était pas possible. “ni totem ni tabou”.
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Ce n’est pas la première fois que le système est remis en question. Créée par Bernard Kouchner et Martine Aubry sous le gouvernement Jospin en 2000, l’AME est l’héritière de « assistance médicale gratuite »créée en 1893 pour aider les plus démunis. Elle s’adresse alors aux personnes malades, âgées ou handicapées… sans distinction de nationalité. Aujourd’hui menacée, l’AME est défendue par des spécialistes de tous bords politiques. Mais de quoi parle-t-on réellement ?
• Qu’est-ce que l’AME ?
L’AME garantit aux étrangers en situation irrégulière sur le territoire français la gratuité des soins médicaux, dans la limite des tarifs de la sécurité sociale, à deux conditions :
- Présence en France depuis au moins trois mois sans disposer d’un titre de séjour.
- Revenu inférieur à 847 euros par mois.
La demande doit être renouvelée chaque année.
Si le nombre de demandeurs a augmenté en même temps que le nombre de sans-papiers en France, il reste relativement limité par leur méconnaissance des démarches administratives. À tel point que selon une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), près de la moitié des demandeurs ne revendiquent pas leurs droits. En 2023, 466 000 personnes bénéficieraient du dispositif, soit 0,6 % de la population couverte par l’Assurance Maladie.
A quelques exceptions près (comme les cures thermales ou PMA), l’AME permet la prise en charge des soins médicaux et hospitaliers parmi une large gamme de soins : médicaments remboursés, contraception, IVG, soins médicaux et dentaires, frais d’hospitalisation. hospitalisations, vaccinations ou certains dépistages… Mais le coût total du système reste néanmoins relativement marginal. En 2024, son enveloppe s’élève à 1,2 milliard d’euros – soit 0,5 % des dépenses de santé prévues par le budget de la Sécurité sociale.
En plus de pointer le coût financier du système, les détracteurs de l’AME déplorent “attraction” que le système exercerait contre les migrants. Des arguments repris par un amendement porté par le groupe des sénateurs Les Républicains, présidé par Bruno Retailleau, et voté au Sénat en novembre 2023. Destiné à remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence (AMU) aux contours plus restreints (maladie grave, grossesse). , vaccination), le projet est finalement rejeté trois semaines plus tard en commission par les députés. Avant d’être exclu de la loi sur l’immigration votée en décembre dernier. A l’époque, la Première ministre Elisabeth Borne s’était engagée par écrit à une « réforme » du système sur la base d’un rapport qu’elle avait commandé à deux personnalités : l’ancien ministre socialiste de la Santé Claude Evin et l’ex-préfet et député des Républicains Patrick Stefanini. .
Leurs conclusions ? Selon eux, le passage à une AMU « contient un risque important de renoncement aux soins »en raison de l’instauration du droit de timbre et des incertitudes liées à la reconnaissance du caractère grave d’une maladie. S’il plaide pour le maintien du système, Patrick Stefanini affirme, au « Nouvel Obs », qu’il pourrait être amélioré dans son fonctionnement. Il regrette notamment que certains bénéficiaires puissent « profitez de l’aide d’urgence et bénéficiez ensuite d’une couverture gratuite pour les infections de longue durée ». Une situation dans laquelle le haut responsable propose la mise en place d’un « vérification de la possibilité ou non, pour le demandeur, d’être pris en charge dans son pays d’origine ».
• Quels sont les risques liés au passage à l’aide d’urgence ?
Non recommandé par les professionnels de santé, le passage à un système strictement réservé aux cas d’urgence répondrait à « un raisonnement dont les prémisses sont déformées »» déclare le député et ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau au « Nouvel Obs ». A ceux qui reprochent à l’AME de proposer gratuitement « confort et soins esthétiques » à ses ayants droit, l’ancien macroniste, récemment entré à Place Publique, répond que« aucun réfugié ne traverse la Méditerranée pour avoir un anneau gastrique ». D’autant plus que ce scénario, « résolument en marge », est réservé uniquement aux cas d’obésité morbide “qui concernent la survie”. Les récentes déclarations de Michel Barnier et de son ministre de l’Intérieur ne seraient donc pas un seul chemin “pour envoyer un nouveau signal de sympathie au RN”, dont le porte-parole Laurent Jacobelli s’est récemment prononcé en faveur de la suppression de l’AME.
De quoi inciter huit anciens ministres de la Santé de différents bords politiques – de la socialiste Marisol Touraine au gaulliste Roselyne Bachelot, via le macroniste Olivier Véran – pour dénoncer, dans une tribune publiée dans « Le Monde » le 26 septembre, la «des risques considérables pour la santé publique» ce que représenterait la suppression du système. Les cosignataires mettent en garde contre deux risques majeurs :
- Les coûts supplémentaires qu’impliquerait le transfert des soins de la médecine communautaire vers le système hospitalier
- L’augmentation des risques épidémiologiques si les infections ne sont pas gérées de manière préventive.
« Nous sommes des personnes très différentes, mais nous avons tous la même conclusion, qui n’est pas idéologique mais rationnelle : il ne faut pas toucher à l’AME »conclut Aurélien Rousseau. De son côté, et s’il estime qu’un passage de l’AME à l’AMU ne serait pas une solution “pas totalement impossible”Patrick Stefanini estime que ce serait « Il est peu probable que les hôpitaux soient suffisamment solides pour résister à une nouvelle surpopulation des salles d’urgence ».
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• Quelle marge de manœuvre pour le gouvernement Barnier ?
Le gouvernement peut-il décider de supprimer l’AME sans passer par l’Assemblée nationale ? Si Bruno Retailleau lui suggérait “ne s’est pas abstenu de prendre un certain nombre de mesures” sur ce système, il ne dispose que de marges de manœuvre très limitées. Par décret, elle ne pourrait user de son pouvoir réglementaire que pour restreindre les maladies pour lesquelles l’AME s’applique. Mais cette liste, déjà resserrée par une réforme du gouvernement d’Edouard Philippe en 2019, n’est pas « infiniment compressible »specifies Aurélien Rousseau.
“Philippe ne pouvait franchement pas aller plus loin que ce qu’il a fait, et même lui était assez raisonnable pour s’arrêter à ce stade”.
À l’inverse, tout projet de réforme plus profond, comme une redéfinition des titulaires de droits, relève du pouvoir législatif. Et nécessiterait donc d’obtenir une majorité de députés au Palais Bourbon. Un scénario improbable, d’autant que la nouvelle ministre de la Santé, Modem Geneviève Darrieussecq, ne serait a priori pas vraiment partante pour se lancer dans une telle aventure. En novembre 2023, elle est signataire d’un article défendant l’AME, publié dans « La Croix ». Et le médecin, originaire des Landes, n’aurait pas “pas d’opposition” à la plateforme initiée par Aurélien Rousseau, affirme ce dernier. Une nouvelle dissension entre les ministres du gouvernement Barnier en perspective…
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