A l’ouverture du 27e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), les réalisateurs proposent le long métrage ce mercredi soir Préparatifs pour un miracle de Tobias Nölle. Fable écologiste au regard incisif, le film raconte, à travers le regard d’un androïde, la lutte des écologistes contre l’agrandissement d’une mine de charbon à ciel ouvert. Contacté à New York, le réalisateur explique sa démarche atypique.
Un androïde sans nom venant d’un futur sans humanité arrive sur Terre. Plus précisément dans le village de Lützerath, dans le centre-ouest de l’Allemagne. Elle cherche alors à prendre contact avec ses pairs, dont une terrifiante machine engloutissant des kilomètres de terre.
L’androïde croit à tort que cette vaste étendue de terre sans vie est le sanctuaire d’un roi. Il s’agit en fait d’une mine de charbon en plein développement. Elle s’approche alors des engins de chantier pour entamer une conversation, mais ceux-ci ne sont pas encourageants. Elle est un peu une « rejeteuse », cette androïde candide car, comme les écologistes, elle perturbe la marche du progrès.
C’est le chemin atypique et original qu’a emprunté le cinéaste suisse Tobias Nölle pour évoquer l’histoire – bien réelle – de la mine de charbon à ciel ouvert de Garzweiler, dont l’exploitation a déplacé des milliers de riverains et rallié des écologistes engagés dans une lutte inégale.
Dans ce carnage, la disparition du village de Lützerath avait une valeur symbolique comme l’indique un rapport publié dans La presse en mai 2023.
(Re)lire l’article « La mine de charbon qui mangeait les villages »
Selon nous, le scénario de ce documentaire en forme de fable écologiste porte le fardeau d’une planète menacée d’implosion par le comportement de ses occupants enchaînés à leur implacable besoin de produire et de consommer.
Nous vivons dans un système basé sur la croissance. C’est le problème. Le principal problème est le système dans lequel nous vivons.
La mine de charbon existe depuis un certain temps. Mais n’est-il pas ironique que son exploitation ne soit pas sur le point de s’arrêter dans un pays – l’Allemagne – qui a fermé toutes ses centrales nucléaires pour diverses raisons, dont des craintes écologiques suite à la catastrophe de Fukushima ?
En effet, répond le cinéaste lors d’un entretien téléphonique. Mais la guerre en Ukraine a changé la donne. « L’Allemagne recevait la plupart de ses combustibles fossiles de la Russie. Elle dut soudain compter sur ses propres ressources. »
Esclaves des humains
Animé d’un vif intérêt pour le sujet, M. Nölle n’a toutefois pas souhaité réaliser “un autre documentaire interview”. Il voulait une approche, une signature personnelle. «J’ai fait confiance à mon instinct, ce qui nous a conduit à ce qui ressemble en quelque sorte à un conte de fées», dit-il.
Le film, présenté pour la première fois au festival Visions du Réel à Nyon, en Suisse, a un bon déroulement narratif, mais il peut être un peu déroutant. Qu’en pensent les programmeurs RIDM ? Pourquoi l’avoir choisi comme ouverture ?
« La forme et l’approche de Préparatifs pour un miracle sont super intéressants pour nous», répondent par écrit Marlène Edoyan, Ana Alice de Morais et Hubert Sabino-Brunette, du collectif de programmation. « Ce film se déploie de manière innovante entre documentaire activiste, cinéma d’observation et fable de science-fiction, un amalgame assez insolite, mais très fécond. »
Ils ajoutent que « le look décalé d’un androïde du futur… offre un point de vue original sur le présent, avec une touche d’humour intelligente ».
Par ailleurs, Tobias Nölle attire notre attention sur le rôle des machines (pelle, rétrocaveuse, etc.) dans son documentaire de 88 minutes. « En m’approchant de ces machines, j’ai réalisé qu’elles se comportaient comme des créatures », raconte-t-il. Ce qui se passe n’est pas la faute des machines. Nous les percevons comme mauvais même s’ils ont été créés par des humains. Dans un sens, ce sont des esclaves. »
Dès la sortie de la projection, on est frappé par le côté joyeusement ironique du titre. Alors, comment devons-nous être « prêts pour un miracle » ? Parce qu’il faut se mettre dans la « peau » de l’androïde qui, à notre humble avis, ressemble un peu à un Petit Princearrivant sur Terre avec de nobles intentions et une quête de l’autre.
Tobias Nölle précise de son côté que son androïde croit que la mine de charbon est un immense stade où le roi va chanter, créant une forme de miracle. « Mais c’est évidemment aussi une métaphore du système dans lequel nous vivons », dit-il. Nous vivons dans un système capitaliste dans lequel nous travaillons et travaillons en espérant qu’une sorte de miracle se produise. Mais cela n’arrive jamais. Et c’est la même spirale qui se produit avec la sauvegarde du climat. »
Montre que le miracle de la machine est toujours le plus fort.
Présenté ce mercredi soir à 19h au Théâtre Outremont et vendredi à 17h au Cinéma du Parc
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