Il a fallu attendre un film belge, sur un sujet américain tourné en anglais en Arizona, pour que la germano-luxembourgeoise Vicky Krieps, adoptée par le cinéma français, livre, à nos yeux, sa performance la plus impressionnante à ce jour – d’ailleurs dans le rôle de un personnage a priori absolument détestable. En salles ce mercredi, le long métrage “Le Mur”, du réalisateur belge Philippe Van Leeuw, tourné sur les lieux mêmes de son action, au sud de Tucson près de la frontière avec le Mexique, raconte le quotidien éprouvant de Jessica, une agente du police des frontières.
Jessica traque quotidiennement les migrants mexicains illégaux. Très solitaire, antisociale, odieuse, allant jusqu’à kidnapper des migrants pour rapidement coucher avec eux – afin, suppose-t-on, de tomber enceinte –, minée par les problèmes familiaux, Jessica est une épave nerveuse de l’existence.
Clairement partisane de la politique migratoire chère à Donald Trump, détestant les immigrés clandestins et les Mexicains clandestins, et facile à gâcher, elle sera confrontée au pire : elle tire sur un migrant lors d’une arrestation. Par hasard, elle se défend avec son coéquipier, tandis qu’un témoin, un grand-père issu d’une tribu indigène, affirme qu’elle a tiré volontairement. La police devra déterminer qui dit la vérité…
Au-delà de cette histoire aussi tendue que compacte, la force de « The Wall » réside dans ce portrait tendu de son anti-héroïne, et dans l’incarnation livrée par Vicky Krieps, remarquée jusqu’ici pour ses rôles dans les deux films d’art et d’essai (« Phantom Thread », « Plus que jamais », « Bergman Island »…) ainsi que des productions majeures comme « Les Trois Mousquetaires ». Souvent admirée pour la douceur ou la réserve de ses compositions, elle est constamment à cran, parfois révoltante, capable d’éclats aussi effrayants que violents.
Mais pas seulement. Si l’actrice intervient avec brio dans un registre psychorigide, voire psychopathique, inhabituel pour elle – elle se montre véritablement terrifiante dans certaines séquences –, elle parvient aussi, et c’est un immense exploit, à rendre parfois cette figure terrifiante, presque touchante. Oui, grâce à Vicky Krieps, Jessica apparaît comme la super méchante qu’elle est, mais l’actrice de 41 ans parvient aussi à nous rendre triste avec ce personnage en évoquant, par touches légères, toutes les horribles raisons qui pourraient la rendre triste. c’est comme ça. Une magnifique performance choc…