Bien sûr, c’était ce personnage pathétiquement drôle des « Bronzés ». Mais aussi celui de « Marche à l’ombre », « Monsieur Hire », « L’Exercice de l’Etat »… Dix Films qui racontent l’évolution singulière d’un grand acteur.
By Caroline Besse, Hélène Marzolf, Marie Sauvion
Publié le 4 octobre 2024 à 17h15
“Les Bronzés” (1978) and “Les Bronzés sont du ski” (1979), by Patrice Leconte
Évidemment, le rôle de sa vie, celui qui imprimera à jamais la mémoire collective – et, accessoirement, le collera au point de l’enfermer un temps dans les métiers de canaille comique. Musclé comme un pudding aux pruneaux, chauve et moustachu, son Jean-Claude Dusse restera comme l’archétype du perdant de la compétition. Celui qui espère toujours « conclure sur un malentendu », sort de l’eau avec une paire d’algues, un soufflet « quand te reverrai-je, merveilleux paysuuuuux », coincé dans un télésiège, et laisse négligemment des photos de lui « amis d’autres années ». Drôle et pathétique jusqu’à la gêne.
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« Les Bronzés »
« Marcher dans l’ombre », de Michel Blanc (1984)
Acclamé par six millions de spectateurs, ce passage derrière la caméra révèle – ou confirme, en fait, si l’on pense au travail collaboratif de Splendid – un auteur inspiré et dans l’air du temps. Sur un schéma classique de film de copainMichel Blanc s’associe à Gérard Lanvin pour une comédie d’amitié errante dans un Paris métisse. Sans rompre encore avec le Jean-Claude Dusse de Bronzé (et toutes ses déclinaisons chez Patrice Leconte, de Viens chez moi, je vis chez un ami a Le nom de ma femme revient), l’acteur livre une hilarante variation hypocondriaque. Toujours taillé comme une biscotte avec une moustache mais désormais capable d’exciter les filles, son personnage est néanmoins empêché de « finir », tantôt par son ami François, beau mec et musicien mais connard quand même, parfois par un joint aussi. fort pour lui. Son bad trip mémorable (« J’ai été attaqué par des renards ») n’a pas vieilli d’un poil. Une manière pour Michel Blanc d’enfoncer le clou tout en disant adieu à son métier de vieux perdant avant l’heure.
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“Promenade à l’ombre”
« Tenue de soirée », de Bertrand Blier (1986)
«C’était le plus important de tous pour moi. Un changement total, un tourbillon, Michel Blanc a déclaré au journal en 2018 Le monde. Avec Tenue de soirée, Bertrand Blier a offert son premier contre-emploi à l’éternel comique, qui explose dans le rôle d’un hétéro faisant un plan à trois avec Miou-Miou et Gérard Depardieu, entre coups, cambriolages et travestissements. La farce acide mélange les genres et met tout le monde sur le trottoir à la fin, non sans avoir transformé son personnage en femme au foyer gay, humiliée et frustrée comme une femme au foyer. Bref, un « foutu film », comme le proclamait à l’époque l’affiche, avec un Prix d’Acteur à Cannes pour un homme blanc méconnaissable.
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« Tenue de soirée »
« Monsieur Hire », de Patrice Leconte (1989)
Une autre métamorphose. Avec cette adaptation de Simenon, Michel Blanc, livide et privé de moustache, livre une performance émouvante. Injustement accusé de meurtre, son M. Hire est un homme solitaire, un voyeur vêtu de noir, un amant transpercé par sa misère émotionnelle. Peut-être le plus grand rôle de l’acteur, masque de cire et cœur brisé, le tout dans une sobriété douloureuse.
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“M. Embaucher”
« Grosse Fatigue », de Michel Blanc (1994)
Son deuxième film en tant que réalisateur, dix ans après Marcher à l’ombre. Une comédie vachard, où Michel Blanc se affronte son double – un double maléfique qui sème la zizanie sur la planète célébrité. L’auteur jongle avec le star system, la mise en abyme, et se moque de lui-même avec beaucoup d’autodérision. Entre mal-être et vertiges, une réflexion caustique sur le statut d’artiste et les ravages du narcissisme, récompensée par un Prix du Scénario à Cannes.
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« Grosse fatigue »
« Embrasse qui tu veux », de Michel Blanc (2002)
Une galerie de personnages snobs et névrosés – se réservant lui-même le poste de mari jaloux de Carole Bouquet – se croisent lors de vacances au Touquet. En adaptant l’écrivain britannique Joseph Connolly, Michel Blanc, passionné de littérature anglo-saxonne, affine sa causticité. Entre humour froid et mélancolie, son étude de personnages révèle les désillusions derrière le masque social, et offre leurs premières apparitions au cinéma à Gaspard Ulliel et Mélanie Laurent. Seize ans plus tard, il tournera la suite, Voyez comment nous dansons, avec moins de bonheur.
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“Embrasse qui tu veux”
«Je te trouve très belle», d’Isabelle Mergault (2005)
Après la mort de sa femme, électrocutée par une machine à traire, un agriculteur se précipite pour en trouver une autre, quitte à pousser jusqu’en Roumanie, non pas tant par besoin d’amour que parce qu’il y a une pénurie de main d’œuvre sur le territoire. ferme… Sous ce titre un peu provocateur sur une affiche mettant en scène Michel Blanc, se cache un rom com rural, prévisible mais tendre, et un énorme succès en salles (plus de trois millions d’entrées). Ou comment le rustre Aymé va enfin goûter aux joies promises par son prénom…
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“Je te trouve très beau”
“The Witnesses”, by André Téchiné (2007)
Avec Monsieur Embauchedu fidèle Patrice Leconte, Les témoinsd’André Téchiné, est l’un de ses rôles les plus marquants dans le registre dramatique. Médecin-chercheur homosexuel, fou amoureux d’un jeune provincial (Johan Libéreau) parti à Paris pour trouver du travail, il est confronté aux tout débuts de l’épidémie de sida. Les bons moments d’insouciance sont suivis d’injustice et de culpabilité des survivants dans ce film d’une ampleur romantique remarquable. Avec ses partenaires (Emmanuelle Béart et l’intense Sami Bouajila notamment), Michel Blanc fait partie d’une troupe engagée à redonner le sentiment des années 80. Un grand acteur, dans un grand Téchiné.
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« Les Témoins »
« L’exercice de l’État », de Pierre Schoeller (2011)
Il y excelle comme chef de cabinet du ministre des Transports, impliqué dans un projet de privatisation des gares et dans l’enfer des manœuvres partisanes au sein de l’État. Après sept nominations, dont quatre pour le meilleur acteur, Michel Blanc remporte enfin, avec ce subtil thriller politique, son premier et unique César, celui du meilleur second rôle. Il était temps.
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« L’exercice de l’État »
“Marie-Line et son juge”, de Jean-Pierre Améris (2023)
Joli film sensible où, face à Louane Emera, Michel Blanc prouve une nouvelle fois sa capacité à émouvoir en juge dépressif, noyant ses tourments dans l’alcool. Un travail pour un grincheux au grand cœur, un misanthrope blessé, bientôt revigoré par la rencontre avec une jeune prolotte aux cheveux roses, et par un amour tardif. Son dernier rôle à l’écran, avant La Cache, de Lionel Baier, qui sortira à titre posthume.
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“Marie-Line et son juge”
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