Aadi Yug – la chronique du Nanarland

Quand le Marteau, alors en déclin, retrouvait quelques couleurs (le vert des billets notamment) grâce au plébiscite de Un million d’années avant Jésus-Christ (1966) et la fraîcheur de Raquel Welch immortalisée en bikini fourrure, c’est un peu une divine surprise. Consciente qu’il faut frapper le fer du succès commercial pendant qu’il est chaud, la firme continue avec Femmes préhistoriques (1967), Quand les dinosaures dominaient le monde (1970) et Créatures que le monde a oubliées (1971) sorti ici sous le titre dingo Violence et sexe à l’époque préhistorique (!). Pendant un temps, les films sur les hommes des cavernes, les pin-ups en peaux de bêtes et les grosses bêtes antédiluviennes sont redevenus à la mode dans le cinéma d’exploitation, et notamment… en Inde. Citons le tentant Purana Purushla série sombre de Adi Manav (dont le premier opus psychédélique nous offre cinq minutes de clichés crasseux de 2001, l’Odyssée de l’espace), LE Aadi Youg qui nous occupe aujourd’hui, et sans doute d’autres merveilles à (re)découvrir. Des films tout à fait accessibles à un public occidental d’ailleurs, car ici il n’y a pas de barrière de langue puisque chacun s’exprime en babillages et bouga-bouga comme dans les œuvres originales de la célèbre firme britannique.

Sans doute afin de s’adapter à toutes les sensibilités et susceptibilités religieuses, Aadi Youg nous raconte les débuts de la vie sur Terre en mélangeant créationnisme et darwinisme à la manière d’un Adam et Eve contre les cannibales. A la nuit des temps, Adam et Eve (à moins qu’il ne s’agisse de leurs versions hindoues et Ida) se promènent nus dans la campagne indienne, une feuille de papier modestement (et très très discrètement) tenue devant l’objectif de la caméra pour cacher leurs parties intimes. . Après avoir croqué dans le fruit défendu, nos deux aïeux potelés font l’amour hors caméra et on les retrouve alors vêtus de pagnes, toujours en train d’errer dans un paysage rocheux.

L’art d’agir consensuel dans un pays très conservateur.

Cachez ce zigouigoui qu’on ne voit pas.

Comble du raffinement et de la suggestion subtile : deux branches d’arbre se frottent l’une contre l’autre pour symboliser les ébats d’Adam et Ève.

Le reste du film est en revanche beaucoup moins prude et joue « La Guerre du feu dans les fesses », s’éloignant de la chasteté habituelle des productions du sous-continent.

Un cadrage époustouflant.

Soudain, nos deux tourtereaux sont attaqués par un éléphant qui se lance à leur poursuite. Eve commence à émettre des gémissements orgasmiques hilarants pendant qu’elle court. C’est alors qu’on assiste avec stupéfaction à l’arrivée d’un deuxième pachyderme, et à ce qui se veut un « combat » à mort entre les deux éléphants : sur l’écran, les deux animaux restent placidement l’un à côté de l’autre. de l’autre sans les toucher, l’air un peu perdu, et on aperçoit régulièrement le bâton d’un cornac qui cherche désespérément à les exciter pour les rendre plus « sauvages ». Plan sur Adam et Eve qui sont terrifiés alors qu’ils regardent ce choc des titans. Plan suivant : l’un des éléphants est au sol, soi-disant mort, et l’autre s’éloigne. De son côté et après avoir revu la scène pour comprendre ce que le réalisateur essayait de lui montrer, le Nanarder s’est effondré de rire face à ce spectacle incroyable.

Un « combat » d’une extrême sauvagerie.

La suite se concentre sur les descendants d’Adam et Ève : une tribu d’idiots passant leur temps à chasser, cueillir, copuler, se battre entre eux pour la possession d’une femme et, surtout, gambader à toute vitesse. en rotant des grondements stupides, en braillant les grognements des victimes de traumatismes faciaux et en riant comme des idiots sans raison, dans un concours permanent de grimaces. Difficile de raconter le scénario car il n’y en a pas, mais on va quand même essayer de résumer cet heureux gâchis…

Génie!

Gneuh !

Bounga !

Gmurf !

