Rosalie, de Stéphanie Di Giusto

Dans Rosalieson deuxième long métrage, la réalisatrice Stéphanie Di Giusto retrouve Nadia Tereszkiewicz, qu’elle a dirigée dans Le danceur. Lauréate du César du meilleur espoir féminin l’année dernière, l’actrice incarne une femme atteinte d’hirsutisme.. La presse je les ai rencontrés à Paris.


Publié à 1h02

Mis à jour à 8h00

Nadia Tereszkiewicz rêvait d’enseigner la littérature. Alors qu’elle préparait son agrégation de lettres, elle a dû demander l’autorisation de prendre congé pour filmer en Le danceur (2016), drame biographique sur Loïe Fuller de Stéphanie Di Giusto. Même si elle jouait un rôle muet, celle qui jouerait la nounou dans Baby-sitter (2022), de Monia Chokri d’après la pièce de Catherine Léger, a eu un coup de foudre pour le cinéma. Six ans plus tard, au hasard d’une rencontre, le réalisateur lui propose « le rôle de sa vie ».






« Le scénario était très détaillé, j’avais l’impression de lire un texte littéraire. Il y avait cette impression de romance, de grand film, se souvient l’actrice française née d’une mère finlandaise et d’un père polonais. J’ai été touché par le personnage. J’y ai vu quelqu’un qui se bat pour être qui elle veut être, qui doit surmonter le jugement des autres. Elle a une différence extraordinaire, mais en même temps, je m’identifie à elle. Nous avons tous une différence. Quand j’ai lu le scénario, je me suis complètement retrouvée dans ce personnage. J’ai adoré son courage, sa rage de vivre, sa joie, sa foi. »

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PHOTO MARIE ROUGE, FOURNIE PAR UNIFRANCE

Nadia Tereszkiewicz

Secrète

Ce personnage est Rosalie, dont l’histoire imaginée par Stéphanie Di Giusto s’inspire librement du destin de Clémentine Delait (1865-1939), tenancier de bar, femme barbue et mascotte des Poilus pendant la Première Guerre mondiale. Jeune femme vivant en France en 1875, Rosalie est donnée en mariage par son père (Gustave Kervern) à un caféier endetté, Abel (Benoît Magimel). Après l’avoir épousée pour sa dot, l’homme découvre avec horreur que sa nouvelle épouse lui cache un secret.

Ce qui m’intéressait chez Clémentine Delait, c’est qu’elle refusait d’être un phénomène forain ordinaire. Elle voulait être une femme et avoir une vie de femme.

Stéphanie Di Giusto

“C’est drôle parce que dans son autobiographie, elle n’a jamais parlé de son mari”, ajoute Stéphanie Di Giusto. Elle avait adopté une petite fille et cela m’a beaucoup touché. Je me demandais ce que ça faisait d’aimer cette femme qui embrassait ses cheveux. Comme je ne voulais pas faire de biopic après Le danceur, je me suis aussi inspirée de plusieurs femmes qui souffraient de cette maladie génétique, l’hirsutisme. »

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PHOTO MARIE ROUGE, FOURNIE PAR UNIFRANCE

Stéphanie Di Giusto

Constatant notre époque très violente, Stéphanie Di Giusto dit qu’elle avait besoin d’écrire une histoire d’amour. Elle ne souhaitait cependant pas une romance banale, mais plutôt une histoire d’amour inconditionnel et extraordinaire. Ayant perdu son père, elle révèle qu’inconsciemment, elle voulait aussi s’occuper de la protection de l’homme. Elle souhaitait plus que tout immerger ce personnage assumant courageusement sa différence dans une période d’uniformisation afin de faire un parallèle avec le temps présent.

« Placer mon film en 1875 n’est pas un hasard, précise le cinéaste. Cinq ans après la guerre franco-prussienne, les gens sont très humiliés, il y a un climat de suspicion, on regarde l’autre, qui est forcément un ennemi. C’est aussi le début du capitalisme, du paternalisme social, incarné par Barcelin, le personnage de Benjamin Biolay, dont l’idée était de contrôler chacun dans sa manière d’être, dans sa vie. Tout le monde se levait et se couchait en même temps, les femmes travaillaient autant que les hommes, il n’y avait pas grand-chose à faire en dehors du travail. »

Ode à la différence

Pour incarner Rosalie, Nadia Tereszkiewicz a dû se soumettre à des séances de maquillage de quatre heures au cours desquelles un spécialiste a créé la barbe un poil à la fois. L’actrice révèle qu’il a fallu des mois pour essayer de trouver une barbe douce et jolie. Si elle reste ravissante derrière sa barbe, elle ne cache pas le choc esthétique vécu lors des premiers jours de tournage. Rosalie. Elle avait honte de son apparence, mais grâce à la gentillesse de Stéphanie Di Giusto et de l’équipe du film, elle aimait porter la barbe, à l’image de son personnage.

“En fait, j’étais très fragile”, avoue l’actrice. J’avais besoin d’encouragement et je sentais qu’ils étaient tous avec moi, qu’ils étaient tous là pour Rosalie. J’adore l’idée de me transformer pour des rôles. Si ça n’avait pas été Stéphanie, je pense que j’aurais hésité, mais je savais qu’elle allait certainement faire quelque chose de beau parce que c’est ce qu’elle recherche. Je n’ai pas du tout remis en question le ridicule. »

Inspirée par les films de Renoir pour « leur simplicité humaine », Stéphanie Di Giusto a trouvé le courage de tourner Rosalie grâce à la beauté d’Annie Girardot dans Le mari de la dame barbue (1964), de Marco Ferreri. Nadia Tereszkiewicz refuse de le voir, tout comme Homme éléphant (1980), de David Lynch, ou Monstres (1932), de Todd Browning, parce qu’il fallait selon elle « trouver quelque chose de profondément humain », la réalisatrice lui a proposé de tirer la rage de vivre de son personnage de celle interprétée par Émilie Dequenne, qui se bat pour une vie normale , dans Rosette (1999), des frères Dardenne.

« Rosalie accepte ce qu’elle est. C’est une affranchie. Elle fait face au regard des autres. Elle affirme sa féminité singulière face aux diktats de l’époque, mais surtout elle ne se positionne jamais en victime. Malgré sa barbe, elle affirme son besoin d’amour alors que d’autres veulent la réduire à l’état de monstre. Bizarrement, plus elle portera sa barbe, plus elle s’épanouira en tant que femme. Plus le film avance, plus elle est belle. D’ailleurs, quand elle n’a plus cette barbe, d’un coup, on a l’impression qu’il manque quelque chose », raconte Stéphanie Di Giusto.

En salles le 26 avril

Les frais de déplacement ont été pris en charge par Unifrance.

 
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