Dans Hérétiquede Scott Beck et Bryan Woods, Sophie Thatcher et Chloe East incarnent deux missionnaires mormons qui croient pouvoir convertir Hugh Grant, dans le rôle d’un homme bien moins charmant qu’il n’y paraît. La presse les a rencontrés par vidéoconférence.
Publié à 00h48
Mis à jour à 7h00
Co-auteurs deUn coin tranquillepar John Krasinski, directeurs de 65 et de HanterScott Beck et Bryan Woods se connaissent depuis l’âge de 11 ans et travaillent ensemble depuis plus de 20 ans. Il y a une quinzaine d’années, les deux quadragénaires tournaient un court métrage dans une maison habitée par un vieux couple en apparence charmant. De là ont germé les prémisses de leur nouveau long métrage, Hérétique.
« Ce couple prédisait bientôt la fin du monde. Pendant des années, nous avons réfléchi aux conséquences de mauvaises croyances entre de mauvaises mains et au danger d’être en présence de mauvaises personnes », explique Scott Beck.
Verser Hérétiqueils ont donc imaginé un huis clos anxiogène où deux mormons convaincus, la candide sœur Paxton (Chloe East) et la délurée sœur Barnes (Sophie Thatcher), tombent dans les filets de M. Reed (Hugh Grant), un érudit cynique, qui délivrera une leçon d’histoire des religions qui ébranlera les membres les plus dévots de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.
« J’ai appris beaucoup de choses grâce à Hérétique, dit Hugh Grant. Les nombreuses années de recherche que Scott et Bryan ont consacrées à écrire tout ce que M. Reed a dit ont porté leurs fruits. J’en étais sincèrement fasciné, même si je savais qu’une myriade de religions antérieures au christianisme partageaient de nombreux aspects similaires avec la religion chrétienne. »
Tout cela est captivant ! J’en ai d’ailleurs parlé avec mon père de 96 ans, qui se demande s’il doit redevenir croyant avant de mourir.
Hugh Grant, acteur
Comme leur partenaire, les actrices, toutes deux élevées dans la religion mormone – ce que les réalisateurs ignoraient avant de les embaucher – ont aimé découvrir l’histoire des religions. «J’ai longtemps eu l’impression que c’était la seule vraie religion», résume Chloé East. En vieillissant, vous vous demandez si vous croyez tout ce qu’on vous dit parce que vous avez été victime de cette culture ou si vous avez réellement la foi. Ce que j’ai aimé Hérétiquec’est que cela permet d’élargir sa réflexion à d’autres que soi, mais au final, personne ne connaît jamais la réponse. »
Même si Scott Beck et Bryan Woods se sont appuyés sur le dialogue pour créer la peur, ils n’ont pas lésiné sur l’aspect visuel. Pour la direction photo, ils ont fait appel à Chung Chung-hoon, le fidèle collaborateur de Park Chan-wook (Vieux garçon, Dame Vengeance, Soif) à qui l’on doit aussi les images de Hier soir à Sohod’Edgar Wright.
“Nous avons toujours été fans de Chung Chung-hoon”, révèle Bryan Woods. Dans tous les films avec lesquels il collabore, il laisse sa marque à chaque plan. Ironiquement, l’une de ses grandes contributions à Hérétiquec’est d’avoir évité de nous étonner dès la scène d’ouverture. Chung-hoon a suggéré que nous soyons aussi ennuyeux que possible, sans entrer dans la fantasy dès le début afin de pouvoir devenir de plus en plus sombres dans les deuxième et troisième actes. Nous avons trouvé vraiment astucieux qu’il propose cette retenue, cette simplicité pour mieux servir ce film qui met en scène des gens qui parlent. »
“Chung-hoon est vraiment génial!” s’exclame Sophie Thatcher. J’avais l’impression que la caméra avait sa propre personnalité. La plupart du temps, nous ne savions pas où se trouvait la caméra. Dans sa façon de filmer, il isole les acteurs, mais sans le leur dire ; nous avons donc dû rester pleinement investis à tout moment. Sa photographie crée toute la tension et le sentiment d’oppression que l’on ressent tout au long du film. Il y a un point de vue tellement stylisé que je pense qu’aucun autre cinéaste n’aurait atteint ce résultat. »
Le pouvoir de contrôle
Outre la photo soignée, ce qui frappe dans Hérétiquec’est la maquette de la maison de M. Reed qui se trouve dans sa bibliothèque. évoquant L’horreur d’Amityvillepar Stuart Rosenberg, et Héréditaired’Ari Aster, la maison miniature s’intègre à l’action grâce à des effets de montage judicieux.
« Le thème central du film est le contrôle », rappelle Scott Beck. Et plus largement, comment chaque religion obtient le contrôle en dictant ses lois, en apprenant à traiter les autres comme soi-même à partir de textes tirés de livres anciens. La maison miniature est pour nous une manifestation concrète de cette idéologie. De manière superficielle, cela crée aussi un lien avec la métaphore utilisée par M. Reed, pour qui les religions sont comme des jeux de société. En regardant le modèle de près, on se rend compte qu’il avait prévu tout ce qui allait arriver, même ce qui semblait inattendu. »
De là à affirmer que M. Reed serait l’incarnation du Diable, il y a un pas que Hugh Grant n’oserait pas franchir. « J’ai vraiment aimé être monstrueux, mais je pense que la plupart des acteurs diraient la même chose. Généralement, les téléspectateurs sont attirés par les personnages méchants. En fait, je pense que c’est parce que nous sommes d’horribles êtres humains et que la gentillesse dont nous faisons preuve n’est qu’un vernis qui finit par se fissurer”, conclut calmement l’acteur britannique.
Dans la chambre