Bouh !

Waaarh !

Kikou !

Beeuuurgh !

Ouiiiiiik !

Le Clan des Cavernes des Histrioniques.

Banque d’images d’une éruption volcanique ayant décimé leur tribu, le héros et son acolyte moustachu sont acceptés par une autre tribu à la morale un peu plus « évoluée » que la leur : ils surjouent aussi comme de profonds idiots mais mangent des fruits et partagent la nourriture au lieu de se battre. sur chaque cuisse de poulet. À un moment donné, le méchant jette le mannequin en mousse du chef de tribu du haut d’une falaise (avec un « Aaaaaaah ! » ridicule) pour devenir calife à la place du calife et violer la fille du chef. Mais le héros ne laissera pas une telle tromperie impunie et se battra contre le voyou, au cours d’un duel rendu quelque peu déroutant par la ressemblance du héros avec le méchant (ils ont la même tête, la même coiffure et sont habillés exactement de la même manière, nous je comprends à peine !). Pour s’occuper entre deux combats, nos Cro-Magnons regardent aussi des conneries, en l’occurrence des stock-shots immondes tous déformés avec Frankenstein conquiert le monde !


Scoop : à la préhistoire, nos ancêtres regardaient les kaiju pour passer le temps !


Et comme ils étaient primitifs, ils ne respectaient même pas le ratio originel de ces sauvages !

Et puis comme si cette présence via des inserts volés ne suffisait pas, le monstre Baragon…

…se retrouve directement propulsé sur l’affiche. Coup dur pour la propriété intellectuelle.

Saviez-vous ? Le mascara et le rouge à lèvres étaient très appréciés des femmes des cavernes !


Aadi Youg
fait partie de ces bourrins mineurs mais extrêmement sympathiques, qui compensent le néant absolu de leur scénario par une combinaison d’éléments agréables. L’ambiance tout à fait unique, avec son film granuleux, son montage chaotique, ses zooms brutaux, ses bruitages rigolos et son synthétiseur déjanté crissant continuellement ses mélodies expérimentales. La surinterprétation, souvent hilarante, des acteurs dans des habitations troglodytes congénitales, ou des acteurs qui en fabriquent des boîtes pour mimer un combat contre un plan d’archives d’un « dinosaure » (enfin, d’un lézard avec un collier collé dans le dos). Le déluge de photos d’archives en noir et blanc (stitch Tumak, fils de la jungle, un film américain de 1940 !) entrecoupé de plans couleurs de 1978. L’attaque risible du yéti, monstre grotesque et libidineux redouté incarné par un intermittent en pyjama de fourrure. Bref, tous les ingrédients d’un spectacle rafraîchissant et naïf sont là.

L’ancêtre de Mike Ransom contre l’ancêtre de Jakoda.

Un yéti moelleux.

Tout juste marié.

Photo d’archives.

Pas de stock shot.

Photo d’archives.

Pas de stock shot.

Photo d’archives.

Pas de stock shot.

Photo d’archives.

Pas de stock shot.

Une apparition involontaire de Victor Mature, le héros de « Tumak, fils de la jungle » (One Million BC), une production hollywoodienne de 1940. “Tumak, fils de la jungle” a également été pillé par de nombreuses productions, dont des coquins flamboyants comme Robot Monster (1953), Vampire Men of The Lost Planet (1970) ou le Turc Tarzan Korkusuz Adam (1974).

Cependant, ne vous attendez pas à du plaisir non-stop. Aadi Youg appartient à la catégorie des « soft hypnotiques » (copyright Kobal), un OVNI hyper-cassé au premier degré imperturbable, dégageant une atmosphère étrange qui plaira aux amateurs de pures bizarreries cinématographiques. Il existe de nombreuses longueurs mais le travail est impossible à détester. Pas trop long faute de séquences musicales, ce film se résume à une poignée d’acteurs mécènes s’amusant comme des gamins dans leurs rôles de consanguins de l’âge de pierre, au milieu de tant de plans d’archives voyant que cela devient tout simplement magique. Un beau petit poussin, dans le sens le plus affectueux du terme, sans prétention mais suscitant une grande sympathie.

Yay! Nous sommes au Nanarland !

 
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